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affiche Dragonfly

Dragonfly

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Genre : Ciné région

L'Actu


Dragonfly
Genre : Thriller
Pays : Royaume Unie  
Durée : 1h38
Réalisateur : Andrew Williams                                                                                                                         
Acteurs : Andrea Riseborough, Jason Watkins, Brenda Blethyn


Avec Dragonfly, présenté en compétition à Dinard 2025, Paul Andrew Williams revient à un cinéma qui explore les fractures invisibles du Royaume-Uni contemporain — entre solitude, dépendance et compassion dévoyée. Connu pour ses films à la fois âpres et sensibles, Williams poursuit ici son observation des marges sociales, mais avec une retenue nouvelle : Dragonfly est un drame intime, un huis clos presque étouffant, qui scrute le lien ambigu entre deux femmes unies par la fragilité et la nécessité. Colleen (Andrea Riseborough), femme discrète et légèrement instable, propose son aide à Elsie (Brenda Blethyn), vieille veuve isolée dans une banlieue anglaise marquée par la disparition des services publics et la désagrégation du lien communautaire. Ce geste, au départ empreint d’une sincère générosité, devient peu à peu le terrain d’un jeu d’ombres : où finit la sollicitude, où commence la possession ?


Williams évite les clichés du thriller psychologique pour composer une tragédie du quotidien, où la bienveillance se mue imperceptiblement en domination. Ce qui rend Dragonfly si troublant, c’est la manière dont il transforme la banalité en suspense moral. Aucun meurtre, pas de violence spectaculaire : tout passe par la tension du regard, le rythme du silence, le contrôle du cadre. L’appartement d’Elsie devient une prison feutrée, saturée de non-dits, où chaque geste, un verre d’eau, une main sur une épaule, porte une charge affective démesurée. Le film avance à pas lents, mais chaque plan creuse la méfiance, chaque coupe révèle une faille.


Le duo formé par Andrea Riseborough et Brenda Blethyn est le coeur battant du film. Riseborough, toujours fascinante, compose une femme opaque, capable de douceur comme d’un repli glacial. Blethyn, en contrepoint, incarne la vulnérabilité avec une précision bouleversante. La caméra de Williams, toujours à hauteur humaine, propose un rendu presque documentaire. On sent l’héritage du réalisme britannique, mais filtré par une approche plus introspective. Le montage, d’une lenteur calculée, laisse au spectateur le temps d’habiter l’espace, de ressentir les micro-violences de la cohabitation, les micro-gestes du pouvoir. À mesure que l’histoire avance, les ellipses s’élargissent : on devine plus qu’on ne voit. Sous son apparente simplicité, Dragonfly s’impose comme un film politique.


Il ne dénonce pas frontalement l’austérité britannique, mais en montre les conséquences intimes : la dépendance, la peur de l’abandon, la confusion entre soin et contrôle. L’aide devient une forme d’emprise, la compassion un outil de survie. Lauréat du Hitchcock d’Or à Dinard 2025, Dragonfly s’impose comme une oeuvre maîtrisée, à la fois pudique et cruelle. Paul Andrew Williams y confirme sa capacité à manier la tension sans effets, à explorer la frontière poreuse entre empathie et domination. Ce n’est pas un film spectaculaire, mais un film qui s’installe, qui persiste un murmure d’inquiétude qui continue de résonner bien après la dernière image.
Mon coup de coeur pour ma part pour ce film.

Aline Minchella