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affiche 39 festival de Deauville 2/09

39 festival de Deauville 2/09

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Genre : Festival Cinéma

L'Actu

La brume couvre la campagne, les maisons normandes étalent leurs corps au soleil qui perce au loin. La semaine s’ouvre comme une fleur pleine de promesses aux saveurs d’un été indien qui n’en finit plus. Le journaliste se lève parfois avec le soleil pour rejoindre son antre tel un vampire s’enfermer dans les salles obscures.

Nous commençons la journée  avec Joe, quand l'amour se noie dans l'alcool, quand la seule route que l'on emprunte se nomme déchéance. On espère trouver autre chose au

bout du chemin que la vieille bicoque en ruine, que le chaos qui bouscule nos vieux rêves, les casse en les jetant comme la porcelaine de l'ancêtre dans la dispute de ménage. Nous ignorons encore qu'il n'existe pas de couple, que cette unité fragile de notre être se coupe en deux et nous finissons par lutter contre nous même. À la fin on ne sait même plus pourquoi, pour qui ? C'est à cet instant que la déchéance se glisse dans votre lit, et la statue tombe encore et toujours. On aura beau brûler le passé, faire table rase, tant que l'unité ne revient pas, tant que nous  ne comprendrons pas que les fantômes, ses passagers clandestins, nous sont liés. Nous resterons à terre, comme la vieille maison en ruine. Au bout de la route, au bord de la frontière, derrière se cache la dernière des sorcières, la colère. Elle monte enfle souffle comme une tempête qui n'épargnera personne. Il est trop tard quand le soleil pointe, il ne reste plus personne pour arpenter les champs de l'espérance.  Il y a toujours un moment, une raison, un point de départ au voyage vers le néant. Un instant où tout aurait pu être autrement, un croisement où se dessinent deux avenirs celui de cette lumière mensongère, où la petite bougie à entretenir chaque jour fragile dans la caresse de la brise, fléchie. Peu à peu ce possible, cette origine où tout aurait été autrement s'estompe, s'évanouit. Il reste quoi quand nous la perdons ? Quand il n'existe plus rien, que les ténèbres pour engloutir tout. Une nouvelle page blanche s'ouvre pour écrire une autre histoire. C’est un peu ce qu’évoque Joe avec Nicolas Cage, ce soir quand la nuit tombera et que les ladys affolées se précipiteront, bousculant sans ménagement les uns et les autres comme si leurs vies en dépendaient. Quand le festival sortira le tapis rouge pour un hommage à Nicolas Cage, un acteur qui bien avant les films d’action avait déjà une filmographie plus sombre entre films indépendant et d’auteurs. Ce soir le public, la foule, après le journaliste privilégié, envahira l’amphithéâtre de cette vie qui défile sur les écrans et qu’il s’appropriera à son tour.

À peine avons-nous emmagasiné dans nos mémoires insoumises les effets de cette première histoire, qu’une deuxième s’invite. Fruitvale Station, elle prend une autre forme, une autre route dans la multitude des étoiles où on la dérobe pour la poser au cœur de notre univers. Elle commence de façon ordinaire, avec une vie semblable à celle de bien d'autres. Père de famille, un peu dealer un peu glandeur, avec ses soucis de petit délinquant. Tromper sa femme, s'excuser, rattraper ses erreurs. Les empiler. Nous croyons que la dette ne sera jamais réclamée. Et un jour tout dérape pour une couleur de peau. Arrêter, stopper la descente reprendre la main, et retrouver l'équilibre du danseur du monde. Mais le destin, petit diable farceur, s'en mêle, brouille la partition et choisit un autre ton, bang bang ! Rideau la pièce s'arrête ! La danse appartient à un grand livre où tout est écrit, bouclé ? Le danseur est mort et il détenait la réponse. Un petit dealer qui voulait redevenir un type ordinaire finit sous les balles d’un flic à Fruitvale Station. La vie possède parfois un goût amer. Comme le dit le personnage du film, la vie n'est pas un jeu.

Grand moment d’émotion lors de la conférence de presse, le réalisateur explique pourquoi cette vie marginale le happe et se transforme en film. Nous sommes à peine sortis pour profiter du soleil qui ,sous la toile de plastique, échauffe les langueurs monotones. Nous voici en compagnie de Nicolas Cage où un journaliste très averti de la carrière du neveu de Coppola, s’étonne de ne pas le voir  plus souvent dans des films d’auteur. Il faudrait leur expliquer que revoir ses devoirs n’est pas une mauvaise chose. Ma vieille maitresse disait, ça vous évitera les âneries, jeunes hommes !

Il est temps de rejoindre de nouveau le temple de nos amours, la salle où de nouveau une vie marginale se lance dans la course pour le prix final. Hier, aujourd'hui, qu'importe le temps n'a pas de prise sur nos petites fragrances, nos pétales de vies. C'est comme un maelström d'éternel recommencement au cœur de la forêt profonde des origines. Le soir autour du premier feu de camp, c'est là qu'elle prennent leurs sources dans la douleur de ceux qui souffrent, leçon, conseil ou juste laisser une trace. Elles prennent la forme du conte, de légendes pour les plus belles, de chanson, de roman et aujourd'hui de film. Elles murmurent les choix  du bien et du mal, la route pour bâtir une existence, la sienne. Elle tissent  les premières guerres, les premiers conflits ronds qui ne cesseront que lorsque nous aurons compris le message à petite échelle dans nos vie, ce besoin carnassier d'envier l'autre de tuer. The retrieval, à la fin de la guerre de Sécession un jeune garçon apprendra à reconnaître le bien et le mal, à dessiner sa route. La journée s’achève avec un film qui ne dit rien The Wait, deux sœurs enterrent leur mère. C’est une thématique porteuse, la mort de l’être aimé, celle qui nous donna la vie. Elle vous laisse avec un vide si profond après son départ. Ici c’est le film qui vous laisse un vide profond. La salle se vide, et nous finissons par jeter l’éponge vaincus par chaos.

Patrick Van Langhenhoven

Crédit Photo Michel Haumont