« La société dans laquelle nous vivons est-elle la seule à notre disposition ? »

 C’est la fin d’une civilisation épousant la décadence pour laisser place à un monde nouveau avant de s'évanouir. L’ancien est jeté en pâture aux derniers princes, les vautours se battant pour la carcasse putride. La société s’étiole, comme une étoile qui se meurt pour enfanter une autre lumière. Dans l’ombre, les puissants s’affrontent pour construire ce renouveau sur les cendres d’hier. L’architecte Cesar Catalina, maitre du temps, se bat pour bâtir sur ce terrain vague central, la ville du futur, Métropolis moderne, Mégalopolis ! L’ancien maire de la pomme de discorde, Cicero, lutte pour contrecarrer ses plans.

Sa fille, Julia, succombe au charme de Catalina, répudiant l’ancienne vestale. Wow Platinum, la prostituée de Babylone, murmure dans les couloirs du Colisée pour briller encore au firmament, au nom de l’argent. Clodio, le cousin perfide, manigance, tisse sa toile et soulève la plèbe à coup de mensonges et complots. Hamilton Crassus III, le banquier, soutient le projet de changement de Cesar, mais sous l’emprise de la prostituée perfide, il pourrait bien échouer. C’est l’histoire d’une femme tiraillée entre un père réactionnaire et un amant architecte visionnaire, maitrisant la trame du temps. Bienvenue sur la grande scène du monde, dans une Amérique, une société en fin de vie, à l’image de la Rome antique.


Ho hé brave gens, laissez-vous porter par le vent de l’utopie embrassant le passé pour nous narrer aujourd’hui. Mégalopolis est une fresque visionnaire inspirée par de nombreux penseurs de notre civilisation née des ruines de Rome. « Je n’aurais pu réaliser Megalopolis sans m’appuyer sur George Bernard Shaw, Voltaire, Rousseau, Bentham, Mill, Dickens, Emerson, Thoreau, Fuller, Fournier, Morris, Carlyle, Ruskin, Butler, et Wells; ou encore sur Euripide, Thomas More, Molière, Pirandello, Shakespeare, Beaumarchais, Swift, Kubrick, Murnau, Goethe, Platon, Eschyle, Spinoza, Durrell, Ibsen, Fellini, Visconti, Bergman, Bergson, Hesse, Hitchcock, Kurosawa, Cao Xueqin, Mizoguchi, Tolstoï, McCullough, Moïse et l’ensemble des prophètes. » Comme nous le dit Francis Ford Coppola, c’est d’abord un projet fou, démesuré, comme l’était en son temps Apocalypse Now, adapté du roman de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres.

Un seul visionnage ne suffit pas à saisir tous les tenants et aboutissants, pour comprendre cet opéra baroque aux allures de fable. A Cannes, la première projection m’a laissé perplexe, perdu, esprit éparpillé tentant de rassembler les morceaux d’une vision complexe. Il me faudra une seconde projection pour commencer à entrevoir ce que de nombreux historiens s’accordent à dire sur notre civilisation à bout de souffle, proche de la chute de l’Empire Romain. C’est ce dernier et plus particulièrement la Conjuration de Catilina, telle qu’elle est racontée par l’historien Salluste, qui inspire le réalisateur. Un noble malveillant (Catilina) intrigue pour renverser la République mais le complot est déjoué par le consul Cicéron. C’est la place du peuple, la proposition d’un monde nouveau renversant l’ordre établi, l’ancien monde, qui se joue. Dans la version de Francis Ford Coppola, c’est le temps des changements à travers le personnage de Catalina Cesar qui remporte la victoire.

Se noue une histoire complexe prenant racine chez les penseurs cités plus haut. Pour la nouvelle version, le réalisateur épure l’histoire tout en gardant son cœur battant. Il faut suivre la trame de cette fable avec attention pour ne pas se perdre dans ce labyrinthe pris d’une folie baroque et surréaliste, allégorie d’un futur à naitre. Les complots, les métaphores, les maelströms des mensonges et de la vérité jouent une partition de la construction de cette nouvelle proposition utopique. Visuellement, Mégalopolis joue la démesure, le rêve, l’onirisme et la folie entre Apocalypse Now et Peggy Sue s'est mariée. Francis Ford Coppola porte ce récit depuis Outsiders, interrompu par le 11 septembre et la difficulté à monter un projet démesuré. Est-ce une fable ou la vision d’avenir d’un réalisateur qui aura compris que le monde est à bout de souffle ? Pour l’instant, la folie, les impasses s’emparant de ce début du 21esiècle semblent lui donner raison.

Patrick Van Langhenhoven

DVD
Distributeur : Le Pacte                                                                                                                        

Vidéo : 16/9 - 2.39:1                                                                                                                                                                              

Son :Dolby Anglais, Français5.1                                                                                                                                             

Sous titres : Français                                                                                                                            

Bonus :
Commentaire audio de Francis Ford Coppola
Introduction par Francis Ford Coppola
« Un cheminement de 40 ans »
sur la version 4K
« Construction d’une utopie »
« C’est une fin de tournage ! »

Fiche technique
    Titre original : Megalopolis
    Sous-titre : Une fable
    Réalisation et scénario : Francis Ford Coppola
    Musique : Osvaldo Golijov et Grace VanderWaal
    Direction artistique : Samantha Avila, Brittany Hites, Domenic Silvestri et Freddy Waff
    Décors : Beth Mickle et Bradley Rubin
    Costumes : Milena Canonero
    Photographie : Mihai Mălaimare Jr.
    Montage : Cam McLauchlin et Glen Scantlebury
    Production : Michael Bederman et Francis Ford Coppola
    Production déléguée : Anahid Nazarian, Fred Roos et Adriana Rotaru
    Coproduction : James T. Mockoski
    Société de production : American Zoetrope
    Société de distribution : Le Pacte (France) ; Lions gate (États-Unis)
    Budget : 100 millions de dollars
    Pays de production :  États-Unis
    Langue originale : anglais
    Format : couleur – 2,00:1 (VistaVision) – son Dolby Digital, IMAX 6-Track
    Genre : drame, épique, science-fiction
    Durée : 138 minutes
    Dates de sortie : 16 mai 2024 (Festival de Cannes)  25 septembre 2024

Distribution

    Adam Driver (VF : Félicien Juttner) : Cesar Catilina, l’architecte
    Giancarlo Esposito (VF : Alex Descas) : Franklyn Cicero, le maire
    Nathalie Emmanuel (VF : Camille Constantin Da Silva) : Julia Cicero, la fille de Franklyn
    Aubrey Plaza (VF : Zoé Schellenberg) : Wow Platinum, l’animatrice de télévision
    Shia LaBeouf (VF : Jean-Christophe Dollé) : Clodio Pulcher, le cousin de Cesar
    Jon Voight (VF : Sylvain Clément) : Hamilton Crassus III, l’oncle riche de Cesar
    Laurence Fishburne (VF : Thierry Hancisse) : Fundi Romaine, le chauffeur et assistant de Cesar
    Talia Shire (VF : Frédérique Cantrel) : Constance Crassus Catilina, la mère de Cesar
    Jason Schwartzman (VF : Arnaud Bedouët) : Jason Zanderz, un membre de l’entourage de Franklyn
    Kathryn Hunter (VF : Françoise Vallon) : Teresa Cicero, la femme de Franklyn
    Grace VanderWaal (VF : Maud Casari) : Vesta Sweetwater, l’adolescente pop star
    Chloe Fineman (VF : Louise Orry-Diquéro) : Clodia Pulcher
    James Remar : Charles Cothope
    D. B. Sweeney (VF : Simon Volodine) : Stanley Hart, le commissaire
    Isabelle Kusman : Claudine Pulcher
    Bailey Ives (VF : Kévin Goffette): Huey Wilkes
    Madeleine Gardella : Claudette Pulcher
    Balthazar Getty (VF : Bruno Forget) : Aram Kazanjian, le bras droit de Clodio
    Romy Mars (VF : Angèle Garnier) : la journaliste
    Haley Sims (VF : Clémentine Verdier) : Sunny Hope Catilina
    Dustin Hoffman (VF : François Marthouret) : Nush Berman, le fixeur