La Palme d’Or du 76^ème Festival de Cannes a été décernée 

au film « Anatomie d’une chute »

de la réalisatrice française Justine Triet,

samedi 27 mai 2023.

Le 76^ème Festival de Cannes, présidé par le réalisateur suédois Ruben Ostlund (lauréat l’an passé de sa deuxième Palme d’Or), s’est ouvert mardi 16 mai. Il s’est achevé par la cérémonie de clôture, retransmise en direct sur France 2 et suivie par plus de 3,16 millions de téléspectateurs (d’après Médiamétrie), samedi 27 mai.

Quelque deux mille films ont été visionnés, vingt-et-un retenus en Compétition Officielle et in fine sept films seront primés. Un palmarès sobre comparé aux années précédentes offrant des prix ex aequo ou créant des prix spéciaux. Un seul film concourait pour la Caméra d’Or.

Le jury était composé, comme à son habitude maintenant, de quatre femmes, quatre hommes et un président.

Quatorze réalisateurs étaient en compétition, pour sept réalisatrices (Kaouther Ben Hania, Catherine Breillat, Catherine Corsini, Jessica Haussner, Ramata-Toulaye Sy, Alice Rohrwacher et Justine Triet). Nous sommes encore loin de la parité, mais c’est déjà deux réalisatrices de plus qu’en 2022.

La moyenne d’âge pour l’ensemble des cinéastes en compétition est de : 60,14 ans (réalisateurs : 64,64 ans et réalisatrices : 51,14 ans).

La benjamine Ramata-Toulaye Sy, âgée de 36 ans est sélectionnée pour la première fois en compétition pour son film Banel et Adama. 50 ans exactement les séparent du doyen Ken Loach, qui sortait, l’année de la naissance de la réalisatrice franco-sénégalaise, Fatherlands. Son premier film, Kes, est sorti le 1^er mai 1970 sous la présidence de Georges Pompidou !

Deux films dépassent la durée de 3 heures, le documentaire du réalisateur chinois Wang Bing, Jeunesse(3h32) et Les herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan (3h17).

L’Italie est particulièrement bien représentée avec trois générations de cinéastes (Bellocchio, Moretti et Rohrwacher), malgré le bon accueil des films, ils ne seront pas au palmarès. Pas plus que Ken Loach (deux fois palmé), ni Todd Haynes.

Le festival a été endeuillé par la disparition de Martin Amis. Le romancier britannique décède à 73 ans en Floride, le jour même de la projection de The zone of interest, le 19 mai. Il est l’auteur du roman dont est tiré le film de Jonathan Glazer, présenté en Compétition Officielle, qui a reçu le Grand Prix.

Retour en Abécédaire

A : comme Aki. Aki Kaurismäki, obtient le Prix du Jury pour son film Les feuilles mortes (en référence aux Feuilles mortes de Jacques Prévert). Le film est annoncé comme le quatrième film d’une trilogie ! Habitué de la Croisette, le réalisateur finlandais avait déjà obtenu le Grand Prix du Jury pour L’homme sans passé en 2002. Kati Outinen avait, quant à elle, décroché le prix d’Interprétation Féminine. Désormais, un même film ne peut recevoir deux prix.

Les deux interprètes, Alma Pöysti et Jussi Vatanen, montent sur scène en son nom pour recevoir la récompense.

B : comme bus. Comme en 2021, pour The French Dispatch, un autobus a été spécialement affrété pour déposer toute l’équipe du film Asteroid City de Wes Anderson au pied du tapis rouge, le 23 mai. Le réalisateur descend le premier, il présente ce soir son 12^ème film.

Parmi les acteurs présents figurent entre autre Tom Hanks et son épouse Rita Wilson, Scarlett Johansson, Adrian Brody, Jason Schwartzman, Bryan Cranston, Jeffrey Wright, Matt Dillon, Steve Carell, Hope Davis, Rupert Friend, Maya Hawke ainsi que les français Damien Bonnard et le compositeur de musique Alexandre Desplat. Excusez du peu !

C : comme Caméra d’Or. Le jury, présidé par l’actrice française Anaïs Demoustier, a décerné la Caméra d’or au réalisateur vietnamien Thien An Pham pour L’arbre aux papillons. Ce premier long métrage de 2 h 58 sortira le 13 septembre 2023.

22 premiers films concouraient pour ce prix.

D : comme Douglas. Michael Douglas reçoit une Palme d’Or d’Honneur pour l’ensemble de sa carrière, lors de la soirée d’ouverture, mardi 16 mai. Ce prix, qui couronne 55 ans de carrière, a été remis par l’actrice américaine Uma Thurman.

D : comme Deneuve. C’est à Catherine Deneuve que revient l’honneur de déclarer ouvert le 76^ème festival. Elle est également présente sur l’affiche. La photo en N&B est tirée du film d’Alain Cavalier, La chamade, sorti en 1968. Elle a joué dans deux films ayant obtenus la Palme d’Or (Les parapluies de Cherbourg (1964) de Jacques Demy et Dancer in the Dark (2000) de Lars Von Trier).

Sa fille, l’actrice Chiara Mastroianni est la maîtresse de cérémonie pour l’ouverture et la clôture.

Sa petite fille, Anna Biolay, joue dans Rosalie, film sélectionné dans la sélection parallèle Un Certain Regard, dans lequel elle donne la réplique à son père Benjamin Biolay.

E : comme enlèvement. L’enlèvement de Marco Bellochio est adapté d’un livre qui l’avait particulièrement touché. L’histoire d’un jeune garçon juif arraché à sa famille par la très Sainte Eglise catholique, car baptisé à l’insu de ses parents. Ce n’est pas un film pour condamner le Pape Pie IX mais contre l’intolérance, déclare le réalisateur. Il ajoute que Steven Spielberg lui-même s’est intéressé à cette histoire, qui s’est déroulée dans l’Italie du XIXème siècle, mais le projet n’a pas vu le jour.

Marco Bellochio perpétue un certain cinéma italien qui a fait la gloire des années 70 en suivant les pas de Paolo et Vittorio Taviani (Padre Padrone), Ermano Olmi (L’arbre aux sabots)…

F : comme Ford. A 80 ans, Harrison Ford reçoit des mains de Thierry Frémeaux une Palme d’Or d’Honneur, jeudi 18 mai. Il est venu présenter le cinquième et dernier chapitre des aventures du plus célèbre archéologue du cinéma. Indiana Jones et le cadran de la destinée de James Mangold sortira le 28 juin en salles. Séquence émotion !

G : comme Goldman. Le procès Goldman de Cédric Khan fait l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes. On y retrouve Arieh Worthaler dans le rôle de Pierre Goldman et à ses côtés le scénariste/réalisateur Arthur Harari dans celui de Maître Kiejman. Arthur Harari, compagnon à la ville de Justine Triet, joue aussi dans Anatomie d’une chute, également film procès.

H : comme Hüller. La comédienne allemande, Sandra Hüller, peut s’enorgueillir d’avoir joué d’une part dans le fim ayant obtenu la Palme d’Or (Anatomie d’une chute de Justine Triet, qui l’avait déjà dirigée dans Sybil, présenté en Compétition Officielle à Cannes en 2019) et d’autre part dans celui ayant obtenu le Grand Prix, The zone of interest de Jonathan Glazer.

De ce fait, elle a certainement manqué le prix d’interprétation féminine.

Le public cannois l’avait découverte en Sélection Officielle dans Toni Erdmann de Maren Ade en 2016.

I : comme If. If only I could hibernate (Si seulement je pouvais hiberner), le film de Zoljargal Purevdash marque la première présence en Sélection Officielle à Cannes (Un Certain Regard) d’un film mongol. C’est une coproduction avec le Qatar, la France et la Suisse. Le film sortira en fin d’année.

J : comme Jury Œcuménique. Le 49^ème prix du Jury Œcuménique, présidé par Nestor Briceno, a été attribué au film de Wim Wenders Perfect days. Une mention spéciale a été décernée à Ken Loach pour The old oak.

K : comme Knobloch. L’an passé, Iris Knobloch, l’ancienne présidente de Warner Bros. France, a été nommée présidente du Festival de Cannes pour succéder à Pierre Lescure. Elle a pris ses fonctions cette année. Il aura fallu attendre soixante-seize éditions pour trouver une femme à la présidence du plus grand festival de cinéma du monde.

L : comme Lawrence. Jennifer Lawrence est venue présenter un documentaire qu’elle a elle-même produit, Bread and roses. Le film réalisé par Sahra Mani est présenté en Séance Spéciale.

Elle a foulé le tapis rouge dimanche 21 mai, vêtue d’une somptueuse robe rouge d’un grand couturier, pour la présentation d’Anatomie d’une chute. Ce n’est qu’à l’issue du film, en redescendant les marches, que des photographes ont surpris l’actrice américaine portant des tongs noires. Un vrai pied de nez au code vestimentaire strict qui régnait il y a quelques années obligeant les femmes à porter des talons hauts, sous peine de se voir refuser l’accès au Grand Auditorium Louis Lumière.

En 2016, déjà, Julia Roberts avait choisi de gravir les marches pieds nus. En 2018, c’est au tour de Kristen Stewart d’ôter ses escarpins en signe de protestation à ce code vestimentaire ! Et encore avant elles, Nicole Kidman, Sharon Stone, Vanessa Paradis…

Baskets et tongs sont toujours interdites par le protocole !

M : comme May December. Le titre est tiré d’une expression qui signifie la relation entre une personne jeune et une personne plus âgée. Autrement dit « lui au printemps, elle en hiver », comme aurait chanté Serge Reggiani. Le réalisateur américain Todd Hayes précise comme chez vous avec la famille Macron ! Rires dans la salle de la conférence de presse.

N : comme Nuray. Nuray est le nom du personnage incarné par la comédienne Merve Dizdar, dans le film du réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan Les herbes sèches. Elle obtient grâce à ce rôle le Prix d’Interprétation Féminine.

Nuri Bilge Ceylan, lui aussi un fidèle de la Croisette, a remporté la Palme d’Or en 2014 pour Winter Sleep.

O : comme odeur. L’odeur de la papaye verte nous a fait découvrir Tran Anh Hung en 1993 (Caméra d’Or et César de la Première Œuvre). Le cinéaste franco-vietnamien reçoit le Prix de la Mise en Scène pour La passion de Dodin Bouffant. Le film réunit Benoît Magimel et Juliette Binoche, couple à la ville autrefois ; ainsi que Pierre Gagnaire, le célèbre chef cuisinier français.

P : comme Palm Dog. La récompense du meilleur chien a été attribuée au border collier, Messi, pour son rôle de Snoop dans Anatomie d’une chute de Justine Triet.

Le Grand Prix du Jury, quant à lui, est revenu au chien Chaplin dans Les feuilles mortes d’Aki Kaurismäki.

P : comme peul. Banel et Adama, film réalisé par la benjamine de cette sélection, Ramata-Toulaye Sy (36 ans), a été entièrement tourné dans la langue peule, dans le nord du Sénégal.

Q : comme Queer. Le jury de La Queer Palm, présidé par le réalisateur américain John Cameron Mitchell, a décerné son prix à Monster d’Hirokazu Kore-eda (film qui concourait en Compétition Officielle). Le réalisateur japonais était déjà présent en Compétition Officielle en 2022 avec Les bonnes étoiles, film pour lequel son comédien sud-coréen, Song Kang-ho avait reçu le Prix d’Interprétation Masculine.

R : comme Rosalie. Le film de Stéphanie Di Giusto raconte l’histoire d’une femme à barbe au XIXème siècle. On y retrouve Nadia Teresziekiewicz (César du meilleur espoir féminin 2023), Benoît Magimel (présent dans trois films cette année à Cannes) et Benjamin Biolay. C’était également la première montée des marches de la jeune Anna Biolay, âgée tout juste de 20 ans (fille de Benjamin et de Chiara Mastroianni et petite fille de Catherine Deneuve). Victime de notre époque, la jeune fille est injustement taclée sur les réseaux sociaux et rejoint, malgré elle, le cercle des nepo babies (comprenez : enfants du népotisme), qui vise d’ailleurs plus les filles de… que les fils de…

S : comme Sala. Le jeune acteur Enea Sala n’a que huit ans lorsqu’il tourne dans L’enlèvement de Marco Bellochio. Il joue Edgardo Mortara, enfant de 7 ans, arraché à sa famille. L’histoire est vraie et s’est déroulée en 1858 dans le quartier juif de Bologne. Malgré son jeune âge, Enea Sala est bouleversant dans son rôle.

T : comme Triet. A 44 ans, la réalisatrice française, Justine Triet, obtient la Palme d’Or pour Anatomie d’une chute. C’est la 10^ème Palme d’Or française et la deuxième obtenue par une réalisatrice française.

Jane Fonda lui remet la récompense suprême. Justine Triet profite de la tribune qu’il lui est offerte pour évoquer le passage en force de la réforme des retraites, l’exception culturelle française sans laquelle elle ne serait pas là ce soir. Une exception culturelle en danger, précise-t-elle. Son discours de remerciements crée la polémique.

U : comme Un Certain Regard. Le jury de cette section parallèle, présidé par l’acteur américain John C. Reilly, a décerné le prix Un Certain Regard au film How to have sex de Molly Manning Walker. Le film était également en compétition pour la Caméra d’Or.

Alex Lutz clôture cette sélection avec son nouveau film Une nuit.

V : comme Val Abraham. 2023 marque le 30^ème anniversaire de la sortie du film de Manoel De Oliveira, Val Abraham, le 1er septembre 1993. La Quinzaine - devenue Quinzaine des Cinéastes (en place de Réalisateurs, titre qui excluait les réalisatrices) - a choisi, pour son affiche, une photo du film représentant l’actrice portugaise Leonor Silveira.

W : comme Wenders. Wim Wenders présentait deux films cette année, Perfect days en Sélection Officielle et un documentaire en 3D, Anselm (Le bruit du temps) présenté en Séance Spéciale ; Le film revient sur l’œuvre d’Anselm Kiefer et sur son parcours créatif. 

Wim Wenders a obtenu la Palme d’Or pour Paris, Texas en 1984, le Prix de la Mise en Scène pour Les ailes du désir en 1987 et Le Grand Prix du Jury pour Si loin, si proche en 1993 !

Il a gravi le tapis rouge jeudi 25 mai, en redingote noire et lavallière.

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Y : comme Yakusho. L’acteur japonais Koji Yakusho décroche le prix d’Interprétation Masculine pour son rôle dans le film de Wim Wenders, Perfect days, dans lequel il travaille à l’entretien des toilettes publiques à Tokyo. Il a joué dans L’anguille de Shôhei Imamura, Palme d’Or 1997.

Z : comme Zone. The zone of interest du réalisateur britannique Jonathan Glazer décroche le Grand Prix. Il décrit le quotidien de Rudolf Höss (en charge du génocide des Juifs d’Europe) et de son épouse Hedwig, dans leur maison située juste à côté du camp d’Auschwitz, jouissant de tout le confort possible et du bonheur familial.

Véronique Regoudy-Bazaia