Cine-Region.fr
affiche Le cinema se la raconte Au nom de la rose

Le cinema se la raconte Au nom de la rose

___

Genre : Ciné région

L'Actu

– On y est presque, me dit le notaire, vous n’avez plus qu’à signer là… ici… et là.

Tout a commencé vendredi soir, lors de notre séance cinoche hebdomadaire en famille. Cette semaine, j’ai décidé de faire découvrir Le nom de la rose à mes enfants.

Résultat garanti ! Peu de films nous plongent aussi intensément dans cette ambiance inquiétante et poisseuse. Et cela, notamment grâce à une musique dont je sais par avance qu’elle va hanter ma nuit. Ce polar médiéval est effectivement accompagné d’une bande son époustouflante. On a du mal à croire que le réalisateur (Jean-Jacques Annaud) et le compositeur (James Horner – aucun lien avec Yvette) se soient fâchés sur le film tant la musique semble parfaite. Pourtant, les deux hommes, suite à leurs désaccords, sont restés en froid durant des années. Poussant le sens du détail à son paroxysme, Horner n’a utilisé, pour composer la bande son, que des instruments et des éléments de l’époque où se déroule le récit. Après deux notes, on frémit déjà.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, Le nom de la rose (adaptation du roman éponyme signé Umberto Eco) est une enquête se déroulant dans une abbaye, quelque part en Italie, une abbaye « abandonnée de Dieu » comme le dit l’abbé. En effet, il s’y passe des choses étranges : un moine retrouvé mort après être tombé d’une tour dont la fenêtre ne s’ouvre pas, des rituels sataniques, la présence écœurante d’un moine difforme (brillamment joué par Ron Perlman), des rapports contre-nature comme on disait à l’époque… Il fait y fait froid, il y fait sale, et où ont-ils trouvé ces villageois aux visages dégénérés ? Je me poserai toute ma vie cette question.

Mon fils avait d’assez grandes attentes au début du visionnage, et pour cause, je lui avais vendu comme l’un des films de mon top 5. Et je savais que, étant un ado aux hormones bouillonnantes, il aimerait le passage où la sauvageonne dépucelle Adso de Melk (joué par le jeune Christian Slater), ce passage qui a marqué au fer rouge mon cerveau d’adolescent quand je l’ai vu pour la première fois. Pourtant, durant le film, je n’observais pas un intérêt très poussé de ma progéniture, et déjà, je sentais la déception m’envahir.

La performance de Sean Connery est excellente. Là aussi, on a du mal à croire qu’Umberto Eco se soit opposé, à l’époque, au casting de cet acteur. Il ne voulait pas de James Bond dans son film. D’autres acteurs ont été pressentis : Robert de Niro a lu et aimé le scenario. Il a même proposé au réalisateur, lors d’un déjeuner de travail, d’ajouter une scène de combat à l’épée entre Guillaume de Baskerville (Sean Connery) et Bernardo Gui (Murray Abraham) et c’est probablement cette suggestion idiote qui lui a fait perdre le rôle. En tout cas, James Bond ou pas, Sean livre une performance parfaitement adaptée, son sourire narquois collant parfaitement avec le caractère défiant du personnage, qui place la raison avant la superstition.

Le film tout entier est une merveille, Jean-Jacques Annaud a porté ce film des années durant et son perfectionnisme a payé. Le nom de la rose est, selon moi, son chef-d’œuvre.

– Alors, qu’est-ce que tu en as pensé ? ai-je demandé au fiston, tandis que défilait le générique.

– Je me suis carrément ennuyé…

 Voilà pourquoi je suis chez le notaire, devant un document qui entérinera l’abandon définitif de ce fils – que dis-je ? de cet individu ! – qui n’a pas aimé LE film que je trépigne de lui faire découvrir depuis des années avec l’espoir de l’entendre dire que jamais il n’avait rien vu de semblable.

C’est alors que je repense à la pub pour le café, de cet Italien qui, voyant une jolie femme mettre un sucre dans son expresso, s’indigne en criant « Comment accepter un tel sacrilège ?! » Sur quoi il ajoute, soudain compréhensif : « Bah… si elle aime ça…).

Alors je remballe mon stylo et tend la feuille non signée au notaire, car c’est vrai que mon fils a le droit d’avoir ses goûts à lui. Même si ce sont des goûts de m*****.

David Berry