Tom, (Xavier Dolan) un jeune publicitaire aux cheveux peroxydés et au look de rockeur se rend à la campagne pour assister à l'enterrement de son défunt petit ami.

Arrivé à la maison familiale perdue entre les champs et les hangars abritant les vaches, Tom rencontre la mère de son petit ami (Lise Roy) qui ne sait rien de la nature de leur relation et son frère, Francis (Pierre-Yves Cardinal) un homme athlétique mais manifestement violent qui compte tout faire pour préserver le secret de l'homosexualité de son frère. Après avoir hésité à quitter les lieux, Tom décide pourtant de prolonger son séjour une fois l'enterrement passé. Curieusement attiré par Francis, les deux hommes en souffrance ne vont cesser de jouer au jeu du chat et de la souris...

Tiré de la pièce du même titre écrite par Michel-Marc Bouchard, Tom à la ferme est le quatrième long métrage du jeune Xavier Dolan. Après le buzz du clip College Boy aussi esthétique que violent qu'il avait réalisé pour le groupe Indochine en 2013, Tom à la ferme marque un virage (discutable) dans la filmographie du Québécois qui entendais clôturer avec ce film sa trilogie sur les amours impossibles entamée avec J'ai tué ma mère en 2009. 

Soyons clairs, Tom à la ferme, ne s'éloigne pas tant que ça des thèmes de prédilection de Xavier Dolan. L'homosexualité, la famille et la souffrance que tout cela engendre restent au cœur du discours qui prend ce coup-ci la tournure d'un thriller.

La bande-annonce laissait en effet présager un film angoissant, rythmé et imprégné d'une ambiance mystérieuse bref de quoi intriguer les plus réfractaires au cinéma de Dolan. Promesse d'une prise de risque, d'un changement certain qui, malheureusement, n'auront pas lieu.

Xavier Dolan, on aime ou on déteste et Tom à la ferme en déroutera ou en fascinera plus d'un. Que l'on aime l'effet clip, la mise en scène qui bouillonne de bonnes idées mais a du mal à faire dans la mesure le film a de quoi laisser perplexe. On ne peut enlever au réalisateur son inspiration certaine, sa composition picturale des plans, ses références louables : on parle d'Hitchcock - la comparaison est un peu poussée, de Haute Tension ou du merveilleux Les chiens de pailles … cependant le réalisateur semble souffrir de l'angoisse de la page blanche, il l'avoue d'ailleurs à demi-mot dans une interview donnée à l'occasion de la sortie du film. Tom à la ferme a été écrit à la va-vite parce qu'il souhaitait tourner et tourner vite, malheureusement cela se fait cruellement sentir durant les 1h40 que dure le film.

Tom (Dolan) se coince de son plein gré dans cet univers hostile, accepte les coups de Francis et parvient en un temps record à y trouver du plaisir. Syndrome de Stockholm ? Envie suicidaire d'un pauvre petit citadin perturbé ? Un peu facile... et là vient la contradiction du film, trop court pour aborder avec subtilité le sous-texte de la pièce de théâtre, trop long pour faire naître autre chose qu'un vague malaise, une attente de choc qui ne viendra en fait jamais et laissera au spectateur un goût amer au générique de fin.

Le genre du thriller à la Nolan fonctionne malheureusement en demi-teinte, trop gorgé de références, d'ambition et de musiques à la manière de... qui finissent par donner la nausée et rendent presque absurde le drame humain qui est en train de se jouer.

Les personnages pourtant intéressants sont comme coincés dans ce décor trop petit pour qu'ils y déploient leur potentiel réel et restent alors de petits pions que Dolan s'amuse à filmer, souvent avec condescendance, ne parvenant jamais vraiment à se défaire des clichés inhérents à son sujet (pauvre homosexuel de la ville qui débarque chez les ploucs homophobes de la campagne qui va devoir troquer son perfecto pour une chemise à carreaux pour faire le deuil de son bien-aimé).

Si le film est parsemé de mystère, les dévoilements ne sont pas à la hauteur de l'attente engendrée tout au long du récit. Pas de temps forts qui donneraient l'occasion à l'histoire de se renverser, pas de dialogues si puissants qu'ils pourraient nous dévoiler une part de vérité sur les différents thèmes survolés dans le film (n'est pas Thomas Vinterberg qui veut...)

A vouloir être trop original Xavier Dolan ne se serait-il pas perdu dans un genre dont il ne maîtrise manifestement pas toutes les ficelles scénaristiques ?

Ce vague thriller psychologique mal raconté ne semble qu'exister que pour démontrer le culot de ce réalisateur, proclamé prodige, qui s'amuse de la technique (faux-raccords / changement de format d'images à maintes reprise) pour créer quelque chose de nouveau... au spectateur de voir si ce cinéma lui correspond.

Sarah Lehu