Tár
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En Bref
Tár, partie de rien, se hisse au sommet d'une montagne où la musique envahit tout l'espace. Elle ne vit que pour elle et son ego démesuré. Elle devient l'âme du classique et la reine de l'Orchestre National de Berlin. Elle s'attaque à un dernier défi, enregistrer avec un même orchestre les cinq symphonies de Mahler. Dans ce chemin divin, aride, centré sur l'effort et la symbiose avec une œuvre, se glisse la vie privée. Elle ne pardonne pas la médiocrité et recadre un élève lors d'un de ses cours. Elle assume son mariage avec le premier violon de l'orchestre et son infidélité. Tár devient cette montagne sans cœur, rongée par son ego. Ce qui pourrait bien finir par la perdre, car dans l'ombre, ses propres démons s'apprêtent à la dévorer. La tour de Babylone, la chute de l'ange pourrait bien la conduire en enfer et à l'inverse de la musique de Mahler, la faire passer de la lumière aux ténèbres.
« Le terme symphonie signifie pour moi : avec tous les moyens techniques à ma disposition, bâtir un nouveau monde » Gustav Mahler.
Tár est un film écrit pour Cate Blanchett, remarquable dans un jeu complexe à multiples facettes. Todd Field reprend plus les thématiques de ses deux films précédents, In the Bedroom, Little Children, comparé à American Beauty. Tár est une ode, un hommage à un des compositeurs, démiurge de la musique, aux symphonies sombres comme la nuit des temps, mythique comme Wagner. Pourtant Tár s'empare de la cinquième symphonie, celle de l'amour composé pour Alma et lui impose une vision plus sentimentale. La première séquence est une réflexion sur la musique classique, de la création à l'interprétation. Le film, dans sa première partie, ne cesse de reprendre ses interrogations sur les œuvres majeures Beethoven, Mozart, Wagner, Bach.
« Une tentative de réorganiser le monde à partir du moi individuel » Richard Specht parlant de des symphonies de Mahler.
C'est aussi le festival d'une des actrices les plus surprenantes, toujours en mouvement, Cate Blanchett. Dans les silences, dans les explosions d'arrogance, dans les scènes intimes, elle déploie la palette de son interprétation à l'infini. La mise en scène capte son image, perdue dans la solitude des forêts, dans le labyrinthe du sous-sol d'une maison abandonnée, celui de son esprit, et au cœur de la direction de l'orchestre. Le geste se transforme, en cadence, en élan violent et doux pour faire de Mahler une galaxie qui se dévoile. C'est le parcours, l'ascension vers un horizon qui finit par détruire l'orgueil démesuré du talent, inaccessible au commun des mortels. Tár pensait côtoyer les dieux, qui lui rappelleront dans la seconde partie qu'elle n'est qu'une humaine.
« C’est une œuvre maudite, personne ne la comprend » Gustav Mahler.
La fin montre l'intime, la vie confondue avec la musique. Elle place Tár dans un monde particulier que seul son mentor semble comprendre. La lumière de l'aube de la première partie laisse la place à celle d'un labyrinthe de nuit où l'on pourrait s'anéantir. L'ogresse dévore tout sur son passage, ne laissant aucune place à l'autre. Tár nous questionne sur des suites d'oppositions, le trivial et le sublime, le spirituel et le terrestre, l'ironie et la mort. Éros et Thanatos conduisant du chaos à l'amour universel, propre à l'œuvre de Mahler pour certains. C'est cette route qu'emprunte notre héroïne qui s'achèvera par la chute de l'ange. Elle finit par diriger un orchestre pour un jeu vidéo avec un parterre de fans en cosplay. C'est comme si elle avait trouvé de nouveaux adorateurs dans sa tentative de réorganiser le monde à partir de son moi individuel.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original et français : Tár
Réalisation et scénario : Todd Field
Musique : Hildur Guðnadóttir
Direction artistique : Patrick Herzberg et Petra Ringleb
Décors : Marco Bittner Rosser
Costumes : Bina Daigeler
Photographie : Florian Hoffmeister
Montage : Monika Willi
Production : Todd Field, Scott Lambert et Alexandra Milchan
Production déléguée : Cate Blanchett, Phil Hunt, Stephen Kelliher, Marcus Loges, Compton Ross, David L. Schiff, Uwe Schott et Nigel Wooll
Sociétés de production : Standard Film Company et EMJAG Productions
Sociétés de distribution : Focus Features (États-Unis), Universal Pictures International (Allemagne)
Pays de production : États-Unis / Allemagne
Langue originale : anglais
Format : couleur — 2,35:1
Genre : drame
Durée : 158 minutes
Dates de sortie : 25 janvier 2023
Distribution
Cate Blanchett : Linda "Lydia" Tár
Noémie Merlant (VF : elle-même) : Francesca Lentini, l'assistante de Lydia Tár
Nina Hoss : Sharon Goodnow, premier violon solo et épouse de Lydia Tár
Sophie Kauer (de) : Olga Metkina, jeune violoncelliste / recrue
Julian Glover : Andris Davis, le prédécesseur de Lydia Tár
Allan Corduner : Sebastian Brix, directeur musical / chef assistant
Mark Strong : Eliot Kaplan
Adam Gopnik (en) : lui-même (critique d'art)
Mila Bogojevic : Petra, fille de Lydia / Sharon
Zethphan Smith-Gneist (de) : Max (étudiant à Juilliard)
Sylvia Flote : Krista Taylor, jeune cheffe d'orchestre / boursière / ancienne étudiante de Lydia Tár
Récompenses
Mostra de Venise 2022 : Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour Cate Blanchett
Golden Globes 2023 : Meilleure actrice dans un film dramatique pour Cate Blanchett
Nominations et sélections
Mostra de Venise 2022 : en compétition officielle16 et en sélection pour le Queer Lion
Gotham Awards 2022
Meilleur film
Meilleure actrice pour Cate Blanchett
Meilleure actrice dans un second rôle pour Noémie Merlant et Nina Hoss
Meilleur scénario pour Todd Field
Golden Globes 2023 :
Meilleur film dramatique
Meilleur scénario
Berlinale 2023 : hors compétition
Oscars 2023 :
Meilleur film
Meilleure réalisation
Meilleur scénario original
Meilleure actrice pour Cate Blanchett
Meilleure photographie
Meilleur montage
