« Pour qu'une vision te visite, le courage ne suffit pas, ni la volonté, ni la force. » Contes Impatients, la vision Henri Gougaud Albin Michel 2023.
Au cœur de la grande prairie, là où le vent courait comme un troupeau de bisons, deux vies s'entremêlent pour toucher un rêve qui n'est peut-être pas le leur. Ils appartiennent à la tribu Oglala Lakota et vivent dans la réserve indienne de Pine Ridge dans le Dakota du Sud. Bill exerce différents petits boulots et espère toucher le gros lot avec un élevage de caniches. Il tente de régler ses problèmes sentimentaux, mais les femmes de la tribu ne s'en laissent pas conter. Il finit par travailler pour un Blanc et son élevage de dindes. Bill aimerait s'emparer du rêve américain pour vivre comme les Blancs. Matho voudrait devenir un homme pour plaire à son jeune père. La mort de ce dernier le laisse abandonné, fuyant, vivant de petits trafics. Il finit par prendre des chemins qui deviennent des impasses et le conduisent à s'interroger sur ce qu'il veut devenir. Ces deux vies vont se perdre dans les méandres du rêve, croire toucher l'infini et ne porter que le vide. Elles finiront par se rencontrer après de nombreuses intersections, se croisant sans se voir.
« Il y faut de l'humilité, de la patience, et du respect. Ta quête n'a pas été vaine, elle t'a appris au moins cela » Contes Impatients, la vision Henri Gougaud Albin Michel 2023.
Riley Keough, petite fille d'un mythe du rock et Gina Gammell choisissent de s'intéresser à la culture amérindienne dans un récit initiatique universel. War Pony touche toutes les cultures dans cette errance pour survivre et trouver son chemin. Deux vies marchent sur le sentier et finissent par se rencontrer. Elles sont en quête de sentiments, de reconnaissance, de respect et pour Bill, du rêve américain. Ces notions appartiennent non seulement à toutes les cultures du monde des Oglala mais aussi aux gamins et filles des banlieues. Ce sont les nombreux choix que place la vie sur notre chemin pour faire de nous des êtres accomplis. Bill, un peu séducteur, doit faire face à ses femmes et ses deux enfants. Elles semblent plus solides, plus sûres de leur destin. Il finit par trouver un caniche et imagine déjà faire fortune. Bill est un jeune homme courageux, plein de volonté, mais cela ne suffit pas.
Les Blancs n'ont pas le beau rôle. Profiteurs, racistes, ils sont déjà perdus aux yeux de la terre mère. Dans le vent de la plaine, ils ont oublié l'essentiel, l'humilité et le respect de l'autre. Matho est un enfant qui doit survivre dans un monde dont il comprend très vite les dessous sombres. Il erre avec les autres gamins, profitant des opportunités qui finiront par les porter au bord du chaos. Les petits trafics, les drogues, l'alcool sont déjà les chaines qu'ils porteront adultes. En bout de course, Matho finit par s'endormir sur un canapé, hanté comme Bill par la vision d'un bison, rassuré par le foyer. C'est un film social avec un soupçon d'onirisme, le bison rappelant les origines du peuple Lakota et des Amérindiens, premiers habitants de l'Amérique. Ils sont confrontés à deux visions du monde. C'est celle de notre société sans racines, perdue dans le cœur du dieu argent. Le rêve américain des pionniers est bien loin, comme celui des premiers peuples. Il nous manque le rêve, l'harmonie, la capacité à ressentir et non conquérir la vie et le monde. C'est en cela que le récit est universel.
Même si Riley Keough et Gina Gammell n'appartiennent pas au premier peuple, leur film s'inscrit dans le cinéma amérindien. C'est peut-être aussi pour cette raison que la tradition est peu présente, en filigrane, à travers les adultes et les femmes gardiennes de celle-ci. Dans de nombreux films, ce chemin désespérant se termine par la prise de conscience des origines et des traditions conduisant à l'éveil. C'est le seul moyen d'échapper à la folie des hommes blancs, l’idée de revenir au premier souffle. C'est une vision juste d'un génocide orchestré depuis le début par des armes sournoises, la drogue et l'alcool. C'est un fléau qui touche une grande partie du peuple amérindien et qui semble s'inverser avec la prise de conscience d'appartenir à autre chose de plus grand. C'est une première mise en scène, plutôt réussie, dans la veine d'un cinéma touchant à la réalité, portée par deux acteurs remarquables non professionnels, comme une bonne partie du casting. Les deux réalisatrices savent jouer de l'espace et des lieux particuliers, loin des tipis, pour créer une atmosphère parfois anxiogène, et nihiliste au départ. C'est notre coup de cœur de cette semaine parce que nous aimons le cinéma amérindien et parce que revenir à l'essentiel nous paraît encore plus indispensable dans le climat actuel.
Patrick Van Langhenhoven
Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :
Titre original : War Pony
Titre alternatif : Beast
Réalisation : Riley Keough et Gina Gammell
Scénario : Riley Keough, Gina Gammell, Bill Reddy et Franklin Sioux Bob
Musique : Christopher Stracey et Mato Wayuhi
Direction artistique : Dan Branciforti
Décors : Scott Dougan et Terry Watson
Costumes : Miyako Bellizzi
Montage : Afonso Gonçalves et Eduardo Serrano
Photographie : David Gallego
Production : Val Abel, Sacha Ben Harroche, Bear Damen, Salim El Arja, Gina Gammell, Bert Hamelinck, Riley Keough, Michael Manasseri, Sergey Shtern, Elaine Thomas, Willi White et Ryan Zacarias
Production déléguée : Dickey Abedon, James Atherton, David Bishop, Jonas Carpignano, Michael Clofine, Walter S. Hall, Ben Kahn, Vanessa McCLean, Jan Pace, Pte Cante Win Poor Bear, Dan Reiner, Michael Sagol, Daniel Sbrega, Stella Schnabel, Valeria Steinberg, Jacob Tierney et Todd Traina
Sociétés de production : Caviar, Centauri, Felix Culpa, Kaleidoscope Entertainment, Protagonist Pictures, Quickfire Films et Ward Four
Sociétés de distribution : Momentum Pictures (États-Unis), Picturehouse Cinemas (Royaume-Uni) ; Les Films du losange (France)
Pays de production : Drapeau des États-Unis États-Unis / Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Langue originale : anglais
Format : couleur
Durée : 115 minutes
Genre : drame
Dates de sortie : 21 mai 2022 (festival de Cannes - Un certain regard) 48 Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022 10 mai 2023
Classification : France : Tout public avec avertissement lors de sa sortie en salles.
Distribution Jojo Bapteise Whiting : Bill
LaDainian Crazy Thunder : Matho
Ashley Shelton : Allison
Robert Stover : Colton
Jesse Schmockel : Echo
Sprague Hollander : Tim
Wilma Colhoff
Iona Red Bear
Woodrow Lone Elk
Ta-Yammi Long Black Cat
Jeremy Corbin Cottier
Récompenses Festival de Cannes 2022 — en compétition dans la section Un certain regard : Caméra d'or2
48 Festival de Deauville 2022 — sélection officielle :
Prix du jury
Prix de la révélation