Le village aux portes du paradis
Genre : Drame
Pays : Somalie
Durée : 2h14
Réalisateur : Mo Harawe
Acteurs : Ahmed Ali Farah, Ana Ahmed Ibrahim, Ahmed Mohamud Saleban
Les actualités annoncent une nouvelle frappe de drones avec succès en Somalie. Quelques images reconstituent un morceau d'une guerre, toile de fond d'un pays oublié. Dans cet ailleurs à la porte du désert se fracassant sur l'océan, un petit village, Paradis, espère une autre vie. Quelques fragments d'existences nous donnent une idée de ce silence que ses habitants brisent avec leurs histoires. Mamargade, le père, survit dans ce monde où chacun essaye de trouver la porte du bonheur. Il passe de fossoyeur à chauffeur pour des petits trafics, et quelques boulots qui l'aideront à élever son fils.
Cigaal, le fils, garde encore dans son cœur le chant de l'espérance. Le maitre d'école n'est jamais revenu et le père, pour lui donner un autre avenir, voudrait bien le mettre en pension à la grande ville. Il cherche de l'argent. Nous ignorons tous de la mère, partie, morte, qu'importe, elle a quitté l'histoire. Araweelo, la sœur, voudrait monter son atelier de couture. Ils tentent de trouver le chemin de l'espérance au cœur de la résilience avec la menace des drones, épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes.
Certains films portent en eux bien plus qu'une paire d'histoires que le spectateur regarde avec curiosité venant d'un pays exotique. Né à Mogadiscio, Mo Harawe part en Allemagne faire ses études. Il n'oublie pas son pays et nous livre, à travers ces petites pépites de vie, un chant, une fable universelle sur l'espérance, sans misérabilisme. Au centre, Mamargade, semblable au désert, avance, silencieux, pour creuser un sillon ou planter une graine, loin du cri de la guerre.
Cette graine, c'est son fils, océan en mouvement, vague qui, malgré son jeune âge, comprend que demain est bien meilleur qu'aujourd'hui. Il aime ce père de tout son cœur et lui en veut de l'éloigner de lui. Araweelo, la sœur, avance comme le vent balayant le sable pour nourrir l'océan. C'est une histoire d'individus au cœur des clans, un système propre à la Somalie. Autour de ces trois existences, d'autres viennent, comme des planètes, en orbite.
La vie est bien plus grande que tout. Elle continue malgré les drones, les djihadistes, les petits trafics ordinaires ou plus sérieux, pour survivre en enfer aux portes du paradis. Le film déploie les ailes de la résilience, du contemplatif et du silence qui nous interroge. Ces petites vies sans importance prennent les couleurs du temps qui s'effiloche entre la mort, premières images du film, et la vie incarnée par ce sourire de femme à la fin. Tout est dit.
A chacun de peser le poids du message, de recevoir en son cœur la part de silence de l'Occident. La Somalie déploie l'arc-en-ciel du vivant pour nous rappeler qu'au cœur de la nuit noire, il existe une part de soleil. La mise en scène est remarquable. Les images se parent de plans inventifs et d'une narration maitrisée, dans un canevas où l'improvisation s'invite pour porter un regard bienveillant.
Les dialogues, minimalistes, vont à l'essentiel, comme dans l'urgence d'un temps suspendu aux voiles de la mort. Dans ce pays au cinéma peau de chagrin, Mo Harawe réussit un film d'auteur, compose un style novateur, jouant de l'instinct comme d'un pinceau manié par l'âme de la Somalie. C'est la naissance d'un grand réalisateur habité par des influences venues d'ailleurs, Antonioni, Ozu pour le contemplatif et la capacité à élever le quotidien en art et une poésie de la vie, et bien d'autres bonnes fées qui se penchent sur son berceau. Mo Harawe n'a pas fini de nous surprendre et devrait compter dans le paysage du cinéma international.
Patrick Van Langhenhoven
Fiche technique
Titre : Le village aux portes du paradis
Réalisation Mo Harawe Scénario Mo Harawe
Image Mostafa El Kashef
Casting Mohamed Mohamud Jama
Direction artistique Nuur Abdulkadir
Maquillage & Coiffure Fatuma Yussuf
Costumes Sarah Ismail
Son Willis Abuto Anne Gibourg Guadalupe Cassius Christophe Vingtrinier Montage Joana Scrinzi, aea
Producteurs exécutifs Nuh Musse Berjeeb Abdimalik Yusuf Ahmed Farah Osamn Hassan Hussein Co-producteurs Jean-Christophe Reymond Nicole Gerhards Mo Harawe
Producteurs Sabine Moser & Oliver Neumann Produit par Freibeuter Film (Autriche) En collaboration Kazak Productions (France) Niko Film (Allemagne) Maanmaal ACC (Somalie) Avec le soutien de Austrian Film Institute/ Vienna Film Fund / ÖFI+ / ORF Film / Fernseh-Abkommen / ZDF – Das Kleine Fernsehspiel en collaboration avec ARTE / Cinémas du Monde – Centre National du Cinéma et de L’image Animée – Institut Français / Région Ile de France / World Cinema Fund
Distribution Jour2Fête
Date de sortie : 9 avril 2024
Distribution
Mamargade Ahmed Ali Farah
Araweelo Anab Ahmed Ibrahim
Cigaal Ahmed Mohamud Saleban