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affiche Paradise Lost

Paradise Lost

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Genre : Interview

L'Actu

C’est dans l’ambiance feutrée d’un grand hôtel parisien que nous rencontrons l’équipe du film Paradise Lost,  Benicio Del Toro,  Hutchison et Di Stefano. Pour nous le Paradis n’était pas perdu, mais retrouvé dans un entretien riche autour du travail de l’acteur et de la réalisation d’un projet qui semblait impossible et pourtant réussi.

1- « Quel a été le travail de documentation sur le film, notamment sur la figure qu'était Pablo Escobar ? »

Di Stefano : « Il y a une première phase assez simple finalement parce qu’il existe une abondance de matériaux disponibles ne serait-ce qu'en tapant le nom « Escobar » sur internet. Vous avez beaucoup de vidéos et de livres accessibles. C’est donc une première phase assez facile, presque trop facile. Après, on cherche la pépite rare, un peu comme un chien chercheur de truffes, et là il a fallu que j'aille un peu plus loin. Ce qui m'a paru intéressant dans ces recherches ce sont surtout les livres écrits par ses proches, les membres de sa famille.  Ils furent écrits à la fin des années 90, notamment un livre qui s'appelait « El otro Pablo » écrit par sa sœur. Il m'a beaucoup inspiré dans l'angle et la démarche que je voulais adopter dans ce film. »

 2- « Est-ce que l'idée que vous aviez de Pablo Escobar avant de lire le scénario a changé ? »

Benicio Del Toro: « Oui bien sûr, ma vision de Pablo Escobar évolue. Au départ je me disais comme tout le monde que c'était un trafiquant. Je croyais que c'était simplement le trafiquant le plus connu du monde. Il existe une dimension qui m'échappait complètement, c'était celle de l'homme privé. Son rapport à sa famille, l'homme qu'il était pour ses proches ainsi que toute la dimension d'œuvres sociales qui lui tenait à cœur ou encore sa tentative sérieuse de devenir un homme politique. Toutes ces données étaient des côtés obscurs pour moi, que j'ai découverts au fur et à mesure. Dans le film on s'intéresse à la période qui débute en 1983. » (Benicio Del Toro)

3- « Ce qu'on se demande c'est si le film ne traite pas justement de la barrière, la mince paroi qui sépare le bien et le mal et sur la recherche de chacun d'un Paradis. »

Di Stefano : « On pourrait dire au fond que tous les films traitent de la limite entre le bien et le mal, en tout cas c'est sûr que c'était l'approche que je souhaitais effectuer. Placer chacun des personnages à son tour dans ce conflit moral. Le spectateur n'échappe pas non plus à celui-ci. Il juge le personnage d'Escobar. Il est très complexe, il avait un côté très attirant et je voulais que le public soit aussi charmé, qu'il se situe dans cet élan positif avec Escobar avant que les choses basculent. »

 4- « Quelle est la part de fiction ? »

Di Stefano : « Je me suis intéressé à Escobar et Escobar est entré dans mon imaginaire à partir du moment où quelqu'un m'a raconté une histoire vraie qui était celle d'un Italien. Il se retrouve en Colombie dans les filets d'Escobar. Il devient l'ami d'Escobar. Il  commence à le fréquenter, à aller chez lui jusqu'au jour où Escobar lui donne une mission dont il s'acquitte. Après celle-ci, Escobar veut le tuer pour être sûr que le secret qui résidait dans cette mission n'allait pas être divulgué. C’est cette dimension du personnage qui m'a tout de suite intéressé. Je me suis dit que c'est vraiment ce qui fait la marque de cet homme. C'est un criminel, mais c'est un criminel qui veut tout maitriser au point de ne pas supporter que quelqu'un partage le crime qu'il organise, alors qu'il a besoin de cette personne pour l'effectuer. C'est à partir de ça que j'ai pu créer cette histoire fictionnelle. »

 5- «Est-ce que quelqu'un de l'entourage d'Escobar a vu le film et comment a-t-il réagi ? » 

Di Stefano : « Pas encore de réaction pour le moment, on ignore s’ils l'ont vu. »

 6- « Avez-vous pu tourner en Colombie et est-ce que vous avez eu affaire au cartel ? »

Di Stefano : « Non, nous envisagions différents territoires pour tourner, l'Amérique centrale, la Colombie, mais finalement pour des raisons esthétiques, nous nous sommes retrouvés à Panama. C’est là que nous avons trouvé la maison de Pablo Escobar. »

7- « Comment les personnages de Nick et de Maria vous les avez vécus, approchés ? Il y a aussi quelques similarités avec Le Parrain dans le film, y avez-vous pensé durant l'écriture ou le tournage ? »

Hutchison : « Pour moi le fait que ce soit un personnage fictionnel n'avait rien de nouveau puisqu'à peu près tous les rôles que j'ai interprétés étaient des personnages de fiction. En tout cas pour le personnage de Nick, ce qui m'intéresse, c'est de me mettre à sa place et de voir quel était son approche de la situation. Avec Andrea, nous avons beaucoup parlé de sa famille et de pourquoi il arrive en Colombie. Quel garçon il est, en fait, quand il entre dans cette histoire. Je ne me suis pas tellement intéressé à Escobar, je ne me suis pas documenté. Il m'a semblé qu'il fallait que je rencontre Escobar aussi vierge que l’était Nick. Ce qui est intéressant, c'est de travailler la façon dont Nick et la Colombie tombent amoureux d'Escobar sans rien connaître de lui. Pour pouvoir jouer cette fascination, il fallait que je me mette dans les mêmes conditions que Nick. J'ai donc préféré avoir une approche assez classique de mon personnage. »

 Benicio Del Toro « Moi, oui je me suis beaucoup documenté sur Escobar parce qu'il fallait que je sois proche du personnage. Mais après, très concrètement, lorsque je suis arrivé à Panamà il s'agissait surtout d'apprendre l'anglais, car je ne parlais pas un mot d'anglais avant le tournage et puis finalement de devenir colombien et de me plonger dans cet environnement. »

 8- « Ce qu'il ya de spécifique avec ce gangster qu'est Pablo Escobar, c'est qu'il est psychotique et que l'on s'attend à ce qu'à certains moments il devienne un monstre et passe la ligne rouge, mais justement Escobar ne le fait jamais. Est-ce que c'était pour vous plus difficile à jouer justement ? »

Benicio Del Toro « Je crois que c'était quelque chose de très présent et de très intentionnel dès le stade de l'écriture. Escobar est un homme qu'on ne voit jamais se salir les mains, on ne trouve pas ses empreintes sur l'arme du crime, ça fait vraiment partie de l'écriture du personnage. Il faut remarquer aussi qu'on cueille Pablo dans le film à une période de sa vie où tout va bien, il a réussi et n'a plus besoin de se salir les mains. On le voit parfois au summum de la cruauté, il n'a aucune pitié et peut ordonner l'exécution d'un de ses plus fidèles collaborateurs. Comment moi je fais pour jouer ça ? Moi je ne fais rien de particulier, je suis ce qui est écrit et j'essaye de le retranscrire au mieux. »

 9- « Comment avez-vous découvert l'enfant colombien, the « youngfather » ? »

Di Stefano : « Son nom est Mike Moreno, il est chanteur et a 15 ans. Moi il m'a épaté parce qu'en fait on m'a envoyé des tests de Bogota de différents gamins que je voyais pour ce rôle. Dans sa vidéo, il s'adressait à la caméra et disait « A cette étape de ma carrière » et cela m'a beaucoup plus qu'un gamin parle comme ça à 14 ans. Il semblait très droit dans ses bottes. Par ailleurs, l'essai qu'il a passé était très bon. »

 10- « La famille c'est un sujet très important dans le film, je voulais savoir si c'était quelque chose qui résonnait en vous ? Et est-ce que vous avez compris l'ensemble des choix des personnages ? »

Di Stefano : «  Oui ça a été fondamental pour moi dans l'approche de Maria, l'ensemble de ses choix est conditionné par la famille. C'est un peu éloigné de moi, car je viens d'une toute petite famille, donc j'ai dû comprendre ça surtout que c'est très présent dans la société colombienne. Dans mon approche de Maria, c'était essentiel, Escobar est une figure qui maitrise Maria. »

 Hutchison : « Absolument dans ce film la notion de famille me paraît très importante aussi pour le personnage de Nick. Déjà il se retrouve en Colombie pour retrouver son frère, on se doute bien que c'est quelqu'un qui n'a pas une grande famille, retrouver son frère c'est très important. Il se sent incorporé à cette hacienda et il tombe amoureux de Maria. Il se trouve que personnellement c'est sûr que je trouve que la famille est quelque chose d'important. C'est la seule chose qu'on ne choisit pas, la famille. Nick se bat pour son frère qui devient un moteur dans le combat qu'il entreprend. »

 11- « Maintenant que vous connaissez Pablo Escobar, est-ce que vous auriez eu envie de le rencontrer et si oui qu'est-ce que vous lui auriez demandé ? »

Di Stefano : « Cette question est toujours compliquée. Est-ce que j'aurais aimé le rencontrer ?  Ça dépend sur quel point... peut-être oui ça m'aurait intéressé de rencontrer ce gamin malin qu'il était lorsqu'il a commencé sa carrière. J'aurais aimé lui dire de ne pas se fourrer dans la drogue, qu'il était malin et qu'il pouvait faire autre chose. Une fois qu'il était devenu le monstre qu'il était, je ne pense pas que ça valait le coup. »

 Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven, retranscrite par Sarah Lehu et mise en forme et corrigée par Françoise Poul.