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affiche Interview Stephen Frears et Hughs Grant

Interview Stephen Frears et Hughs Grant

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Genre : Interview

L'Actu

Ciné Région : Comment avez-vous découvert ce personnage ? Vous aviez déjà l'idée que ce serait Meryl Streep qui l’interpréterait ? »

Stephen Frears : Au fond pas du tout, on m’a envoyé ce scénario et je l'ai découvert comme ça... On m'avait également envoyé des enregistrements YouTube de la voix de Florence Foster, ils m'ont fait rire. Ils m'ont touché et je me suis dit que cette histoire me plaisait et qu'elle était merveilleuse. Ensuite on m'a proposé Meryl Streep pour le rôle et j'ai évidemment dit oui.

Ciné Région : Et vous Hugh comment avez-vous découvert cette histoire ? 

Hugh Grant : Moi je connaissais un petit peu l'histoire, car une cousine m'avait envoyé une k7 et j'avais adoré ça, c'était dans les années 70 alors quand Stephen m'a envoyé le script et m'a dit qu'il y aurait Meryl Streep au casting et que c'était lui qui réalisait, j'y suis allé sans hésiter. 

Ciné Région : Est-ce que vous aviez l'idée dès le début de l'écriture de mettre en écho le personnage qui chante faux et la guerre, une façon drôle de dire que chanter mal, c'est pire que la guerre. 

Stephen Frears : Non. Après, en fait, c'est vrai en un sens que pour Florence et son mari, ce qui les rend étranges et grotesques c'est un peu ce qu'ils ressentent. Mais c'est vrai je n'y avais pas pensé. 

Ciné Région : Est-ce que ce n'est pas un film plus sur St Clair Bayfield finalement, plutôt que sur le personnage interprété par Meryl Streep ? Son personnage est un peu désabusé sur la célébrité  et justement Hugh Grant, vous aviez dit dans une récente interview que vous réfléchissiez à quitter le monde du cinéma... C'est justement en écho à ces déclarations que vous avez accepté ce rôle ? 

Hugh Grant : C'est vrai que dans le film, aucun des personnages ne refuse la célébrité. C'est vrai que j'ai une réelle sympathie pour ce personnage, quand j'ai fait mes recherches sur lui, j'ai appris à le connaître. Il faut bien l'avouer, c'est un acteur raté, il n'avait pas de famille, c'était un personnage tragique en quelque sorte. Il a eu la chance de rencontrer cette femme très riche qui lui a apporté un statut social. Lorsque j'ai lu ce scénario, j'ai été charmé par ce personnage, l'allure aristocratique de St Clair alors qu'il est en fait sans travail et sans famille en réalité. 

Ciné Région : Le film est une histoire à trois personnages, celui que vous révélez c'est cet extraordinaire pianiste. Est-ce que sa sélection s'est déroulée comme dans le film ? 

Stephen Frears : C'est vrai qu'au départ, Alexandre Desplat m'a dit : « prends un pianiste qui sache un peu jouer la comédie, mais ne prends pas un acteur qui sache mal jouer du piano » et puis au final on m'a dit que la personne que je cherchais c'était Sim Helberg. Je l'ai rencontré et il a un visage tellement expressif que je me suis senti tout à fait en confiance. Au fur et à mesure, le tournage approchant on m'a dit que Florence avait une relation vraiment particulière avec son pianiste, je devais plus travailler sur cette relation. Simon est allé voir Meryl à New York et c'est ce qui a soudé cette relation à l'écran. 

Ciné Région : J'ai lu que vous aviez été très intimidé de jouer avec Meryl Streep au début, quelle est la première scène que vous avez jouée avec elle ? Avez-vous pu parler cinéma dans les coulisses ? Quel genre de cinéma ? 

Hugh Grant : La rencontre a eu lieu lors d'un dîner organisé par un producteur et vous savez, rencontrer Meryl Streep… on a l'impression d'être en face d'un professeur d'université tellement elle est érudite et superbe, en même temps elle est très simple. La première fois que j'ai réellement joué avec elle, c'était lors d'une lecture générale, elle a été incroyable, jouer avec quelqu'un de meilleur que vous vous rend meilleur et c'est fabuleux. J'ai essayé de lui faire dire des trucs pas sympas sur les autres acteurs, etc., mais elle est bien trop sympa et professionnelle. 

Ciné Région : Votre personnage est un acteur qui fait la distinction entre être un bon acteur et un grand acteur. C'est un homme dont on a le sentiment qu’il peut jouer un rôle auprès de cette femme qui ne l'aime pas véritablement. Pourtant à la fin, on a l'impression qu'il l'aime. Quelle a été votre vision sur ce personnage et ses sentiments envers cette femme ? »

Hugh Grant :  Je pense  que, hélas, la plupart des acteurs sont des bons acteurs, 99,9% des acteurs sont dans cette catégorie, et puis il y a quelques grands acteurs. Meryl Streep en fait partie, Robert de Niro, Gérard Depardieu  également, ils ont une présence à l'écran, quelque chose en plus.

C'est vrai que ce qui m'attirait dans ce rôle, c'est que ce personnage est complexe, il est profondément égoïste puisqu'il ne serait rien sans elle, lorsqu'il la protège il se protège aussi et il le fait jusqu'au bout. Il aime ce rôle d'être le mari dévoué, mais je pense qu'à la fin, il en vient à l'adorer et l'aimer réellement. Ce sont des gens un peu à part qui se sont accrochés l'un à l'autre. 

Ciné Région : Il fait en sorte de cacher les mauvaises critiques à Florence, est-ce que vous avez des amis qui vous cachent aussi les mauvaises critiques ? Comment avez-vous préparé la scène de danse ? Êtes-vous un bon danseur dans la vraie vie ? »

Hugh Grant : J’espère, c'est vrai, que les bons amis sont les premiers à réagir aux mauvaises critiques. Je les lis et bien sûr, ça me fait quelque chose... Concernant la danse, oui j'aime faire ça, mais je danse généralement devant mes enfants. Pour parler de la scène dans le film, c'était un cauchemar, je me suis entrainé durant 8 semaines, mais j'ai trouvé ça plutôt drôle. 

Ciné Région : Quels ont été vos pires partenaires ? Et comment réagissez-vous lorsque cela se passe mal ? »

Hugh Grant : J'adorerais vous le dire, la liste est longue ! Il y a une chose un peu étrange, quand on hait un de ses partenaires et que c'est réciproque, à l'écran ça passe comme une relation un peu amoureuse, un peu sexy. 

Ciné Région : À un moment dans le film Florence dit « les gens pourront dire que je ne sais pas chanter, mais personne ne pourra dire que je n’ai pas chanté», est-ce que c'est aussi un message du film, dire qu'il faut aller au bout de ses rêves mêmes si on le paie cher ? 

Stephen Frears : Oui absolument, ce sont les phrases les plus révélatrices que ce qui se passait vraiment dans la tête de Florence. 

Hugh Grant : Je crois que c'est vrai dans la vie, que la fortune sourit à ceux qui osent, 95% du succès c'est déjà de tenter. Malheureusement pour moi, je n'ai retenu aucune de ces leçons. 

Ciné Région : Quels étaient vos rapports avec la musique lyrique avant ce film ? 

Stephen Frears : Je dois dire que je connais très peu de choses en musique, mais heureusement, autour de moi, je connais des gens qui sont très connaisseurs, notamment Alexandre Desplat. 

Hugh Grant : C'est vrai qu'un des avantages de ce tournage, c'était de découvrir certains morceaux de musique. Alors j'écoutais les vraies chansons, proprement chantées sur iTunes. 

Ciné Région : Est-ce que c'est elle qui chante ? 

Stephen Frears : Oui, même lors de la dernière scène où elle chante merveilleusement bien. Ç’a été préenregistré, mais c'est bien la voix de Meryl Streep. 

Ciné Région : Hugh, qu'est-ce que ça vous fait d'avoir tourné avec Donald Trump ? 

Hugh Grant : Je ne me souviens plus beaucoup, mais je suis désolé de dire qu'avec moi il était plutôt charmant, il m'a même fait membre de son club de golf à NY, je n'y suis jamais allé, mais il était plutôt sympa. Lorsque j'ai tourné cette scène avec lui, j'étais loin de m'imaginer que j'avais peut-être en face de moi le futur président des États-Unis. 

Ciné Région : Pourquoi avoir choisi de coller autant à la réalité en faisant un biopic ? 

Stephen Frears : C'est vrai que tous les films, lorsqu'on les commence, sont complexes. Je pars toujours d'une situation réelle, mais après j'insère de la fiction, ma vision des choses. C'est pareil pour mes autres films The Queen et Philomena. A chaque fois je ne pense pas  mes films comme des documentaires. Après, pour ce film, bien sûr, j'ai commencé par m'intéresser à la réalité et en particulier la réalité de sa voix à travers YouTube. Mais pour moi, c'est un film de fiction avant tout. Je crois qu'aujourd'hui, beaucoup de films sont faits à partir d'histoires réelles parce que notre siècle est rempli d'histoires bizarres et c'est pour ça qu'il y a cette tendance à faire des films qui parlent ou s'inspirent du réel. Il y a peu, j'ai rencontré Isabelle Huppert qui est une de ces grandes actrices dont on parlait tout à l'heure, et c'est pareil pour les films qu'elle a tournés avec Claude Chabrol. J'essaye de comprendre le monde dans lequel on vit, ce qui se passe par exemple dans mon pays qui est géré par des fous.  

Ciné Région : Si on reste sur l'idée des bizarreries de la réalité, c'est la première fois qu'Hugh Grant joue un personnage de son âge. Vous êtes-vous nourri de votre passé, de vos regrets ? »

Hugh Grant : C'est vrai qu'on essaye toujours d'utiliser des choses de notre propre expérience, peut-être qu'à mon âge je suis plus apte à exprimer l'amour, par exemple. Ça a sûrement aidé dans la construction de ce personnage. 

Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven retranscrite par Sarah Lehu et corrigée par Françoise Poul.