Genre : Ciné région
LES SORTIES DU 26 MARS 2025
LES COUPS DE CŒUR
AIMER PERDRE (Belgique) - 2024
(1h26) de Lenny & Harpo Guit
avec Maria Cavalier-Bazan, Catherine Ringer, Melvil Poupaud, Michael Zindel, Axel Perin, Maxi Delmelle
Déjà auteurs du film Fils de plouc (2021, inédit en France), les deux frères Guit débarquent sur nos écrans avec leur deuxième long métrage. Soit notre héroïne (euh, héroïne ? faut pas exagérer tout de même), Armande Pigeon, qui recueille un pigeon blessé, qu’elle cache chez sa logeuse, chez laquelle elle occupe un coin du salon, et comme elle doit des loyers en retard, elle sera privée de douche. Donc, jusqu’ici tout va bien ! Armande, ce qu’elle aime, c’est jouer, vous l’aurez compris. Et tant pis si elle perd. Tout, absolument tout, est prétexte à paris. Ses boulots, elle les perd, ses amis aussi, son logement également. Servi par une jeune comédienne enthousiasmante, venue du théâtre bruxellois, Maria Cavalier-Bazan, le film nous entraîne dans une spirale de galères, saupoudrée de trash et de mauvais goût. Mais qu’importe, cette Armande est bien attachante et sa bonne humeur contagieuse l’emporte sur sa vie bordélique. Un bon conseil, si elle veut vous emprunter 10€, ne lui prêtez surtout pas. Donnez-lui.
JE LE JURE (France) - 2024
(1h50) de Samuel Theis
avec Julien Ernwein, Marie Masala, Marina Foïs, Louise Bourgoin, Micha Lescot, Souleymanne Cissé, Sophie Guillemin, Saadia Bentaïeb, Emmanuel Salinger, Hedi Zada, Antonia Buresi, Eva Huault
Fabio (Julien Ernwein), un quadra quelque peu perdu dans sa vie, entretient une liaison cachée avec Marie (Marie Masala), plus âgée que lui. Il est convoqué pour être juré d’assises. L’accusé, un jeune pyromane, déjà reconnu coupable d’avoir causé la mort de plusieurs personnes en première instance, assiste à son procès en appel.
Samuel Theis, fort de ses deux premiers succès – Party Girl (Caméra d’Or 2014) et Petite nature (Semaine de la Critique 2021), nous plonge dans les coulisses du film de procès et suit les membres qui composent le jury. Ceux-ci commencent par la visite d’une cellule, suivie du tirage au sort des neuf jurés. S’instaure alors, une relation de travail entre les jurés, novices en la matière et la Présidente de la Cour d’Assises, aguerrie et bienveillante. Sans effet de manche attendu, soutenu par des dialogues ciselés, on assiste à un vrai débat sur ce que signifie juger un homme et non un crime ; le jury ayant seul le pouvoir de voter, en sa conscience, si il est pour la réinsertion ou pour une répression. On pourra souligner également l’excellente direction d’acteurs professionnels ou non.
NB La réalisation du film s’est déroulée dans des conditions particulières. Samuel Theis, placé sous le statut de témoin assisté pendant le tournage, a pu continuer à travailler en respectant un protocole précis.
NO BEAST. SO FIERCE. (Allemagne) - 2024
(Kein Tier so wild) (2h22) de Burhan Qurbani
avec Kenda Hmeidan, Mona Zarreh Hoshyari Khah, Mehdi Nebbou, Hiam Abass, Verena Altenberger, Meriam Abbas, Banafshe Hourmazdi, Camill Jammal, Enno et Theo Trebs, Phileas Heyblom, Aaron Kissiov, Tamer Karabay, Hassan Akkouch, Baser
Pour entendre le titre du film, il faut se référer au grand dramaturge William Shakespeare, dont voici un extrait, tiré de sa pièce Richard III :
Lady Anne « - Scélérat, tu ne connais aucune loi, ni divine, ni humaine : Il n'est de bête si féroce qu'elle n'éprouve une once de pitié. »
Richard III « - Mais je ne la connais point, je ne suis donc pas une bête. »
Déjà dans Berlin Alexanderplatz, film fleuve de 3h03 (2021), le réalisateur germano-afghan, Burhan Qurbani, nous entraînait dans les bas-fonds de Berlin ; ici, il transpose la lutte fratricide entre les York et les Lancaster, la guerre des Deux-Roses retranscrite par Shakespeare dans sa pièce Richard III, en guerre des gangs de la pègre berlinoise arabisante. L’adaptation est libre, mais on en retrouve le fond, les alliances, les intrigues, les trahisons, les meurtres, l’usurpation, qui mèneront au pouvoir absolu. La mise en scène est absolument magistrale, résolument théâtrale, elle débute dans un prétoire où Richard devenu Rashida est avocate et se terminera dans un désert spectral. A côté de deux acteurs français – Hiam Abbass et Medhi Nebbou – on découvre une actrice syrienne, Kenda Hmaidan (dans le rôle de Rashida) époustouflante de cruauté et de machiavélisme.
A VOIR CETTE SEMAINE
BELLADONE (France) - 2025
(1h35) d’Alanté Kavaïté
avec Nadia Tereszkiewicz, Daphné Patakia, Dali Benssalah, Miou-Miou, Patrick Chesnais, Alexandra Stewart, Jean-Claude Drouot, Féodore Atkine, Méryl Bergoz-Lony, Claire Magnin, Joël Cudennec
Alanté Kavaïté, réalisatrice et scénariste franco-lituanienne de 51 ans, a réalisé trois longs métrages en dix-huit ans. Le premier, Écoute le temps (2007), mettait en scène une toute jeune Emilie Dequenne de 26 ans, disparue trop tôt en ce mois de mars 2025. Elle y convoquait le paranormal.
Dans son troisième, elle nous entraîne dans un futur proche (2050), dans lequel les personnes âgées sont contraintes de vivre en institution. Pour leur éviter ce sort anti-libertaire, Gaëlle (Nadia Tereszkiewicz), maîtresse de maison hors pair, infirmière, nutritionniste, confidente…, a décidée de s’occuper d’un petit groupe d’anciens sur une île. Les vieux, quant à eux, vivent en totale insouciance, bichonnés qu’ils sont par une Gaëlle investie par la mission qu’elle s’est donnée. Une jeune femme - Aline (Daphné Patakia), médecin, venue livrer des médicaments -, son frère David (Dali Benssalah) et une fillette débarquent de leur voilier. Contre la loi en vigueur, ils ne sont pas là pour les dénoncer. Mais le trio va bouleverser cette organisation bien huilée, d’autant que les poules viennent à mourir sans que l’on ne sache pourquoi, puis les vieux. On pourrait se croire dans une dystopie, mais loin de là. La fin de vie y est traitée avec une grande tranquillité, on y fait la fête, la mort (inévitable) y est attendue avec sérénité, on accélère juste sa venue. La belladone y pourvoira. Un conte solaire où il fait bon mourir !
LE GARCON (France) - 2023
(1h37) de Zabou Breitman et Florent Vassault
avec Damine Sobieraff, Isabelle Nanty, François Berléand, Nicolas Avinée, Florence Muller, Jean-Paul Bordes
A la fois fiction et documentaire (et non une docufiction), Zabou Breitman et Florent Vassault sont partis de la découverte d’un paquet de photos de parfaits inconnus, acheté dans une brocante, pour faire revivre ce petit blondinet photographié sur cinquante ans de sa vie. Zabou Breitman invente l’histoire qu’aurait pu être celle de ce garçon – qu’elle prénomme Jean -, jouée par des acteurs, en reproduisant les photos à l’identique ; tout en changeant quelques détails néanmoins, là, la couleur de la voiture, plus loin l’imprimé d’une robe. Florent Vassault, de son côté, a réalisé une véritable enquête autour de ce jeune homme, en interrogeant des témoins de cette époque, en recherchant des lieux sur Google Maps. Un film à quatre mains, tourné en parallèle chacun de leur côté, mais avec un même fil conducteur, chaque vie mérite d’être racontée. Une jolie réflexion autour de la photographie, du souvenir et de ce que l’on en fait.
LE JOUEUR DE GO (Japon) - 2024
(Gobangiri) (2h09) de Kazuya Shiraishi
avec Tsuyoshi Kusanagi, Kaya Kiyohara, Taishi Nakagawa, Eita Okuno, Takumi Saitoh, Takuma Otoo, Jun Kunimura, Kyoko Koizumi, Masachika Ichimura
Kakunoshin Yanagida (Tsuyoshi Kusanagi), ancien samouraï, a vu autrefois son honneur sali par de fausses calomnies. A présent sans maître, il s’efforce de vivre dignement, quoique modestement, avec sa fille, à Edo (actuel Tokyo). Joueur invétéré de go, il livre les sceaux qu’il fabrique, à cette occasion, il est accusé d’un vol. Sans répit, il s’attelle à la recherche de la vérité, qui pourra également sauver sa fille.
Kazuya Shiraishi renoue avec les films de samouraïs, grande tradition d’un cinéma nippon d’autrefois, tout en ponctuant son intrigue de parties de go - un jeu né en Chine et qui prit un essor au Japon également. Un film hommage aux maîtres de la stratégie, qui se joue aussi bien sur une table de jeu qu’un sabre à la main, suivant les codes de l’honneur.
LIRE LOLITA A TEHERAN (Italie/Israël) - 2024
(Leggere Lolita a Teheran) (1h47) d’Eran Riklis
avec Golshifteh Farahani, Zar Amir, Mina Kavani, Bahar Beihaghi, Isabella Nefar, Raha Rahbari, Lara Wolf, Arash Marandi, Shahbaz Noshir, Catayoune Ahmadi, Reza Diako, Ash Goldeh, Sina Parvaneh, Arash Arash
En 1979, après avoir terminé ses études en littérature anglaise et américaine aux Etats-Unis, Azar Nafisi (Golshifteh Farahani) et son mari (Arash Marandi) ingénieur rentrent à Téhéran. L’Iran est désormais dirigé par le régime islamique de l’ayatollah Khomeini. Devenue professeure et devant l’impossibilité d’assurer ses cours de littérature à la fac, Azar propose à ses étudiantes de venir étudier chez elle, secrètement. Sans voile, ni jugement, ni interdit.
Le film est l’adaptation du premier roman autobiographique de l’Iranienne Azar Nafisi, écrivaine et professeure, exilée aux USA. La gestation du film mérite d’être racontée, en effet, Eran Riklis, réalisateur israélien (Le voyage du directeur des ressources humaines ; Le dossier Mona Lina) obtient les droits du livre auprès de son auteur et fait la rencontre d’une productrice italienne (Marica Stocchi) et l’équipe de Minerva Pictures. Puis il regroupe un casting principalement composé d’exilés iraniens, telles les trois principales actrices. Il tourne en farsi naturellement (langue qu’il ne parle pas). Et reconstitue, grâce à des experts en effets spéciaux, Téhéran à Rome.
Très classique dans sa forme, le film balaie plus de quarante ans d’oppression féminine en Iran.
MANAS (Brésil) - 2024
(1h41) de Mariana Brennand (1er film de fiction)
avec Jamillia Correa, Fátima Macedo, Rômulo Braga, Dira Paes, Emilly PantoJa, Samira Eloá, Enzo Maia, Gabriel Rodrigues, Ingrid Trigueiro, Clébia Souza, Nena Inoue, Rodrigo Garcia
La jeune Marcielle, surnommée Tielle, vit avec sa famille sur l’île de Marajó - qui pourrait ressembler à un paradis -, située dans le delta de l’Amazone. A treize ans, elle rêve de partir loin, comme sa grande sœur autrefois. Pour cela, elle accepte d’aller vendre des paniers de crevettes sur des barges, sur lesquelles travaillent des hommes, qui sont prêts à payer pour plus.
Venue du documentaire, Mariana Brennand, a fait plusieurs années de recherche autour de l’exploitation sexuelle des fillettes au nord du Brésil, ainsi que de la violence domestique. Elle nous dépeint le quotidien de Tielle, et nous fait comprendre la fatalité de naître femme dans cette région où l’inceste peut sembler banalisé même par les propres mères, qui ont, elles aussi, connu cela. Elle a choisi délibérément de ne pas nous montrer la violence, en laissant les ellipses faire leur travail. La jeune comédienne, Jamillia Correa, est d’une grande justesse dans le rôle de Tielle. Révéler au monde comment le patriarcat bafoue le droit des femmes est la première intention du film, la suite est à venir.
RUPESTRES (France) - 2024
(1h30) de Marc Azéma
Documentaire, avec Chloé Cruchaudet, Edmond Baudoin, Etienne Davodeau, Emmanuel Guibert, David Prudhomme, Pascal Rabaté, Jean-Marc Trouillet alias « Troubs » et Patricia Monniaux, Bertrand Defois
A l’origine, Les Rupestres ce sont six dessinateurs, scénaristes et coloristes de bande dessinée, auxquels on doit « Rupestres ! » - album sorti en 2011. A présent, ils sont sept artistes majeurs du 9ème art, dont une femme. Ils ont accepté d’être filmés lors de leur création collective ; à savoir peindre dans une petite grotte du Lot à la manière des hommes préhistoriques, nos premiers artistes des cavernes. A la manière seulement, pas dans les mêmes conditions, car ces créateurs, eux, ont utilisé des éclairages électriques, ou des lampes frontales. Habitués à un support défini, la feuille de dessin, ils vont devoir jouer sur les reliefs de la roche, se placer sur une vague et surfer. Comme un cadavre exquis, on passe ainsi de gisants, suivis de représentation de fœtus, en passant par une forêt…, en utilisant des pigments, des pinceaux, un brumisateur, et même une éponge Spontex (pour imiter l’usure du temps). A la place d’une signature, ils vont créer le premier photomaton pariétal ! Une expérience unique au résultat original, mais qui ne sera pas destinée à des visites, les photos de Rémi Flament sont à découvrir dans l’ouvrage « Pigments ».
SOME RAIN MUST FALL (USA/Chine) - 2024
(Kong fang jian li de nv ren) (1h38) de Qiu Yang
avec Yu Aier, Wei Yibo, Di Shike, Xu Tianyi, Gu Tingxiu, Qin Dan, Xu Yun, Cao Yuqiang
Auteur de plusieurs courts métrages, dont l’un a emporté la Palme d’Or du meilleur CM en 2017, le jeune réalisateur chinois, Qiu Yang, présente ici son premier long métrage. Il y décrit une famille de la nouvelle bourgeoisie chinoise, celle apparue avec l’essor économique du pays. Cai (Yu Aier), la quarantaine, issue de la classe moyenne, est une femme au foyer. Son quotidien est terne et sans avenir, son mariage bat de l’aile, sa fille l’ignore, et de surcroît, elle blesse accidentellement une femme âgée lors d’un match de basketball. Cet évènement, va l’obliger à sortir de sa langueur.
Un soin tout particulier est donné à l’image aux couleurs verdâtres, parfois bleutées ou encore ocres ; au cadre, utilisation du format 4/3, comme pour signifier le peu d’horizon de cette femme déjà éteinte. Le film est austère, rugueux, mais il s’y dégage un parfum d’espérance, grâce à la révélation de souvenirs enfouis.
ET AUSSI
AU FIL DE L’EAU (Belgique/Brésil/Afrique du Sud/Allemagne/Russie) - 2025
(0h41) de De Diek Grobler, Gil Alkabetz, Chantal Peten, Polina et Elizaveta Manokhina, Alois de Leo et Marcus Vinícius Vasconcelos
Animation, programme de cinq courts métrages, à partir de trois ans.
100 MILLIONS ! (France) - 2025
(1h36) de Nath Dumont
avec Kad Merad, Michèle Laroque, Martin Karmann, Jade-Rose Parker, Fatsah Bouhahmed, Guy Lecluyse
LES CONDES (France) - 2025
(1h28) de Nordine Sahli et Ryad Luc Montel
avec Nordine Salhi, Ichem Bougheraba, Arrillès Amrani, Moussa Maaskri, Salomé Granelli, Ted Etienne, Samba Saar, Soprano, Kenza Fortas
LES CONTES DE KOKKOLA, une trilogie finlandaise (Finlande) - 2024
(1h01) de Juho Kuosmanen
Trois contes finlandais, avec Jaana Paananen, Juha Hurme, Tomi Alatalo, Seppo Mattila, Outi Airola, Aku-Petteri Pahkamäki
COVAS DO BARROSO, Chronique d’une lutte collective) (Portugal/Uruguay) - 2024
(A savana e a montanha) (1h17) de Paulo Carneiro
Documentaire
DE LA GUERRE FROIDE A LA GUERRE VERTE (France/Italie/Suède) - 2024
(1h42) d’Anna Recalde Miranda
Documentaire
LAS DEMAS (Chili) - 2023
(1h21) d’Alexandra Hyland
Avec Nicole Sazo, Alicia Rodriguez, Sebastian Ayala, Maria Paz Grandjean, Paola Lattus, Eyal Meyer, Geraldine Neary, Alons Quintero
I AM GITMO (USA) - 2023
(2h) de Philippe Diaz
avec Sammy Sheik, Eric Pierpoint, Paul Kampf, Sean O’Bryan, Jason Reid, Kent Harper, Iyad Hajjaj, Nora Aramani, Caroline Harolsdon, Hamzah Saman, Adam Budron
NOVOCAINE (USA) - 2025
(1h49) de Dan Berk et Robert Olsen
avec Jack Quaid, Amber Midthunder, Ray Nicholson, Betty Gabriel, Matt Walsh, Lou Beatty Jr., Van Hengst, Conrad Kemp, Jacob Batalon
TARDES DE SOLEDAD (Espagne/France/Portugal) - 2024
(2h05) d’Albert Serra (1er documentaire)
Documentaire, portrait du torero Andrés Roca Rey
Véronique REGOUDY-BAZAIA