Est-ce que le cinéma peut changer les choses ? Est-ce que les films nous transforment, nous aident à franchir les obstacles de la vie ? C'est une question récurrente que tout réalisateur se pose un jour ou l'autre. C'est bien le cinéma et le choc d'une séquence, catastrophe ferroviaire, qui éveille les sens d'un jeune garçon dans sa quête. C'est bien l'apprentissage dans le désert de Phoenix, premiers pas, premières histoires, qui confirment le désir. C'est le pouvoir de l'image et ce qu'elle dévoile dans le décor qui brise l'envol du phénix. Quand il a sa table de montage, il découvre un secret de famille. C'est encore le cinéma qui devient une arme contre la bêtise des années lycées quand Sammy, jeune adolescent, filme la journée d'intégration. Cette dernière est aussi la métaphore d'une œuvre qui cache bien plus de choses, sous les apparences d'un cinéma populaire générant souvent des blockbusters.
Le talent du réalisateur, comme d'autres avant lui, est de transformer une histoire anodine, voire banale, en une quête du graal. The Fabelmans nous raconte l'histoire en trois étapes d'un enfant, devenu adolescent et de sa passion pour le cinéma. Derrière cette trajectoire, nous retrouvons les thématiques d'une œuvre, les rapports chaotiques au père, la figure de la mère artiste, rebelle, le mythe et la féérie, le pouvoir de la magie de l'enfance, et bien d'autres encore. The Fabelmans nous rappelle combien les histoires simples sont souvent plus complexes qu’il n’y parait et nous livrent bien plus d'éléments sur notre rapport au monde. Il nous permet de relire non seulement les films marquants, de divertissement : ET, Rencontres du troisième Type, Duel, Les dents de la mer, Indiana Jones historiques : La couleur pourpre, L'Empire du soleil mésestimé, La Liste de Schindler, Lincoln, plus intimes : Le Terminal, The Fabelmans.
Tous ces films nous en disent beaucoup sur notre société, sur la famille, sur le pouvoir de nos rêves, la volonté de réussir sa quête, la vie. Derrière les apparences, un cinéma de divertissement, nous nous apercevons qu'il se cache bien plus de complexité. Il nous dit que le cinéma de Spielberg n'est peut-être pas si classique, dans sa forme, que le pensent certains. Le symbole, la féérie, le mythe, la famille nous renvoient à la quête du groupe et de l'individu, dans une mise en scène plus fouillée que le premier regard ne le laisse supposer. C'est un peu comme si nous regardions le doigt qui montre la lune, en oubliant l'essentiel. En cela, la dernière séquence, la confrontation avec un monstre du cinéma, John Ford, lui aussi cachant derrière ses westerns beaucoup de choses, nous en dit bien plus sur l'Amérique, le monde et nous-mêmes.
Patrick Van Langhenhoven