Irène est amoureuse. Elle parcourt les rues de Paris, traverse le parc du Luxembourg désert sous un air de printemps. Irène veut devenir comédienne et se prépare à passer son concours pour se lancer dans la carrière. Paris s’éclabousse de l’insouciance d’Irène, passagère ordinaire d’un monde qui ne l’est pas. Irène, c’est peut-être hier, aujourd’hui, demain ! Elle parle théâtre avec ses camarades, s’essaye aux mots des poètes et dramaturges. Le temps semble figé dans un espace qui ne retrouvera sa marche qu’à la fin de l’errance. Irène est juive. Seule sa présence au sein de la famille marque sa judaïté. Irène est une jeune fille amoureuse qui veut devenir comédienne. Irène semble ignorer qu’autour d’elle, la Bête occupe la ville. Que le pas des bottes étouffera sa joie de vivre quand il sera trop tard pour voir la réalité.
C’est une première réalisation au parti-pris d’une mise en scène minimaliste par la comédienne Sandrine Kiberlain. Le film marque l’insouciance de la jeunesse qui ignore le monde extérieur. C’est le temps de l’amour et des copains, celui de l’apprentissage et du théâtre pour Irène. Le voyage est une ronde, une valse à mille temps qui joue la cadence lente des jours heureux. Irène traverse le parc vide, sa robe bleue flotte dans le vent, les arbres caressent le monde, tout va bien. Irène découvre l’amour. Son cœur s’emballe, palpite pour un garçon et chantonne une autre romance. Elle retrouve ses camarades de théâtre, se sait un brillant avenir sur les planches. Irène est dans une bulle, tout va bien. On va ainsi de la maison familiale aux cours de théâtre, dans une unité de lieu presque constante.
À la maison, on marque son identité juive et son respect de la loi. On est français, on ne craint rien. C’est juste une vérification de papiers. La grand-mère semble la plus raisonnable et est la seule à comprendre que l’hiver s’annonce. Irène retourne dans sa valse des beaux jours, celle de l’insouciance. La dernière image nous révèlera enfin, par le bout d’un manteau de cuir, que ce temps s’achève. Il n’y aura pas de scène, pas de rires sous les marronniers du Luxembourg, pas de baisers volés. Il n’y aura qu’un train en partance pour l’oubli. À travers ce portrait intemporel, Sandrine Kiberlain s’attache à nous montrer une jeune fille inconsciente de l’horreur de l’époque. Elle gomme volontairement toute présence ténébreuse de l’occupant nazi. Irène ne semble pas voir que le monde bascule dans une tempête fracassante. C’est avec délicatesse et justesse que la réalisatrice saisit le bonheur de vivre de cette jeune fille.
Elle est aidée par Rebecca Marder, impressionnante dans le rôle d’Irène. Par petites touches, l’époque s’invite dans le récit, le père et une question de papiers et la grand-mère. Et c’est bien ce qui nous gêne, le manque de contraste entre bonheurs, joie de vivre, et le cœur de l’Occupation. À notre avis, plus marquée, la présence menaçante renforcerait le récit. C’est un choix de Sandrine Kiberlain que l’on comprend. Elle joue la carte des sentiments qui s’envolent vers le ciel pour finir abattus par un aigle noir. C’est dommage. La majorité des spectateurs lâche prise et ne voit qu’une amoureuse. Nous pensons que jouer sur le son, par exemple, renforcerait ce contraste. C’est malgré tout un premier pas de réalisatrice intéressant, car il ose proposer autre chose.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Une jeune fille qui va bien
Réalisation et scénario : Sandrine Kiberlain
Musique : Marc Marder et Patrick Desreumaux2
Décors : Katia Wyszkop
Costumes : Emmanuelle Youchnovski4
Photographie : Guillaume Schiffman
Son : Jean-Pierre Duret
Montage : François Gédigier
Production : Olivier Delbosc et Pauline Duhault
Sociétés de production : Curiosa Films et E.D.I. Films ; France 3 Cinéma (coproduction)
Société de distribution : Ad Vitam Distribution
Budget : 2,972 millions d'euros5
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : drame historique
Durée : 98 minutes
Dates de sortie : 8 juillet 2021 (avant-première mondiale au festival de Cannes) 26 janvier 2022
Distribution
Rebecca Marder : Irène
André Marcon : André, le père
Anthony Bajon : Igor, le frère
Françoise Widhoff : Marceline, la grand-mère
India Hair : Viviane, l'amie d'Irène
Florence Viala : Josiane, la voisine
Ben Attal : Jo
Cyril Metzger : Jacques
Jean Chevalier : Gilbert