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affiche War On Screen -J3- 4/10

War On Screen -J3- 4/10

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Genre : Festival Cinéma

L'Actu

En ce troisième jour, bercé par la douceur automnale, il règne sur le festival War On Screen une ambiance conviviale, presque familiale, relayée par le sourire des bénévoles et de l’équipe. Malgré le thème des moins légers, tout ce petit monde affiche une mine réjouie communicative. Ainsi, réalisateurs, membres du jury, intervenants, festivaliers, acteurs ont plaisir à se croiser et à se retrouver au bar en sous-sol pour une collation, un petit café et pour faire le point entre deux films.

Mais assez parlé détente, revenons aux choses sérieuses : les films. Ce vendredi est marqué par un rythme de projections digne d’un marathon où les coups de cœur côtoient les découvertes mais aussi des sentiments tout autres comme le choc, la gêne et parfois même l’hostilité, sans jamais convoquer l’indifférence. Et pour cause, sont projetés pas moins de 5 films en compétition, 2 rétro rire, 3 séances spéciales, 3 séances d’archives, 2 focus Québec et le premier lot de courts-métrage en compétition dans les cinq salles de projection du festival, un beau panaché en somme. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre entre deux salles quelques festivaliers regretter de ne pas pouvoir tout voir… Mais c’est la dure loi du festival de cinéma.

Entrecoupée d’une dégustation bienvenue de champagne offerte par le Lycée Viticole de la Champagne, la journée nous a réservé son lot de surprises et d’émotions. Lumière sur Camp 14, Event 15 et Room 514, trois films de la compétition qui nous ont particulièrement marqué.

Camp 14, Total Control Zone est un documentaire bouleversant sur le jeune Shing Dong-Huyk qui a vu le jour dans un camp d'internement nord-coréen. Né d’un mariage arrangé par les gardiens entre deux prisonniers politiques, il a passé toute son enfance et son adolescence dans le Camp 14. Forcé à travailler depuis l’âge de 6 ans, dénutri, battu et torturé. Il ne connaissait du monde extérieur que les clôtures et les fils barbelés. A l’âge de 23 ans, il parvient enfin à s’échapper. Il voyage pendant des mois à travers la Corée du Nord et la Chine avant d’arriver finalement en Corée du Sud, où il découvre un monde qui lui est complètement étranger. Un monde régit par l’argent, la sournoiserie, où les gens sont malheureux et se suicident. Voici le constat de Shing lorsqu’il découvre le monde extérieur. A la fois bouleversant, révoltant et profondément émouvant, Camp 14 possède l’efficacité d’un film et l’impact du documentaire, un véritable plaidoyer pour les droits de l’Homme.

Event 15 raconte l’histoire de trois soldats rapatriés de peu du Moyen-Orient qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique. Un après-midi, ils se retrouvent coincés dans un ascenseur et ne tardent pas à apprendre que Washington vient d’essuyer une attaquer terroriste à la bombe nucléaire. Isolés et directement confrontés à la perspective de la mort, les soldats ne tardent pas à se laisser submerger par le stress et à faire resurgir des expériences de la guerre, conduisant rapidement à une bataille brutale pour la survie. Avec Event 15, Matthew Thompson propose une vision intéressante des traumas après guerre où la confrontation est la clé de la guérison. Sa mise en scène astucieuse permet de suivre les pérégrinations de nos trois héros dans cet espace confiné et au delà. Sans révolutionner le genre des « films d’ascenseur », Event 15 l’exploite intelligemment pour réaliser un thriller sombre et manipulateur qui lève le voile sur un mal encore peu reconnu et souvent sous-estimé.

Au sein de la Room 514, Anna, enquêtrice dans l’armée israélienne, confronte un officier supérieur à des accusations de violence gratuite à l’encontre d’un Palestinien. Jeune femme idéaliste, elle va mettre à l’épreuve sa propre intégrité et sa détermination. Malgré la complexité politique de l’affaire et les mises en garde de ses collègues, elle prend clairement position contre ce qui ressemble à un abus de pouvoir. Mais sa quête de justice de plus en plus acharnée aura de lourdes conséquences pour toutes les personnes impliquées. Huis clos ultra confiné, Room 514 est doté d’une force formelle complexe et étouffante relayée par son unité de lieu. Mais aussi par son point de vue unique, celui d’Anna, persuadée de son pouvoir et des faits qu’elle avance. La virtuosité de ses comédiens est sans appel et la caméra nerveuse de Sharon Bar-Ziv capte dans un traitement qui fait la part belle à la parole toute la tension, la vigueur et la complexité de la situation des territoires occupés.

Eve BROUSSE

Crédit photo : Christophe Manquillet