Cine-Region.fr
affiche Colin Firth pour Magic in The Moonlight

Colin Firth pour Magic in The Moonlight

___

Genre : Interview

L'Actu

Ciné Région : On parle beaucoup de la façon dont Woody Allen dirige ses comédiens. Vous avez travaillé avec beaucoup de réalisateurs à travers le monde, y-a-t-il vraiment une patte Allen ?

Colin Firth : Oui, il y a quelque chose de particulier dans sa façon de faire mais tous les réalisateurs sont différents. J’ai travaillé avec des bons réalisateurs qui ne parlent pas du tout, des bons réalisateurs qui parlent beaucoup et des mauvais réalisateurs qui ne disent rien… Il a prouvé qu’il était un metteur en scène exceptionnel et puis c’est un vrai auteur, il est aussi scénariste de ses films. J’ai l’impression que quand on arrive sur le plateau, une grande partie du travail a déjà été faite puisque c’est lui qui a écrit et fait le casting des comédiens. Et très clairement, il vous donne l’impression que le reste dépend de vous maintenant. J’ai l’impression que son idée est d’intervenir que lorsque c’est absolument nécessaire. Pas de répétitions, pas de conversations, pas de blagues, pas de moments partagés, le premier mot que vous entendez sortir de sa bouche est : « Action ». S’il y a un problème, il interviendra en approfondissant. On entend souvent que c’est un réalisateur qui ne dirige pas, qui laisse faire mais c’est complètement faux ; si il y a quelque chose à dire, il interrompt et il argumente précisément ce qui le gène. Et si jamais il a apprécié ce que vous venez de faire, vous entendez l’équipe qui remballe le matériel pour passer à la scène suivante.

C.R : Quand Woody Allen propose un scénario, est-ce que c’est lui qui appelle, est-ce que ça se passe comme d’habitude par l’agent et surtout quelle a été votre réaction lorsque vous entendez que Woody Allen veut vous engager ?

C.F : J’ai entendu dire par mon agent qu’il s’est renseigné si j’étais libre. J’étais en Italie et j’ai reçu un coup de fil me disant que quelqu’un avait pris sa voiture depuis Rome pour m’apporter le scénario. Cette personne a attendu le temps que je le lise pour que je le lui rende sitôt fini et je ne suis pas un lecteur très rapide… Le lendemain, mon agent m’a appelé et m’a demandé : « Alors, c’est oui ou c’est non ? ». J’aime bien d’habitude prendre quelques jours de réflexion mais là c’était Woody Allen. Le problème c’était que j’avais un problème de date et d’engagements et j’ai du refuser. Et puis par la suite, les choses ont changé et Woody a entendu dire que j’étais à nouveau libre et six semaines plus tard, il est revenu me proposer le rôle à nouveau. Il est très dur de dire non à Woody Allen et vous ne pouvez pas le faire deux fois. Surtout que pendant ce temps là on n’a pas pu parler directement mais j’ai entendu qu’il ne voyait que moi pour le rôle, qu’il était complètement décidé au niveau de ma voix. Je ne me souvenais pas très bien du script que j’avais lu très rapidement mais j’ai quand même dis oui avec plaisir mais je me disais aussi que j’avais un rôle d’un homme pompeux, agaçant, prétentieux, méprisant et il ne voyait que moi pour le rôle…

C.R : On pense au Misanthrope, à Alceste de Molière et on voit surtout un personnage très autocentré et très égocentrique. Est-ce qu’il y a plus de gourmandise à s’emparer de ce genre de rôle pour un acteur ?

C.F : Molière est un bon modèle dans la comédie en général, on a toujours un personnage qui a un défaut humain très fort, que ce soit l’Avare ou Tartuffe, c’est quelque chose qui le marque terriblement. Dans sa poétique, Aristote parle de la tragédie comme un genre dans lequel l’homme est toujours grandi et de la comédie où l’homme est toujours rapetissé. Une des règles aussi de la comédie est que le protagoniste principal doit rester le même tout le long du film. J’ai l’impression qu’ici, le personnage de Stanley a ses défauts qui l’aveuglent comme dans ces grands modèles de comédie. Ce qui en fait vraiment aussi une comédie, c’est que même si le personnage de Stanley réalise des choses, même s’il a des transformations, il reste le même avec ses défauts jusqu’à la toute dernière scène du film.

C.R : Quel rapport avez-vous avec la magie et le spiritisme ?

C.F : La magie, ça dépend beaucoup de comment on est ouvert et comment on est disposé à se laisser enchanter. La science c’est quelque chose qui est censé être beaucoup plus rationnelle mais on doit aussi être très ouvert pour pouvoir la comprendre et pouvoir y être sensible. Quand j’étais plus jeune, je trouvais les sciences et les mathématiques particulièrement ennuyeuses mais aujourd’hui, en aidant mes enfants dans leurs devoirs et en écoutant des conversations, je peux trouver des aspects assez magiques à ces disciplines scientifiques et cartésiennes. Pour être sensible à la magie, je pense qu’on n’a même pas besoin d’aller jusqu’au surnaturel ; un télescope par exemple je trouve ça magique, c’est très surprenant, mais je me dis aussi que c’est très scientifique au contraire donc je ne vois pas forcément ces limites là. Pour finir votre question, je n’ai pas de relation très proche avec le spiritisme.

C.R : Vous avez appris des tours de magie pour le film ?

C.F : Non. Ca aurait été cause perdue. Woody Allen en connaît beaucoup sur la magie, il a fait beaucoup de tours lui-même. Pour moi, de prendre des cours pour essayer de maitriser des tours en quelques semaines, ça serait aussi idiot de vouloir devenir en vitesse rapide un concertiste de piano. Il a eu la présence d’esprit de ne pas écrire dans son scénario de tours de magie que je doive exécuter moi-même, j’ai simplement fait quelques mouvements autour de l’éléphant.

C.R : On vous retrouve dans beaucoup de comédies romantiques. Qu’est-ce qui vous plait le plus dans ce genre ?

C.F : Je n’aime pas particulièrement ce genre de film. J’ai accepté ce film là parce que c’était une proposition de Woody Allen et non pas une attirance particulière pour le genre. Je trouve que les comédies sont très difficiles à jouer et tous les comédiens s’entendent là dessus. Je pense qu’il est sûrement le plus grand auteur et scénariste de comédie vivant, c’était donc l’occasion de travailler avec le maitre de ce genre. Je suis assez intéressé par son propos concernant le but de la comédie. Il pense très sincèrement que la vie n’a pas de sens, que nous sommes là pour peu de temps, qu’il y a aura un jour un grand flash, comme une grande chasse d’eau, et que tout va disparaître. Et puis il y aura des gens nouveaux, qui vont mourir à leur tour. L’univers se disloque, le soleil meurt et il n’y aura plus de vie et toutes les grandes œuvres de Mozart ou Shakespeare disparaitront pour toujours. Il ne restera qu’un grand vide. Nous avons le choix, soit on déprime devant cette finalité, soit on se divertit et on pense à autre chose. Je pense qu’il réagit à cette philosophie très sombre dans son travail. Pour ne pas tomber dans la tristesse et le désarroi, il nous propose des comédies pour nous distraire.

C.R : Quel est votre Woody Allen préféré ?

C.F : Mon préféré ? Oh, c’est très compliqué parce que ça peut changer selon les jours. Aujourd’hui, c’est probablement Radio Days, hier c’était Crimes et Délits et demain, surement Hannah et ses sœurs.

Entrevue réalisée et retranscrite par Eve BROUSSE.