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affiche FEFFS 2013 : jour 2 : samedi 14 septembre

FEFFS 2013 : jour 2 : samedi 14 septembre

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Genre : Festival Cinéma

L'Actu

Retour en forme de notre cher Lucky McKee, réel maître de l'horreur au parcours sans faute avec ici un rare cas d'auto-remake, celui de All cheerleaders die, une relecture de son premier long-métrage déjà co-réalisé avec son camarade de promotion Chris Sivertson en 2001 et vu par peu de monde. Après l'éprouvant The Woman, le président du jury 2013 nous propose une comédie pop-corn horrifique avec des pom-pom girls qui vont connaître un sort peu enviable. L'héroïne du film, Maddy, tente d'infiltrer leur groupe pour de mystérieuses raisons après le décès de l'une d'entre elles, la super bitch Lexi qui n'est pas sans nous rappeler la peste de la première scène de Detention de Joseph Kahn. Elle souhaite surtout pourrir la fin de l'année universitaire de Terry, le sportif le plus populaire sur le campus et qui a des comportements quelque peu douteux. L'affrontement entre le groupe des filles et celui des garçons de l'équipe de football américain va être sanglant, dans un rythme et une énergie portés par un scénario qui ne cesse d'être surprenant, qui ne cesse d'évolude surprendre et sans se laisser piéger par un titre évocateur. Les amours lesbiennes sont dépeintes sans caricature ni discours social appuyé mais avec une simplicité parfois émouvante et d'une grande élégance romantique.

Les acteurs sont excellents, avec notamment le trio principal féminin Caitlin Stasey ( Maddy ), Brooke Butler, la blonde Tracy qui traverse sans retenue la rue en sous-vêtements sexy ( merci pour cette image ) pour aller chercher du lait chez son voisin agréablement surpris et Sianoa Smit-McPhee, la sorcière qui agit sans se soucier des conséquences et dont la présence à Strasbourg a charmé les spectateurs, mais sans philtre d'amour. Dans le rôle du prédateur sexuel si fort qu'il ne se jette que sur ces femmes que lorsqu'elles sont isolées de leur groupe, Tom Wilkinson inquiète avec un regard qui semble fixer l'horizon comme si ce dernier cachait le meilleur moyen de faire du mal à une femme. L'un des vilains les plus mysogines du cinéma et pas seulement d'horreur. Cinéphile averti, Lucky McKee glisse avec doigté quelques références évidentes, un peu de Freaky Friday, de Simetierre ou de Carrie ( l'un des sportifs s'appelle même Vik De Palma ). Toutes les pom-pom girls vont au ciel et tombent lourdement au sol selon la bonne vieille leçon de Newton mais All Cheerleaders die est bien loin de partager ce sort funeste.

Un film qui risque de se limiter à la sortie DVD/bluray comme The Woman alors qu'il a un potentiel énorme pour devenir une oeuvre culte et séduire un public suffisamment large pour atteindre les salles de cinéma et faire un bien meilleur résultat au box-office que Jennifer's Body de Karyn Kusuma ? Les frères Hadida de Metropolitan seraient bien avisés de s'intéresser à une oeuvre qu'ils se seraient empressés d'acquérir voici une quinzaine d'années. Allez, buenos dias, et en attendant la suite qui nous semble promise, passons au film suivant.

Uma Historia de Amor e Fùria de Luiz Bolognesi, film d'animation brésilien, une première pour la compétition strasbourgeoise, est un récit initiatique et historique sur les massacres des populations indigènes au Brésil. Le réalisateur démystifie avec virulence les mythes fondateurs de son pays tel qu'il existe aujourd'hui à travers les six cents années de vie d'un homme qui ne vit que pour le sourire de sa promise Janaina, se métamorphosant en oiseau entre deux massacres avant chacune de leurs retrouvailles. Une version courte et linéaire, naïve pour le moins, du sous-estimé Cloud Atlas au message que l'on pourrait trouver convenu voire naïf même s'il a le mérite de rappeler que les colonisateurs ont leurs statues exposées en plein air alors que les héros de la révolution n'ont droit qu'à des notes en bas de page dans les manuels d'histoire, ce qui n'est pas vrai qu'au Brésil.

On peut remarquer que dans ces trois premiers films de la sélection, on mange de l'humain, même si les motivations sont différentes et qu'il est donc temps de se rendre au Petit Bois Vert pour se remplir la panse.

Graceland de Ron Morales est un film noir, très noir, venu de Philippines qui évoque avec une certaine férocité la prostitution enfantine. Le chauffeur d'un député, qui aime passer du bon temps avec des fillettes de quatorze ans, est témoin du kidnapping de sa fille et de l'assassinat de celle de son patron. Il doit lui cacher la vérité pour espérer revoir sa progéniture. La corruption est généralisée et le film se déroule sans ennui mais sans grande surprise pour une mise en scène et un scénario classique. Ni une perle du genre, ni une révélation d'un futur grand talent de son pays et un moment gênant : est-il nécessaire de montrer nue une adolescente pour dénoncer la pédophilie ? Cette façon d'impliquer le spectateur, de le mettre mal à l'aise n'apporte vraiment rien. On remarque au casting l'une des révélations de cette année 2013 dans le rôle de l'épouse très malade du ' héros ' l'actrice Angeli Bayani vue dans les films cannois Ilo Ilo d'Anthony Chen, un joli drame tendre et social actuellement en salles et El Norte, la fin de l'histoire de Lav Diaz, qui devrait rester inédit. Avant cette séance, plus impressionnante fut la petite balade le long du défilé de la Zombie Walk, dont j'étais resté à l'écart lors de mes deux précédentes visites et qui surprend par l'intensité de certains de ses participants qui jouent formidablement leur ' rôle ' de mort-vivant.

Le pari de In Fear de Jeremy Lovering est de faire un huis-clos de terreur avec deux personnages repliés dans... une voiture ! Le gauche Tom cherche à séduire Lucie malgré son goût pour le jus de citron et a trouvé un hôtel reculé en pleine campagne via internet où il espère lui faire passer un agréable week-end colombien. Ils se perdent sur la campagne humide anglaise anxiogène et se retrouvent à tourner en rond dans un labyrinthe à ciel ouvert, perdu par des panneaux d'indication trompeurs et des apparitions furtives dans la pénombre de plus en plus inquiétants, surtout pour la lucide Lucie. Qui dit labyrinthe dit minotaure ici très inquiétant et retors avec un art de la manipulation mentale redoutable. Une série B d'honnête facture, bien réalisée et avec un fort potentiel horrifique, avec un couple de comédiens attachants dont Alice Englert, la fille de Jane Campion. En ne s'arrêtant pas suffisamment tôt, jusqu'à l'humiliation finale du jeune homme par exemple, le réalisateur finit par achever son film sur un décalque convenu du Hitcher avec Rutger Hauer à l'image près. C'est dommage et nuit à la richesse d'un film qui aurait pu raconter avec un peu plus d'inventivité cette histoire d'un type qui arrête une voiture sans autre mobile que de voir ce que ça fait. Si vous voyez une publicité pour le Kilarney House Hotel en voulant vous rendre au Festival de Glastonbury, réfléchissez y à deux fois !

On achève la soirée avec un autre enfermement en voiture, bien plus impressionnant dans sa mise en scène. Deux frères traversent les routes de l'Amérique profonde en évitant de se faire croquer par des zombies dans The Battery de Jeremy Gardner qui s'offre également le premier rôle, celui du très barbu Ben, cynique mais attaché viscéralement à sa survie et qui s'est adapté à la réalité du nouveau monde alors que Mickey, souvent enfermé sous ses écouteurs où il se passe de la musique pop/rock, se lasse de cette absence de repos . Contrairement à bien d'autres récits post-apocalyptiques, ils ne cherchent pas à se rendre dans un eden rêvé mais sont en mouvement constant, ne passant jamais la nuit dans une maison, traumatisés par leur enfermement dans une maison où ils se trouvaient lorsque l'épidémie a éclaté.

Ils se déplacent comme des requins - pour reprendre l'image de Ben - et pour s'occuper jouent au base-ball, pêchent ou se prélassent en attendant de se réfugier dans leur voiture la nuit. Lorsqu'ils captent un échange entre deux personnes qui évoquent un havre de paix appelé Le Verger, Mickey ne peut plus s'empêcher d'y penser quitte à prendre de trop grands risques malgré les multiples mises en garde. Un film porté par un grand sens du tragique et un humour bonhomme, une bande-son parfois envahissante mais d'une très grande qualité. On appréciera la romance entre l'un des deux frères et une zombie au tee-shirt humide mais surtout le grand moment du film, cet acte final de plus de vings minutes où ils ne peuvent plus quitter leur véhicule. Encerclés sans espoir d'évasion pendant des semaines, ils doivent supporter la petite musique des cris des zombies qui cherchent à pénétrer leur intimité. Leur esprit divague et aucun espoir ne semble permis, surtout lorsque les vivres diminuent... Un joli renouvellement du film de zombies.

Pascal Le Duff