C'est au cœur d'un territoire marqué par la guerre, terre de frontière rongée par les conflits depuis la nuit des temps. C'est ici que nait le festival de la mémoire des tranchées, de cette drôle de guerre sans nom effaçant des villages et des vies au cœur des champs de blé éventrés. C'est à l'occasion du centenaire de 14/18 que se fait jour l'évidence d'un festival centré sur les conflits. Un slogan détourné du mouvement hippie « Faites des films, pas la guerre » marque la volonté des organisateurs d'une utopie d'un monde sans guerre. Depuis onze ans, à travers des sélections diverses, il s'impose dans le paysage des nombreux festivals de cinéma. Aujourd'hui, la formule semble rodée et nous offre une compétition de longs et de courts métrages de qualité. La notion du conflit s'est élargie et le film d'ouverture de cette année en est une preuve. Le règne animal de Thomas Cailley nous raconte la transformation d'un monde qui a longtemps ignoré l’existence des animaux. Il s'inscrit dans cette nouvelle génération de jeunes réalisatrices et réalisateurs n'hésitant pas à mélanger les genres pour recomposer un nouveau paysage cinématographique intéressant. On peut parler d'une nouvelle vague, une révolution tranquille et prometteuse. Le film de clôture choisit de donner la parole à un cinéaste du conflit social appartenant à la génération précédente.

Il s'agit de Ken Loach qui, lui aussi en son temps, a bousculé le cinéma. The Old Oak aborde le problème de la précarité et de l'émigration, des thèmes chers au réalisateur. La compétition examine ces deux thématiques, celle de la nature avec l'Amazonie, Les derniers hommes, une troupe de légionnaires traversant la forêt profonde pour échapper à l'armée japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Perspective 2023 emprunte le même chemin de tristesse à travers des films sortis cette année nous montrant que les conflits marquent encore au fer rouge notre société. Cette année, l'invité d'honneur, Volker Schlöndorff, marque son époque en 1979 avec Le Tambour, Palme d'or à Cannes en 1979 ex-æquo avec Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Il reçut également en 1980 l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Son œuvre est marquée par les conflits du XXe siècle qu'il examine avec lucidité et vérité à travers ses personnages. Il donnera une Master class le jeudi 5 octobre à 20h30 au Théâtre La Comète.

Nous resterons sur un sujet d'actualité à travers le nucléaire civil, arme de guerre du Syndrome Chinois avec l'actrice militante Jane Fonda et Mikael Douglas à Grand Central de Rebecca Zlotowski. Nous regarderons l'histoire des Etats-Unis de Lincoln de Steven Spielberg à Blackkklansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan de Spike Lee en passant par un de nos films préférés, Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison. Un voyage au cœur de la comédie italienne née du néoréalisme s'amuse du conflit souvent dans un rire grinçant du Fou de guerre donnant un rôle décalé à Coluche, à la La Ciociara, la magnifique Sophia Loren face à Jean Paul Belmondo. D'autres catégories complètent une programmation riche qui, hélas, prouve que le conflit a encore de beaux jours devant lui. Trois jurys auront la lourde tâche de choisir le film de leur choix dans une compétition qui est peut-être un conflit en soi. Une fois de plus, War On Screen, à travers tous ces films et ces rencontres, nous rappellera qu'il vaut mieux faire des films que la guerre.

Patrick Van Langhenhoven