Joachim Lafosse s'inspire de l'affaire Hissel, l'avocat des parents de Julie et Melissa, les petites filles victimes de Marc Dutroux. Il compose une fiction sur la honte et la culpabilité dans une mécanique froide et sans appel. Comme toujours, la famille est au cœur du récit, sans espoir, cette fois, de résilience. Il ne peut rester que le vide profond que le silence aura creusé pendant toutes ces années. Emmanuelle Devos incarne avec justesse et grand talent ce témoin silencieux. Est-ce par lâcheté, pour couvrir l'homme qu'elle a aimé avant ? Les questions se bousculent et chacun trouvera ses réponses. Daniel Auteuil est remarquable dans un rôle difficile, tout en économie. Il est ce prédateur embusqué depuis si longtemps que la foule finit par voir en son sein. Il a les mots justes pour expliquer son personnage : « Je vais tenter de faire vivre le personnage avant tout jugement. Je peux le jouer parce qu’à mes yeux, la perversion est un mécanisme de défense - c’est le pire mais c’en est un. François est un homme qui se débat pour qu’on ne sache pas. C’est un homme qui ne peut regarder la vérité sans quoi il s’effondrerait ».
Peu à peu, les gestes cachés, la mémoire muette, les rapports des uns et des autres, démasquent une vérité qui hurlait au plus profond de l'âme. Comment vivre avec un poids aussi lourd sur la conscience ? Il devient impossible d'en sortir indemne. Il devient impossible de revenir aux jours lumineux du bonheur. Peu à peu, la vérité ronge ce couple et cause des dommages collatéraux sur les enfants. Le plus jeune ne s'en sortira pas sans conséquence, sans un traumatisme difficile à surmonter. Caroline, la fille, prend la forme d'une conscience qui ne peut plus se cacher, et pousse sa mère à dire l'indicible. C'est une autre exploration du cercle familial face à la tempête qui, cette fois, ne s'en sortira pas positivement. Joaquim Lafosse décrit un long cheminement sans appel qui, peu à peu, conduit à une fin que ne l'on n'imaginait pas. Le film compose une trame particulière de flash-back qui, au départ, cache un objet obscur, une ambiguïté portée à son comble.
Le spectateur cherche une porte de sortie sans jamais la trouver, comme les victimes de ce silence, prisonniers incapables de le briser. Il finit par enfanter un chaos quand peu à peu les morceaux de vérité se dévoilent. Les lieux, la maison, les petits pavillons alentour, sont à l'image de cette bourgeoisie de province longtemps décrite par Claude Chabrol. C'est un monde refermé sur lui-même, souvent porté par la religion. La lumière occupe une place importante avec ce clair-obscur qui marque à chaque fois, un passage, un morceau de vérité apparaissant entre nuit et lumière. Un silence affirme la spécificité, le style particulier de Joachim Lafosse qui explore une nouvelle question bien plus sombre de l'humanité à travers la famille.
Patrick Van Langhenhoven
Note du support : n/a
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Titre original : Un silence
Réalisation : Joachim Lafosse
Scénario : Joachim Lafosse, Thomas van Zuylen, Sarah Chiche, Matthieu Reynaert, Valérie Graeven, Chloé Duponchelle et Paul Ismael
Musique : Olafur Arnalds
Décors : Anna Falguères
Costumes : Isabel van Renterghem et Judith de Luze
Photographie : Jean-François Hensgens
Son : Alain Goniva
Montage : Damien Keyeux
Production : Aton Iffland Stettner, Eva Kuperman, Jani Thiltges, Antonino Lombardo, Régine Vial et Alexis Dantec
Sociétés de production : Les Films du Losange, Prime Time, RTBF, Proximus, Stenola Productions, Samsa Film, Voo et France 3 Cinéma
Société de distribution : Les Films du Losange
Budget : 1,8 million d'euros
Pays de production : France et Belgique
Langue originale : français
Genre : Drame
Durée : 99 minutes
Dates de sortie : 10 janvier 2024
Distribution Daniel Auteuil : François Schaar
Emmanuelle Devos : Astrid Schaar, l'épouse de François
Matthieu Galoux : Raphaël Schaar, le fils adoptif
Jeanne Cherhal : le commissaire Colin
Louise Chevillotte : Caroline, la fille de François et d'Astrid
Nicolas Buysse : Gillet
Karim Barras : Barras
Larisa Faber : Christelle Guérin, mère de victime défendue par François
Baptiste Sornin : Étienne Guérin, père de victime défendu par François
Shann Case : Shan, un ami de Raphaël
Massimo Riggi : le journaliste 1
Colette Kieffer : la journaliste 2
Elsa Rauchs : la journaliste 3
Jonas Wertz : le journaliste 4
Ismaël Michiels : Ismaël
Damien Bonnard : Pierre, victime de François
Magali Pinglaut : l'avocate de François Schaar
Laure Hemmer : la bâtonnière
Raphaëlle Bruneau : Madame Sautiaux