Mikado
Genre : Comédie Dramatique
Pays : France
Durée : 1h34
Réalisateur : Baya Kasmi
Acteurs : Félix Moati, Vimala Pons, Ramzy Bedia
Mikado et Laetitia parcourent les routes de France avec leurs deux enfants, libres comme le vent. Ils s’arrêtent pour quelques boulots qui les aideront à reprendre leur errance. C’est dans cette ambiance sans entrave que grandissent Nuage et Zéphir, le petit dernier. Cette vie de bohème convient parfaitement à Mikado au cœur fracassé par une famille d’accueil qui ne vous laisse que des blessures. Elles vous brisent, vous emmènent sur un chemin qui ne mène nulle part. Laëtitia, plus secrète, semble suivre son Mikado, toujours en équilibre dans un monde qui ne les voit pas.
A l’occasion d’une panne, ils croisent Vincent, un professeur des collèges qui, le temps de la réparation, les héberge chez lui. Entre ce père marqué par la disparition de sa femme, seul avec sa fille, et cette famille dysfonctionnelle, les certitudes éclatent pour recomposer demain. Pour Nuage, au cœur de l’adolescence, cette vie sédentaire l’attire comme un havre de paix. Elle se demande si cela vaut le coup de reprendre la route la menant vers nulle part.
Baya Kasmi construit des histoires particulières qui nous interrogent sur le sens de la vie, entre ses deux premières comédies et Mikado, au sujet sensible de l’enfance. Après la place de la femme fragile emportée par sa bienveillance, Je suis à vous tout de suite, le remarquable Youssef Salem a du succès, sur l’écriture, le succès, l’émigration et toujours la famille, Baya Kasmi nous offre un regard plus acerbe sur cette dernière, l’éducation, la liberté. Elle s’écarte de la norme pour plonger dans la différence, la marginalité et trouver une nouvelle musique pour nous parler de la vie.
C’est la rencontre entre deux familles que rien ne semble rapprocher et qui pourtant ont beaucoup à apprendre l’une de l’autre. Nous comprenons, au fil de l’histoire, qu’elles partagent des fractures qui les rongent de l’intérieur, plus particulièrement pour les deux hommes. Vincent, excellent Ramzy, loin des comédies, campe dans cette ligne entre le rire et le drame un personnage marqué par la mort de sa femme. Mikado, comme le jeu, magnifique Félix Moati, est en équilibre, prêt à tomber dans le gouffre des blessures qui le hantent.
Une scène de procès en milieu de film marquera cet avant et cet après d’une vie qui mérite mieux. Laëtitia, remarquable Vimala Pons, est plus secrète, cachant son traumatisme. Elle évite à cette famille en roue de libre de trop déraper. Nuage, treize ans, en découvrant la vie de Théa, la fille de Vincent, comprend qu’il existe un autre choix d’existence. Les vies éclatées se rassemblent dans un ballet ressemblant à la vie, à ces instants fugaces, portés par le temps, s’ancrant dans les cœurs cherchant l’âme du bonheur.
Un jour, il faut choisir de vivre hors des sentiers battus pour rejoindre la foule anonyme errant sur le pavé en quête d'un horizon docile, noyé dans l’azur. La souffrance de l’enfance nous accompagne toujours. Elle se cache parfois au détour d’un silence, d’un amour. Il faudra bien un jour jeter aux vents mauvais toutes ces douleurs dissimulées dans l’ombre. Qu’ils les emportent loin de la souffrance pour que le bonheur s’installe. On ne peut continuellement fuir ses démons.
Il faut bien un jour les affronter face à face pour tenter d’en sortir vainqueur. L’enfance est le cœur du récit, entre blessures, espérance, en transhumance, en découverte, de celles qui nous construisent pour la vie. La mise en scène est un petit bijou délicat jouant sur les petits riens, pour ce film qui en dit beaucoup sur l’existence et une certaine forme de résilience. La caméra saisit le plus souvent les visages en gros plan, nimbés de la lumière fragile de l’aurore.
Un soupçon de poésie se niche dans certains plans, comme Nuage, jeune fille noyée dans la foule des collégiens. Une petite fille invisible qui voudrait juste être comme eux. Baya Kasmi nous dit inspirée en partie par A bout de course de Sidney Lumet, la balade sauvage de Terrence Malick, que l’on retrouve dans la façon dont la caméra saisit les paysages et la nature. Nous pourrions rajouter à cette liste Captain Fantastic (2016). Tous ces films nous racontent un autre aspect de Mikado, la difficulté de s’intégrer dans une société qui n’aime pas la vie en marge. La réalisatrice confirme sa capacité à construire une œuvre enchanteresse, particulière, qui nous interroge sur notre identité et notre place au sein de la foule.
Patrick Van Langhenhoven
Fiche technique
Titre original : Mikado
Réalisation : Baya Kasmi
Scénario : Baya Kasmi, Olivier Adam et Magaly Richard-Serrano
Décors : Aurette Leroy
Costumes : Elfie Carlier, Laure Cochener et Marlène Gérard
Photographie : Romain Le Bonniec
Son : Laurent Benaïm et Korentin Guivarc'h
Montage : Jean-Baptiste Morin
Production : Fabrice Goldstein, Antoine Rein, Pauline Seigland et Lionel Massol
Société de production : Films Grand Huit et Karé Productions
Société de distribution : Memento
Budget : 2,7 millions d'euros
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur — 2,39:1 — son 5.1
Genre : Comédie dramatique
Durée : 94 minutes
Dates de sortie : 9 avril 2025 (en salles)
Distribution
Félix Moati : Mikado
Vimala Pons : Laëtitia
Ramzy Bedia : Vincent
Patience Munchenbach : Nuage
Saül Benchetrit : Théa
Louis Obry : Zéphir
Sophie Garagnon : la juge