Eddy et Osman c’est une longue histoire. Les difficultés de la vie scellent une amitié inébranlable. C’est pourquoi ce matin, Osman attend son vieux pote à sa sortie de prison. Il le prévient que les emmerdes, les combines à deux sous, c’est fini. Désormais ils se tiendront tranquilles. Il est marié une petite fille et une femme gravement malade à l’hôpital, un boulot. Employé communal à Vevey au bord du Léman, il souhaite profiter de la vie au grand air, voilà tout. Eddy tente donc de la jouer père peinard, de s’occuper de la petite pendant que son ami bosse. Hélas, une triste nouvelle à la télévision, la mort de Charlie Chaplin, lance les rouages de ses neurones limite ébullition.
Monsieur a une super idée, demander de l’argent à un ami. Le Charlot imagine un plan simple, kidnapper le cercueil du mythe du muet Charlie Chaplin. Osman est réticent au début. Mais, devant les frais d’hospitalisation, lui qui jurait comme dans la fable que l’on ne l’y reprendrait plus, se laisse embarquer dans le « kidnapinge » de bois de chêne. Nos deux Pieds Nikelés, dignes d’un film de la grande époque du muet, ignorent qu’en jouant les apprentis kidnappeurs, ils entrent dans une spirale qui les attire au fond du gouffre de la connerie. Ils sont bien partis pour récolter l’Oscar de l’idée la plus naze du siècle. Et si, après tout, cela fonctionnait ? Finis les emmerdes, les notes de frais d’hôpital et bonjour la belle vie.
Xavier Beauvois se lance dans la comédie sociale à l’italienne, qui prenait peut-être racine dans le muet et plus particulièrement dans les films de Charlot. Il prend pour base une histoire vraie, celle de deux émigrés qui, au début 1978, volent le cercueil de Chaplin. L’histoire s’avère un prétexte à rendre hommage au mythe. Derrière l’intrigue nous retrouvons de nombreuses références, clins d’œil à l’œuvre du maitre. Les deux personnages, empruntent chacun une figure des films de Chaplin. Eddy et la petite fille renvoient au Kid, Osman et son dénuement renvoie au Charlot pauvre de La ruée vers l’or. Il habite, comme lui, une bicoque en bois. De la même façon, le film dès son ouverture s’amuse du clin d’œil. Osman change des Lumières dans la ville. C’est donc derrière le rire que se cache la réalité, les thèmes du film.
La présence du cirque, moment important où, comme Charlot, Benoit Poelvoorde joue les clowns dans un spectacle muet. C’est aussi le refuge, le rêve de Chaplin de jouer enfin les clowns. L’esprit du muet occupe une place importante. Nous le retrouvons dans les silences, certaines scènes à la manière du mime Marceau, l’une des sources d’inspiration de Chaplin. De la même façon, le regard sur une tranche de la société rejetée, démunie, placée en marge hante le cinéma de Chaplin et La rançon de la gloire. Une fois de plus, Charlot, malgré lui aide deux âmes perdues à retrouver le sens de l’existence.
La musique de Michel Legrand apporte un vrai plus. Comme dans le cinéma muet, elle devient un personnage. Elle renvoie peut-être aussi, avec la présence de Chiara Mastroiani, au cinéma de Jacques Demy. Nous la retrouvons à la télévision avec un extrait des Demoiselles de Rochefort et de nombreux extraits des films de Charlot. Xavier Beauvois traque plus l’esprit de Chaplin que des reprises de scènes célèbres. C’est dans l’atmosphère, cette tendresse sur les personnages, les méchants sortis de l’univers du muet à la fois sympathiques, pas si mauvais bougres, plus victimes d’une mauvaise farce.
Osman et Eddy, bien campés par Roschdy Zem et Benoit Poelvoorde sont autant victimes du système qui les pousse à l’extrême, à la pire des solutions, la plus folle. Ils n’arrivent pas à trouver leur place dans la société, toujours à côté, ils manquent souvent le coche pour une vie sans embrouille. La rançon de la gloire représente le film le plus léger de l’auteur, une pause avant de revenir à ce qui a fait son succès. Il pourra sembler plus convenu, mais ne reste pas moins un bel hommage à l’une de ses sources d’inspiration, et au septième art. Il faut le prendre comme un conte léger le soir à la veillée.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : La Rançon de la gloire
Réalisation : Xavier Beauvois
Scénario : Xavier Beauvois et Étienne Comar
Costumes : Françoise Nicolet
Montage : Marie-Julie Maille
Musique : Michel Legrand
Photographie : Caroline Champetier
Son : Jean-Jacques Ferrand
Production : Pascal Caucheteux
Sociétés de production : Why Not Productions, Arches Films, les Films du Fleuve, Rita Productions et Why Not Productions
Sociétés de distribution : Wild Bunch (France)
Pays d’origine : France
Langue : français
Durée : 114 minutes
Genre : comédie dramatique
Dates de sortie :
Italie : 28 août 2014 (Mostra de Venise 2014)
France : 7 janvier 2015
Distribution
Roschdy Zem : Osman Bricha
Benoît Poelvoorde : Eddy Ricaart
Chiara Mastroianni : Rosa
Peter Coyote : John Crooker
Nadine Labaki : Noor
Xavier Maly : L'inspecteur Maltaverne
Louis-Do de Lencquesaing : L'avocat
Marilyne Canto : La secrétaire médicale
Eugène Chaplin : L'intendant du cirque
Dolores Chaplin : Mademoiselle Chaplin
Arthur Beauvois : Le jeune inspecteur
Adel Bencherif : Le collègue d'Osman
Olivier Rabourdin : Le médecin
Philippe Laudenbach : Le procureur