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affiche Micheline Presle fête ses 100 ans

Micheline Presle fête ses 100 ans

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Genre : Ciné région

L'Actu

Il y a cent ans, le 22 août 1922, dans le 5ème arrondissement de Paris, naissait Micheline, Nicole, Emilienne, Julie, Chassagne. Pensionnaire à Notre-Dame-de-Sion, Micheline Chassagne en sort à 15 ans pour devenir comédienne. Elle apparaît dans « La fessée » (1937) de Pierre Caron. Puis, grâce à son parrain qui la recommande à son ami, le réalisateur Christian Stengel, elle fait de la figuration dans son premier film « Je chante » (1938) auprès de Charles Trenet. Elle accepte de continuer ses études par correspondance et est reçue au cours de Raymond Rouleau, en même temps que Serge Reggiani. Plus tard, elle suivra les cours de René Simon, jusqu’à l’exode.

En 1939, elle enchaîne « Petite peste » de Jean de Limur et « Vous seule que j’aime » d’Henri Fescourt, dans lequel elle prend le pseudo Micheline Michel.
A tout juste 17 ans, elle atteint la notoriété lorsque que sort « Jeunes filles en détresse » le 25 août 1939, de Georg Wilhem Pabst. Elle figure sur l’affiche, et adopte définitivement son pseudonyme Micheline Presle, le patronyme de son personnage.

Sa carrière lancée, elle va tourner avec les plus grands noms du cinéma des années 40 : Abel Gance (« Paradis perdu », 1940 avec Fernand Gravey), Marcel L’Herbier (« La nuit fantastique », 1942 avec Fernand Gravey), Marc Allégret (« Félicie Nanteuil », 1942 avec Claude Dauphin), Jacques Becker (« Falbalas », 1944 avec Raymond Rouleau son professeur), Christian-Jaque (« Boule de Suif », 1945 avec Alfred Adam), Claude Autant-Lara (« Le diable au corps », 1947 avec Gérard Philipe)… A l’époque, elle touche un cachet de 150 francs/jour.

Elle se fiance avec Louis Jourdan et tourne cinq films avec lui. Deux signés Marcel L’Herbier : « Ecco la félicita » (1940) et « La comédie du bonheur » (1942). Trois de Marc Allégret : « Parade en 7 nuits » (1941), « La belle aventure » (1942) et « Félicie Nanteuil » (1945), alors qu’ils ont rompu ! (*)

En avril 1945, elle épouse Michel Lefort, pendant le tournage de « Boule de Suif » d’après Maupassant. Ne correspondant pas au personnage (rôle refusé par Viviane Romance), Micheline doit grossir et se décolorer les cheveux.
Grâce à son contrat français, signé pour les Studios Universal, elle peut choisir son partenaire pour « Le diable au corps ». Elle souhaite Gérard Philipe pour le rôle de François. Ils ont tous les deux 24 ans, alors que le personnage de François en a 17. Le film, qui raconte l’histoire d’amour d’une femme - dont le mari est au front - avec un lycéen, provoque un scandale à sa sortie.

En 1948, le réalisateur américain Bill Marshall, marié à Michèle Morgan, lui propose un rendez-vous au bar du Prince de Galles pour un projet. Leur deuxième rencontre à bord du Queen Elizabeth en partance pour New York, sera tout à fait fortuite et le début de leur histoire d’amour. Liaison restée secrète un temps, les deux amants étant toujours mariés chacun de leur côté. Lors d’un tournage en France, Michèle Morgan rencontre Henri Vidal.

Bill demande le divorce ; de son côté Micheline divorce à l’amiable.
En 1949, Micheline épouse Bill à Santa Barbara et signe un contrat de 7 ans avec la Fox. Si elle est mieux payée qu’en France, elle n’a aucun droit de regard sur les films. Elle tourne avec John Garfield, Tyrone Power, Errol Flynn.

Trois films plus tard, Micheline ne se plait toujours pas en Amérique, entre un mari jaloux et des projets sans suite. A 29 ans, enceinte de quatre mois, elle rompt son contrat et rentre en France pour donner naissance à son unique fille, Toni Lee, en 1951.

Le retour sur le devant de la scène tarde, même si elle incarne tour à tour Marguerite Gauthier, Madame de Pompadour, Hortense de Beauharnais et plus tard Joséphine de Beauharnais, rien n’y fait Micheline ne retrouve pas les premiers rôles d’autrefois. Partie deux ans seulement, le public l’a oubliée ! C’est à cette époque qu’elle fait la connaissance du peintre François Arnal, elle sera sa compagne dix-huit durant.

En 1959, alors que La Nouvelle Vague la boude, elle tourne avec Joseph Losey l’un de ses films préférés (« L’Enquête de l’inspecteur Morgan », 1961). Elle enchaîne les tournages avec Molinaro, Delannoy, de Broca, Demy, Duvivier, Boyer… et « La religieuse » de Jacques Rivette.

Et puis virent… « Les Saintes Chéries », feuilleton télévisé diffusé entre 1965 et 1970 et réalisé entre autres par Jean Becker et Nicole de Buron. La série dans laquelle elle est mariée à Daniel Gélin raconte la vie quotidienne d’un couple de parisiens aisés. Le succès est immédiat.

Elle retrouve Jacques Demy et tourne avec lui « Peau d’âne » (1970) et « L’Évènement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune » (1973). Elle passe savamment des réalisations des frères Marc et Yves Allégret à celles de Jérôme Savary ou de Jean-Michel Ribes, souvent aux côtés de sa fille. Les années 80 seront marquées par sa rencontre avec les réalisateurs Jacques Davila (« Certaines nouvelles » et « Qui trop embrasse ») et Gérard Frotz-Coutaz (« Beau temps mais orageux en fin de journée »), tous deux victimes du Sida, au début des années 90. Mais aussi par le décès de sa mère, dont découlera une dépression.

Tonie Marshall, passée derrière la caméra, fera jouer sa mère dans presque tous ses films, dont le dernier pour Micheline Presle, « Tu veux ou tu veux pas » (2014). Elle décèdera en 2020, à 68 ans, des suites d’un cancer du poumon.

Bon anniversaire à la doyenne du cinéma français, qui aura traversé 77 ans de cinéma, aura connu tous les styles de cinéma et toujours avec classe.
Ses seuls regrets, ne pas avoir pu tourner avec Renoir, ni avec Truffaut. Mais elle l’avoue ni remords, ni nostalgie.

Véronique Regoudy-Bazaia

(Source : L’arrière-mémoire », conversation avec Serge Toubiana / Flammarion 1994)
NB : Les dates entre parenthèses correspondent aux sorties des films, la censure allemande bloquait certaines sorties.

(*) Ils se retrouveront en 1956 pour « La mariée est trop belle » de Pierre Gaspard-Huit.