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affiche 39 Festival du cinéma Américain 31/08

39 Festival du cinéma Américain 31/08

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Genre : Festival Cinéma

L'Actu

Un premier jour peut être décisif. Premier jour d’école, premier jour au bureau, premier rendez-vous et ici, premier jour de festival. Pour les lève-tôt, rencontre avec le dernier film de Woody Allen, Blue Jasmine, à 8h. Place à la dépression. Puis, on croise des assassins, des victimes, et, bien évidemment, quelques stars. Entre xanax, mythologie, histoire vraie, Obama et couple homosexuel, autant dire que rien n’est pris à la légère.

Tout commence avec Michael Douglas et son Liberace. Steven Soderbergh aura attendu qu’il se remette de son cancer pour pouvoir tourner son biopic. Depuis déjà longtemps, il le voulait pour le rôle. L’acteur loue le talent de son partenaire Matt Damon sans qui sa performance n’aurait pas été la même et qui, en raison d’un emploi du temps trop chargé, n’est finalement pas présent à Deauville.

Ensuite, qu’il s’agisse d’un film en compétition ou en avant première, on ne rigole pas. Attention, les longs métrages n’en sont pas moins bons. Blue Jasmine, bien qu’il mette en avant une dépressive à la lisière de la folie, est un très bon Woody Allen. On y retrouve sa manière si particulière et plaisante de traiter le drame, à la fois touchante, drôle et effrayante. Cate Blanchett manie les émotions avec subtilité conférant davantage de complexité à son personnage. Un hommage lui est rendu cette année. Si elle s’amuse du fait qu’elle est désormais assez avancée en âge pour recevoir une telle distinction, elle sait être sérieuse et parler de son parcours de comédienne avec beaucoup d’humilité. Elle a joué avec les plus grands (Martin Scorsese, Steven Soderbergh, Alejandro Gonzalez Inarritu) et a incarné les plus grands (Bob Dylan, Elysabeth I) mais se focalise depuis plusieurs années sur le théâtre. Pour elle, cet art a fait prendre un tournant décisif à sa carrière tout comme le film Elizabeth : L’âge d’or.

Forest Whitaker, présent pour The Butler (Le Majordome dans son titre français) est lui aussi très humble et nous fait penser à un moine bouddhiste. Très calme, la voix toujours posée, réfléchissant sérieusement à ce qu’il va dire, il semble très zen. Lors de la conférence de presse, il explique s’investir toujours énormément dans chacun de ses personnages à tel point qu’il n’échappe pas systématiquement à leur emprise une fois le tournage terminé. Jouer Charlie Parker dans Bird a été très éprouvant. Il lui arrivait de ne plus avoir envie de vivre. Dans ce film de Lee Daniels, il incarne Cecil Gaines, majordome à la Maison Blanche pendant plus de trente ans. Le metteur en scène a souhaité faire un film sur l’amour entre un père et son fils mais en tournant certaines scènes particulièrement atroces, il s’est rendu compte que The Butler était aussi lié aux droits civiques et à l’histoire américaine. Barack Obama a même déclaré avoir pleuré pendant le film.

Mais le Festival de Deauville se caractérise aussi par sa compétition. Blue Caprice, du français Alexandre Moors, expatrié aux Etats-Unis depuis une quinzaine d’années, ouvre le bal. Basé sur un fait réel traumatisant venu tout droit des Etats-Unis, le film nous plonge dans une atmosphère dérangeante et suffocante. Cette histoire est celle de John Allen Williams, surnommé « le sniper de Washington » et de son jeune complice de 17 ans, Lee Boyd Malvo qui, en octobre 2002, tuent à bord de leur Chevrolet Caprice dix personnes à Washington. John Allen Williams, ancien vétéran de la Guerre du Golfe, est devenu John Allen Muhammad après s’être converti à l’islam, et choisissait ses cibles au hasard, sans aucune distinction de race. Blue Caprice commence quand Williams, après avoir kidnappé les trois enfants issus de son second mariage, se rend à Antigua et y rencontre Malvo, qu’il prendra sous son aile, le considérant très vite comme son fils. Il retourne aux Etats-Unis mais très vite, ses enfants retournent chez leur mère, ce qui le rend fou. Là, il développe une relation très étrange avec Lee Boyd Malvo, basé sur la manipulation, la peur mais aussi l’amour. Il fera de lui un monstre. Dans les rapports de police, Alexandre Moors et son scénariste, R.F.I. Porto, n’ont rien trouvé. Ils ont beau avoir, donc, imaginé ce qu’a pu être cette relation malsaine, il n’est pas difficile de croire ce que nous voyons. On est mal à notre aise, effrayé par le pouvoir qu’a eu cet homme et la façon dont il a conditionné un adolescent à devenir un sniper.

Il est ici question de foi. Dans le film, le personnage semble investi d’une mission. Son but est plus grand que lui et il semble transcendé par son pouvoir. Dans A Single Shot, second film de la compétition, la croyance est également un thème important. John Moon (Sam Rockwell, un peu moins charismatique que d’habitude), chasseur, croyant viser un cerf, tire accidentellement sur une femme. Elle meurt sur le coup et à cet instant sa vie bascule. On est dans une sorte de retour à la nature, de rédemption mais ces sujets sont mal exploités. Le rythme est trop lent, on ne voit pas grand-chose (le réalisateur a misé sur les jeux d’ombres) et l’histoire, déjà exploité dans d’autres longs métrages, ne sort pas des sentiers battus.

En somme, cette première journée aura été intense. Les journalistes courent dans tous les sens et les festivaliers se poussent pour obtenir de bonnes places. Les films s’enchaînent, tout le monde est à cran. Un premier jour de festival normal… 

Caroline Vincent  (Crédit Photo Caroline Vincent)