A Want in Her
Genre : Documentaire
Pays : Ireland
Durée : 1h21
Réalisateur : Myrid Carten
Acteurs : aucun
La réalisatrice rentre chez elle pour retrouver sa mère Nuala. Nuala était autrefois une assistante sociale réputée. Après la mort soudaine de sa propre mère, elle a plongé dans une sévère dépression. Elle passe d'une clinique de désintoxication à un hôpital psychiatrique, et parfois à la rue. Lorsque Nuala disparaît quelque part en Irlande, Myrid revient de Londres pour la retrouver. ( Synopsis)
Présenté cette année à Dinard, A Want in Her de Myrid Carten s’impose comme l’une des propositions documentaires les plus bouleversantes de cette édition. Le point de départ semble simple : Carten retourne en Irlande pour renouer avec sa mère, longtemps absente, abîmée par la maladie et l’addiction. Mais ce retour n’est pas une réconciliation. C’est une plongée dans un passé fragmenté, un travail d’archéologie affective où les souvenirs, les images et les blessures se superposent. Plus qu’un récit linéaire, A Want in Her déploie un mouvement circulaire, fait de retours, d’interruptions, de gestes répétés comme si la mémoire refusait de se laisser enfermer dans un récit ordonné. Le montage audacieux, signé avec la monteuse Karen Harley, ne relève pas du simple collage esthétique : il met en scène la confusion des émotions et l’impossibilité de distinguer clairement le souvenir de sa relecture.
La caméra devient alors un espace de confrontation, parfois de guérison, souvent d’inconfort. Mais A Want in Her ne se contente pas d’exposer la douleur : il interroge le droit de filmer l’intime. Comment représenter une personne aimée, vulnérable, sans trahir sa dignité ? Comment dire la colère, la honte, la tendresse, sans tomber dans le pathos ? Carten affronte ces questions de front, en se plaçant elle-même au centre du dispositif. Elle n’est pas une observatrice distante : elle partage l’écran, la culpabilité, le trouble. Cette sincérité, parfois désarmante, donne au film une tension éthique rare dans le documentaire contemporain. Le travail sonore contribue à cette intensité. Silences pesants, bruits d’intérieurs, extraits de conversations enregistrées : chaque élément sonore semble porter une charge émotionnelle précise.
La musique de Clarice Jensen, discrète et atmosphérique, accompagne le film comme un écho intérieur, sans jamais l’envahir. S’il peut dérouter par sa structure éclatée, le film tient sa force de cette même fragmentation. Il ne cherche pas à « résoudre » le passé ni à refermer les plaies, mais à donner forme au chaos. Ce refus de la simplification, ce choix de la complexité, fait toute la beauté du geste de Carten. Loin des récits édifiants ou des confessions larmoyantes, A Want in Her compose un poème documentaire où chaque image semble hésiter entre amour et colère, lucidité et vertige. Dans le contexte du festival de Dinard, le film de Carten apporte une voix singulière : celle d’un cinéma documentaire personnel, exigeant, mais profondément humain. Il rappelle que le réel, lorsqu’il est filmé avec autant de justesse et de risque, peut atteindre une puissance de vérité que la fiction peine parfois à égaler.
Aline Minchella
Fiche technique
Titre : A Want in Her
Réalisation : Myrid Carten
Scénario : Myrid Carten
Production de : Roisín Geraghty, Kat Mansoor, Tadhg O'Sullivan, Eline van Wees
Cinematographie : Myrid Carten
Sean Mullan
Donna Wade
Pays : Ireland, Royaume unie, Pays Bas
Edition de Karen Harley
Music de Clarice Jensen
Production : Inland Films, Snowstorm Productions, Basalt Film
Distribution : Breakout, Sentioar
Durée : 1h21 mn
Date de sortie : Prochainement