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affiche 40 Festival du cinéma Américain de Deauville premier Week-end

40 Festival du cinéma Américain de Deauville premier Week-end

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Genre : Festival Cinéma

L'Actu

Dans le matin brumeux, des cavaliers passent, chevaux et montures se confondent avec les fumées d'un feu jailli de la terre s'évanouissant dans le ciel. La ville s'éveille à peine, les rares passants d'un pas pressé s'évanouissent dans la salle obscure de la séance presse. Il faut de nouveau arpenter les écrans de nos nuits blanches, comme le chante Nougaro. Nous ressemblons au chevalier en quête de l'improbable film qui nous transportera loin des brumes d'Avallon dans le chaos primordial de notre âme. Petites vies, histoires de rien, de tout, paraboles, fariboles d'un fou, d'un roi condamné à errer sur les ombres de l'écran. Vampire quittant son cercueil de celluloïd devenu numérique, il incarne les univers de réalisateurs conteurs. C'est ainsi, à chaque festival, nous refaisons le monde du cinéma et, à travers lui,  le nôtre, car il n'est que le reflet dans le miroir. Et si, comme dans le Koan zen, il n'existait pas de miroir, que le vide ou tout naît et meurt ? De toutes ces vies, laquelle je choisis pour oublier la mienne ? La nuit vient et dans ses ténèbres, la première de ces histoires s'anime et m'entraîne ailleurs.

Avant un tapis rouge où les escarpins des Cendrillon rêvent de prince charmant, où les actrices baignées des rôles qu’elles incarnent deviennent réalité pour le badaud, comme les princesses des contes de fées. Sur la scène, Lionel Souchan, la voix tremblante, le mot juste, rend hommage à un ami devenu une ombre, une autre partie de lui- même. Festival orphelin, « Tu n’es pas parti. Tu n’es pas décédé. Tu t’es simplement envolé, histoire de voir d’autres choses, d’autres films, d’autres gens… » Un jour dans ce cercle sans fin du Karma, un petit garçon dans la salle viendra réclamer sa pellicule oubliée… Défile sur cet écran noir, des visages de nos chers disparus, Robin Williams, Lauren Bacall, le temps finit par tous nous les voler, sauf leurs films devenus l’éternité. Nous finirons par le joli sourire d’une de ces princesses du tapis rouge, incarnation vivante, comme sortie de l’écran. Avec son rire elle efface la nostalgie de nos cœurs et nous ouvre à la vie.

C’est le commencement toujours renouvelé, premier film Woody Allen comme les couchers de soleil de l’été indien, il revient chaque année avec un film. Une histoire où la raison et le spiritisme se disputent pour nous troubler. Un magicien chargé de démasquer une jeune médium tombe dans un autre piège. Le monde des esprits, mysticisme, spiritisme, Kardec où la science notre bon vieil esprit cartésien s’en trouve bousculée et chamboulée par un troisième larron bien plus fort, chanté par les poètes, l’amour.

Les trois coups résonnent encore, la pièce peut commencer, le week-end commence dans les brumes du petit matin citées plus haut. Nous abandonnons nos passagers de la nuit, les rêves que le premier film tend sur la toile de notre esprit pour en chaparder d’autres. Entre avant-premières et la compétition qui commence, le voyageur que nous devenons enfourche des montures aux multiples existences. De la cuisine avec les recettes du bonheur, celle des maîtres de la France, la lutte entre un restaurant une étoile et un restaurant aux allures de Bollywood de la cuisine indienne. Images d’Épinal sur la cuisine française et la France, bisounours, agréable, où le monde ne possède qu’une couleur, celle du bonheur. Chef Jon Favreau loin d’Iron Man nous emporte sur les routes de l’Amérique à la découverte de sa cuisine pour une route initiatique. Retour à l’origine pour un chef qui ne veut pas concéder à la banalité. La cuisine  est en toile de fond dans l’errance d’un couple après la mort de leur bébé, The disappearance of Eleanor Rigby, magnifique Jessica Chastain.

Elle hante l’écran et les rues de Deauville, la plage où chacun croit voir son ombre encore présente nous errons à sa recherche. Dans cette balade, cette quête, un film d’une réalisatrice américaine d’origine iranienne, objet filmé improbable, long poème, conte inexplicable avec une vampire en tchador. Un premier coup de cœur Things People Do dans la veine de Malick par son monteur un homme préserve le bonheur perdu à tout prix. Une thématique dans l’air du temps quand il n’existe plus de raison de croire, il faut préserver le dernier Paradis avant qu’il ne soit perdu. Nous découvrons un bon polar,  Juillet de sang, un polar  où les apparences sont trompeuses. Un petit encadreur tue un cambrioleur et porte le poids de cette mort dans son âme. Il devra s’en émanciper, mais trouvera plus de questions que de réponses. Pour clore ce week-end, un premier film vide sur deux vieilles parties retrouvées le sens de la vie aux portes de la dernière aube. Demain sera un autre jour comme le dit le poète, que nous aimerons davantage aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. 

Patrick Van Langhenhoven

Crédit photo : Michel Haumont