“Parce que c’était lui ; parce que c’était moi” Montaigne.
Renzo Nervi est un des derniers artistes intègres, de ceux que l'on n'achète pas. En un mot, il n'en fait qu'à sa tête. C'est sans doute l'apanage des génies. Depuis un moment, le maestro ne produit plus de chef-d’œuvre. Il semble stagner, l'inspiration fulgurante ne lui vient plus. Sa dernière exposition se solde par aucune vente. Pourtant, le galeriste Arthur croit encore au retour du talent perdu, malgré tous les mauvais coups du sort que son ami ne manque pas de lui occasionner. C'est un sabordage de trop qui met le feu aux poudres. Arthur jette l'éponge, suite à une commande sans saveur et déshonorante pour l'artiste. Ils finiront par se réconcilier pour monter un coup de maître qui risque de leur coûter cher. Si ce subterfuge est dévoilé au grand public, c'est la fin de toute espérance en passant par la case prison. Quand on n'a plus rien à perdre, il ne reste parfois que la mort comme porte de sortie.
« Ça lui a fait un bien fou de mourir » ou « Il est encore meilleur mort que vivant » Arthur.
Dans l'œuvre de Rémi Bezançon, la mort rôde souvent pour rappeler la promesse de la vie. C'est d'abord une belle histoire d'amitié, un autre thème récurrent du réalisateur,
Ma vie en l'air,
Nos futurs, Le mystère Henri Pick,
Zarafa. C'est celle qui accepte tout sans restriction, qui dure dans le temps, enjambe les chocs de la vie et au-delà. Il traite de cette amitié avec les codes de la comédie romantique. C'est une belle complicité de deux acteurs remarquables, Vincent Macaigne et Bouli Lanners. Ils ont la même manière d'aborder l'art en général, théâtre, peinture, cinéma, etc. Leur entente donne toute l'énergie et la profondeur à ce Coup de maître. Le film s'amuse de l'art et de l'artiste, en nous interrogeant sur ce qui fait l'un et l'autre. Nous retrouvons une partie des interrogations du film précédent, Le mystère Henri Pick. Pour les tableaux, ils sont l'œuvre d'anciens amis de l'école des Beaux-Arts ainsi que de chefs décorateurs formidables, Clarisse d’Hoffschmidt et Milosz Martyniak.
Le film développe la création et son inspiration souvent liée à une muse, le marché de l'art, comment vivre avec ses compromis. Est-ce qu'il faut tout accepter pour survivre ? On comprend vite, grâce à un tableau important revenant à la fin, que la mort de sa femme, sa muse, est la cause de son manque d'inspiration. Renzo, déprimé, n'est plus qu'un fantôme attendant la mort. C'est dans ce contexte que les deux compères décident de monter un coup de maître qui va leur coûter cher. Quoi de mieux que la mort de l'artiste pour relancer le marché et transformer son œuvre en un juteux business ? Ils s'apercevront que vendre son âme au diable à un prix. Rémi Bezançon aborde un sujet peu connu du grand public, les NFT. Un NFT permet de rendre un fichier numérique unique et de le vendre, un tableau par exemple. Le film nous rappelle qu'une œuvre c'est d'abord un regard, celui du peintre puis celui du public, et de la matière. Une scène à la Karaté Kid avec le jeune apprenti devient une métaphore de cette idée.
Dans une interview, Rémi Bezançon nous dit. « Étudier à l’École du Louvre m’a aiguisé le regard, m’a appris à mieux appréhender les cadres et les perspectives. Et j’aime l’art contemporain car il m’a permis de transgresser toutes les règles que j’avais apprises. L’interrogation des concepts de création est devenue exponentielle. Lorsque l’on contemple, par exemple, un tableau de Peter Doig, grand génie du figuratif aujourd’hui, ce n’est pas juste un paysage que l’on découvre, c’est une dimension parallèle qui s’ouvre, celle d’un réalisme magique qui échappe à toute lecture univoque grâce à une multitude de références, souvent cinématographiques d’ailleurs. C’est tellement inspirant... » Cette assertion résume bien l'esprit du film et son approche esthétique dans la forme. Dans cette dernière, il joue des lieux, espaces urbains et pièces réduisant l'espace, des trois couleurs, rouge, vert et bleu. Il leur oppose la nature, qui est pour Renzo l'art parfait et l'horizon tout en largeur. Le film s 'inspire de l'esprit de la tragi-comédie italienne autant que de Billy Wilder ou de Woody Allen. Rémi Bezançon mêle ici ses deux passions, la peinture et le cinéma, dans une comédie loufoque à savourer.
Patrick Van Langhenhoven
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Titre original : Un coup de maître
Réalisation : Rémi Bezançon
Scénario : Rémi Bezançon et Vanessa Portal, d'après l'œuvre de Andrés Duprat et Gastón Duprat
Musique : Fabien Devillers
Décors : Cécile Henrard
Costumes : Élise Ancion
Photographie :
Montage : Sophie Fourdrinoy
Son : Marc Bastien
Production : Isabelle Grellat, Éric et Nicolas Altmayer
Coproducteur : Geneviève Lemal et Charles-Evrard Tchekhoff
Sociétés de production : Scope Pictures, Mandarin Cinéma et Kinovista
Société de distribution : Zinc Film
Pays de production : France et Belgique
Langue originale : français
Format : couleur — 2,35:1
Genre : comédie
Durée : 95 minutes
Dates de sortie : 9 août 2023
Distribution Vincent Macaigne : Arthur Forestier
Bouli Lanners : Renzo Nervi
Bastien Ughetto : Alex