Genre : Festival Cinéma
Lorsque l'on pense aux films sur la jeunesse et ses dérives, un nom arrive immédiatement en tête : celui du controversé Larry Clark. Dès les années 1970, le photographe et cinéaste originaire de l'état d'Oklahoma nous livre des œuvres à la fois belles et terrifiantes sur la jeunesse. Depuis ses débuts en tant que photographe, Larry Clark a à cœur d'illustrer presque de façon documentaire le quotidien d'adolescents américains sans fard ; il évoque les sujets tabous tels que la drogue, les maladies sexuelles et la violence, déviances inhérentes à une jeunesse perdue, cherchant sa place dans un monde d'adultes peu compréhensifs et tout aussi violents.
Après des études dans le Wisconsin, Larry Clark commence à photographier les jeunes de sa ville natale, se concentrant sur la vie quotidienne d'un groupe de drogués. En découle son premier ouvrage photographique, Tulsa (publié en 1971) qui marquera l'histoire de la photographie américaine et inspirera divers cinéastes dont les célèbres Scorsese et Gus Van Sant qui n'hésiteront pas à insérer l'ouvrage de Clark dans leurs films. Fort de ce premier succès, Larry Clark publie dans les années 80 et début 90 d'autres ouvrages de photographies dont Teenage Lust et The Perfect Childhood.
C'est en 1995 qu'il choisit de passer de l'image fixe à l'image animée, poussé par le désir de voir « vivre » le monde de la jeunesse décadente qui le fascine tant. Il réalise donc son premier film, Kid, portrait cinglant d'une jeunesse new-yorkaise aux comportements sexuels dangereux alors que le virus de sida apparaît. Malgré un succès critique et un bel accueil aux festivals de Sundance et de Cannes, le film est controversé à sa sortie, jugé dérangeant et malsain. Il met en scène deux jeunes actrices qui plus tard connaîtront le succès : Chloé Sevigny et Rosario Dawson.
Trois ans plus tard, Larry Clark réalise son second film, Another Day in Paradise (avec James Wood et Mélanie Griffith dans les rôles principaux) qui remporte le grand prix du jury au festival du film policier de Cognac en 1999. Le film se concentre sur deux couples voleurs toxicomanes qui vont connaître un destin tragique.
Avec cette seconde réalisation, il signe un film noir, toujours empreint de ce qui sera sa marque de fabrique : le sexe, la drogue et la décadence. Durant toute sa carrière, Larry Clark n'a de cesse de tourner autour de ces questions, s'inspirant même de faits divers. C'est le cas pour son troisième film, Bully tourné au début des années 2000, adapté du livre Bully: A True Story of High School Revenge de Jim Schutze. L'histoire est tragique et pourrait se résumer par le triptyque « Sex, Drugs and Death ». Nous suivons une bande d'adolescents de Floride qui, pour se venger des multiples humiliations d'un des jeunes de la ville, décident de le tuer en bande et d'abandonner le corps dans un marais. Tous les personnages ont gardé le nom des protagonistes de ce meurtre bien réel qui avait été commis en 1993. Le film est présenté à la Mostra de Venise et reçoit le grand prix au Festival international du film de Stockholm en 2001.
L'année suivante, Ken Park sort sur les écrans de cinéma et provoque de nouveau la fascination et l'effroi. Le réalisateur multiplie les scènes choc mêlant violence et sexualité malsaine voir interdite (notamment entre un père et son fils). Film choral, Ken Park suit quatre jeunes Californiens maltraités par leurs familles et qui tentent de créer des liens émotionnels et sexuels entre eux. Malgré son grand succès et son exploitation en salle massive, le film, jugé trop cru, rencontre des problèmes de diffusion dans les pays anglo-saxons et est interdit aux moins de 18 ans en France. Larry Clark confirme donc sa réputation de réalisateur sulfureux.
En 2004 sort Wassup Rockers, un film intimiste sur le milieu du skate. Larry Clark y filme un groupe de jeunes Latino-américains évoluant dans la pauvreté. Ces jeunes, il les a rencontrés au cours de ses pérégrinations dans les rues, avec toujours l'idée d'être au plus proche de la vérité, du quotidien de la jeunesse.
En 2007, Larry Clark collabore avec sept réalisateurs de nationalités différentes à la création d'une compilation de courts métrages mêlant les thèmes de l'art et du sexe.
Pour revenir sur son travail, le musée d'Art moderne de la ville de Paris organise une exposition en 2010-2011, qui marquera la première rétrospective de son travail édifiant sur les adolescents et la sexualité. Une polémique entoure de nouveau le photographe/réalisateur puisque l'exposition est interdite aux moins de 18 ans.
En Europe, la galerie Simon Lee (Royaume-Uni), présente également son travail.
En 2012, Larry Clark obtient de nouveau un prix au Festival du film de Rome, celui du meilleur film pour Marfa Girl. Le film raconte l'histoire d'amour des jeunes Adam et Donna, coincés au cœur de la confrontation entre les communautés blanche et hispanique de la ville de Marfa au Texas.
Exaspéré par la main mise des producteurs de cinéma et déterminé à ce que son film soit vu librement par la jeunesse, Larry Clark annonce que son film ne fera pas l'objet d'une sortie en salle mais uniquement en streaming.
Mais, Larry Clark ne compte pas pour autant arrêter de filmer puisque le tournage de son neuvième long métrage vient de se terminer à Paris. Après avoir beaucoup parlé de Pete Doherty pour interpréter le rôle principal, c'est finalement Michael Pitt (qui avait fait ses débuts au cinéma dans Bully) qui a été retenu. The smell of us aura pour arène les rues parisiennes et tournera autour de quatre adolescents skateurs. Tout comme Bully, le scénario de The Smell of Us est inspiré de faits réels et signé par un jeune auteur français, Mathieu Landais.
Au travers de tous ses travaux, Larry Clark, tourne sans cesse autour de l'univers assez empreint de désespoir de l'adolescence.
Fascination dérangeante ? Réel besoin de formuler au public une réalité insupportable ? Larry Clark semble sonner depuis maintenant plus de trente ans la sonnette d'alarme sur la situation de la jeunesse aux États-Unis. Ses photographies et films sont sans concession, prouvant qu'il est l'un des rares réalisateurs encore indépendant aux Etats-Unis.
Sarah Lehu