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affiche  Avant première "En Mai, fais ce qu'il te plait" et interview de Christian Carion

Avant première "En Mai, fais ce qu'il te plait" et interview de Christian Carion

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Genre : Interview

L'Actu

La période de l'exode en France durant la seconde Guerre mondiale est un sujet qui n'a pas été très souvent abordé au cinéma. A travers le dernier film de Christian Carion, " En Mai, fais ce qu'il te plait ", un pan de notre Histoire est mis en lumière. La venue du réalisateur accompagné d'une des comédiennes, Alice Isaaz, au Gaumont Centre de Reims, fut l'occasion d'un échange enrichissant avec le public, lors de cette avant-première...

Ciné Région : Est-ce que vous considérez votre cinéma comme humaniste ?

Christian Carion : A titre personnel, je me considère comme humaniste. Après, c’est très compliqué pour moi d’avoir du recul sur ce que je fais. Je marche vraiment sur ce qui me donne envie de le faire, je n’ai pas de calcul. Je vois bien qu’il y a des constantes qui apparaissent au fur et à mesure, dont celle là en effet, et à mon sens ce n’est ni une tare ni une naïveté. On vit une époque tellement cynique que lorsqu’on dit qu’on est humaniste, on passe pour un ringard. Je trouve que c’est faux. Je ne changerai pas.

C.R : Mais sous vos airs doux et gentils, vous faites passer pas mal de sujets difficiles et très durs.

C.C : Je fais depuis mi-septembre le tour des projections en France. J’adore, c’est peut-être mon côté provincial. Et il y a une salle, je ne sais plus où, où quelqu’un m’a quasiment engueulé, il m’a dit : « je ne vous pardonnerai jamais la séquence de la tombe » (lorsqu’il déterre la tombe et tombe sur la petite). Je lui ai demandé pourquoi et il m’a répondu : « cette scène est horrible parce qu’on est content que ce ne soit pas le petit… c’est pervers ». Alors, je n’irai pas jusqu’à la psychanalyse pour connaître ce qui se cache derrière tout ça mais j’ai adoré faire cette scène là.

C.R : Qu’est-ce que ça fait de travailler avec le compositeur Ennio Morricone ?

C.C : C’est un bonheur. Je suis super fier de lui avoir donné envie de retravailler pour le cinéma français. Alors c’est une homme qui a des heures de vol et il est cash : il aime ou il n’aime pas mais c’est violent. Je lui ai montré le film, j’étais assis derrière lui pendant deux heures, j’ai attendu pendant deux heures son avis. Et il a attendu le dernier moment ; on avait mis un faux générique de fin pour le montage à l’époque et il attend la fin de la toute dernière ligne et il se retourne et là je vois dans ses yeux qu’il est hyper ému et gêné. Il me regarde longuement et il me dit : « Je vais le faire. Il y a beaucoup d’humanité là dedans, ce n’est pas un film de guerre, je ne veux plus faire de films de guerre, mais c’est un film sur des gens qui cherchent la paix. ». Pour moi, Morricone n’est pas un compositeur de cinéma, c’est beaucoup plus que ça. Il est le cinéma.

C.R : Comment avez-vous fait le choix de Laurent Gerra dont c’est le premier film de cinéma ?

C.C : Je vis à Lyon et je le voie souvent notamment au festival Lumières qu’on adore tous les deux. Il est humainement très chaleureux, c’est un mec avec lequel de me suis entendu tout de suite bien. Je l’avais déjà vu sur Une hirondelle a fait le printemps puisqu’à l’époque il était avec Mathilde Seigner et il venait très souvent sur le tournage. Je l’ai vu jouer dans plusieurs téléfilms et donc je vais le voir, je lui dis que je prépare un film et que je voulais lui confier le rôle d’un fontainier, un mec qui s’occupe d’un château d’eau, il répond : « Ouai… », et j’ajoute : « Mais il a une cave à vin exceptionnelle » et là « Ah ! ». Au delà de cette blague, il a une fascination pour les années 40 à cause de son grand-père qui était soldat puis prisonnier, donc rentrer dans cette période, c’était déjà énorme pour lui. En plus, interpréter quelqu’un aux origines rurales profondes pour qui partir c’est mourir lui semblait parfait.

 Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven

Crédit photos : Michel Haumont