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affiche Jessica Chastain interview

Jessica Chastain interview

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Genre : Interview

L'Actu

Questions à Jessica Chastain pour A Most Violent Year

C’est un rôle qui se déploie au fur et à mesure, et révèle votre personnage. Ces surprises étaient écrites dans le scénario dès le début ?

Quand je suis arrivée sur le film, c’était avant la dernière version du scénario. Je disposais d’une version première dans laquelle mon personnage me rappelait Dick Cheney, l’ancien vice-président des Etats-Unis de George Bush ! Chandor était très étonné : mon personnage est une femme dans un monde d’hommes qui dès le début se demande comment faire pour  aider son mari, le pousser à diriger le monde, à avoir du pouvoir. Alors on a rajouté cette idée de faire du mari le monsieur du rêve américain, tandis qu’elle prend de plus en plus d’importance dans l’histoire.

C’est un personnage de louve, endurcie, aux ongles démesurés. Un caractère nouveau dans votre travail. Vous éprouvez le besoin de travailler des motifs nouveaux ?

J’aime incarner des personnages qui sont très différents de moi. Et c’est vrai que j’ai apprécié le côté louve de mon personnage, avec des griffes, une sorte de prédatrice. Cela m’a amusée. Ce n’est pas une femme d’intérieur, qui s’occupe des enfants, prépare des petits plats pour son mari, fait le ménage dans la maison.  Je la trouve drôle à sa manière, parce que c’est une femme démodée, dont l’homme est tout, son roi. Elle le pousse et le pousse, et en même temps, paradoxalement, se montre castratrice et lui coupe les ailes. Deux pulsions cohabitent en elles,  libératrice et conservatrice.

On vous connaît dans un registre dramatique éclectique. Seriez-vous à l’aise dans un registre plus fantaisiste, plus farfelu ?

Le rôle plus amusant que j’ai joué était dans La couleur des sentiments. C’était un personnage clownesque. Ce registre n’est pas évident car les scénarios de comédies ont peu de personnages féminins forts. Ce sont souvent des rôles de faire-valoir.

Seule figure féminine du film, votre personnage  jouit d’une vraie force…

Le film se passe en 1981. A New York, à cette époque, l’Amérique  est un monde d’hommes, une société très masculine. Elle doit utiliser ses propres armes de séduction, comme dans ce dîner avec les banquiers, où elle porte une robe extrêmement provocante.  Elle utilise son sexe, mais elle ne doit pas être sous-estimée.

Quels sont vos modèles de femme puissante ?

De nombreuses femmes peuvent se retrouver dans mon personnage. Nous avons tous quelque chose d’Anna, mais je n’ai jamais rencontré une telle femme, dans la vie. C’est le personnage le plus violent du film mais avant tout, je la trouve drôle et ce que je reconnais chez elle, c’est un manque, car la société ne lui donne pas le droit de diriger elle-même une entreprise, à cette époque.  

C’est une femme s’implique qui se salit les mains. Ne le fait-elle pas par amour, cet amour qui préserve son rêve de blancheur ?

Absolument. Ce couple s’aime énormément. En même temps, c’est une femme qui a aussi en tête la figure de son père, et parfois elle manque de respect envers son époux quand elle a l’impression qu’il ne se comporte pas comme un homme. Elle le veut plus ambitieux, fort, agressif. C’est elle qui porte l’énergie masculine du film, et lui, Oscar Isaac, l’énergie féminine.

Est-ce vous qui avez eu l’idée de ce personnage de blonde ?

Il était écrit dans le scénario qu’elle était blonde. Dans ces années-là, les femmes qui avaient de l’argent étaient toutes blondes. Pour cette femme qui venait de Brooklyn, et qui avait de l’argent, j’ai pensé que le créateur de mode le plus adapté serait Armani. J’ai puisé dans le vestiaire des 80’s et c’est comme ça que l’on a eu ces merveilleux costumes.  Cette garde-robe est comme une armure.

Chandor vous filme comme une héroïne platine de film noir…

Oui, car nombre de cinéastes aiment jouer avec la lumière, J.C Chandor joue avec les ombres. Il a laissé toujours beaucoup de mystère autour d’elle.  Le film parle du rêve américain.

Etes-vous aussi désenchantée que J.C Chandor sur ce sujet ?

Je suis plus optimiste que lui ! Mais je trouve intéressant de traiter ce sujet, avec cet immigrant qui essaie de se construire avec pureté et veut vivre cette vie américaine et réussir en échappant à toute violence, alors que tout le monde autour de lui pense que le crime est la voie le plus facile. A la fin on se demande laquelle il choisira.

Quel genre directeur d’acteurs est J.C  Chandor ?

Il encourage la collaboration et l’image du film est une dimension  très importante pour lui. Il sait ce qu’il veut obtenir à l’image et aussi des acteurs, qu’il amène à un jeu très subtil. Il m’a donné de la liberté d’explorer mon personnage et d’avancer, alors que beaucoup de réalisateurs ne vous donnent pas cette liberté.

Parlons de la place des armes dans le film. Votre personnage s’en sert pour tuer un cerf, cela lui donne de la force, tandis que cela affaiblit votre mari… Quelle est votre position ?

C’est un film où les armes font peur et qui divisent deux camps, le héros anti-armes, et son épouse, qui l’utilise. Personnellement, je ne porte pas d’arme. Cela ne m’intéresse pas, ni la chasse aux animaux, ni la chasse à l’homme. Je crois qu’il faudrait un plus grand contrôle des armes aux Etats-Unis. Nous avons un vrai problème avec ça. Il n’y a qu’en Amérique que l’on assiste à ces tueries dans les écoles. Pour beaucoup d’Américains, interdire les armes serait comme le début d’une guerre, mais il est évident qu’il faut davantage de régulation et de strict encadrement.

Interview réalisé par Patrick Van Langhenhoven merci à Nathalie pour la mise en forme et retranscription.

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