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affiche Paolo Virzi pour les opportunistes

Paolo Virzi pour les opportunistes

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Genre : Interview

L'Actu

Le réalisateur italien Paolo Virzi continue d’ausculter l’état de la société italienne dans un thriller prenant adapté du roman américain Capital Humain de Stephen Amidon.

« Personne n’est innocent.»

On est très loin de l’univers de la comédie italienne même si il y a aussi de l’humour…

J’ai peur qu’en Italie, on ne puisse faire aujourd’hui que des comédies. C’est pour ça que là, j’ai voulu délibérément réaliser un film qui ne soit pas une comédie, même de loin. Je ne voulais pas montrer une Italie solaire mais quelque chose de plus froid, plus dur. Voir que le public peut aussi aimer ce film, c’est encourageant. Mais je veux garder un ton ironique, de l’humour. Je n’accepte pas d’avoir un ton unique, juste comique ou tragique car j’aime en tant que spectateur, en tant que lecteur, des univers comme celui de Balzac qui était à la fois dramatique et ironique.

Vous êtes resté proche du roman de Stephen Amidon?

Le ton du livre était plus sombre, très récit noir américain dans un style Tom Wolfe ou  Don DeLillo. C’est un roman dense, plein de personnages, de flash-back. On a décidé de faire une adaptation plus géométrique, de trouver une structure originale autour du sens. L’âme du livre c’est que les choses ne sont ni évidentes, ni explicites, le sens est caché au cœur de l’ensemble et c’est ce que j’ai aimé.

C’est un hasard si Valéria Bruni Tedeschi s’appelle Carla dans le film ?

J’ai tout de suite pensé à Valéria pour ce rôle. C’est une actrice originale, elle a quelque chose de non conventionnelle que j’adore et aussi ce côté insupportable de la jeune fille de famille riche, trop riche. Je voulais me moquer d’elle avec un morceau de son histoire personnelle, ce n’est pas un hasard si le personnage s’appelle Carla. Mais elle savait que je voulais utiliser ça dans le film car c’est une femme très intelligente et elle a beaucoup d’humour.

En même temps, aucun des personnages n’est épargné…

Il n’y a pas de partage manichéen du bien et du mal, des bons et des méchants. C’est l’inéluctable des destinées personnelles. Je n’aime pas juger mes personnages, je ne suis pas dans une cour d’assises. Chacun a ses raisons, ses motivations. Comme tout le monde, ils ont tous trop de rêves au risque de dépasser des limites, parfois même sans en avoir conscience. Personne n’est innocent, c’est la faiblesse humaine.

Que pensez-vous de la situation du cinéma italien actuel ?

La situation du cinéma et de tout ce qui aurait besoin d’un soutien public en Italie est désespérée. On a une politique qui a souffert du passage de Berlusconi. On doit lutter pour exister, c’est toujours très difficile mais chaque année il y a ce miracle d’un, deux, trois, quatre films italiens importants. Je suis passionné par le cinéma italien contemporain et très fier de cette nouvelle génération de cinéastes, Sorrentino, Garrone et tant d’autres.

Propos recueillis par Laurence Kempf  dans le cadre du 36 Cinemed du 25 octobre au 1 novembre 2014 :  http://www.cinemed.tm.fr/