Christine se réfugie dans la solitude et l’oubli d’une vie brisée. Il lui reste quelques bribes de souvenirs s’accrochant encore à sa mémoire en lambeaux. Elle vit sous les ponts de Paris entre les étoiles et la Seine paisible. Son quotidien ressemble à l’habitude qui nous joue des tours de la soupe populaire à l’errance, trainant son ballot comme un escargot sa maison. Elle n’espère plus rien, juste peut-être que cette solitude, cette répétition l’efface à jamais du paysage. D’ailleurs, personne ne la voit, fantôme de nos villes comme de nombreux autres SDF. Nous sommes dans un conte et le destin, petit malicieux, se joue de nos vies comme l’hirondelle du printemps. Un jour, Suli, un petit Africain oublié comme elle, pas encore une illusion sur la brèche du temps, lui demande son aide dans sa langue originelle pour retrouver sa maman disparue dans la cohue, la foule qui vous emporte comme le chantait si bien Piaf. La vieille dame bourrue n’a qu’une réponse : « Toi là, moi là ! » Peu à peu, son cœur de misère en hiver se réchauffe au soleil du petit. Ensemble ils partent en quête d’une mère et peu à peu, les fantômes deviennent des vivants.
Sous les étoiles de Paris nait comme un conte d’autrefois autour du feu de l’âme. Un réalisateur, Claus Drexel, nous livre un très beau film sur les miséreux, les « moins que rien » comme disait mon père. Sous sa caméra défilent des portraits d’âmes tombées au champ de bataille de la vie. Une actrice, Catherine Frot, émue par le sujet, contacte le réalisateur. Et vous savez, ce petit destin farceur leur souffle une idée de conte. Un conte aux odeurs de vérité qui s’inspire d’une de ces fractures du premier film. Il ajoute un autre regard sur des cœurs jetés à la rue en quête du bonheur, d’un paradis. C’est avec pour toile de fond l’exil, les pas perdus, que se construit une fable, un conte du vivant. Il nous rappelle la force de ce dernier, soufflant comme une voute étoilée et qui ranime les cœurs brisés. La caméra saisit ce Paname chanté par la fille des rues, de jour comme de nuit, entrainée par l’errance. C’est un voyage et comme toujours, le but importe peu.
C’est la route que nous traçons ensemble, pas à pas, mot à mot, brisant le silence d’une vieille clocharde, ranimant un feu éteint, une lueur dans le regard, l’espoir d’un lendemain joyeux. Il se joue du langage, les mots ne suffisent plus à se comprendre. Il faut trouver un autre chant pour communiquer, celui du cœur. Histoire simple, à deux francs six sous que l’on jette à la chanteuse des rues. Histoire de rien, loin de nous et pourtant si proche. Il suffit de presque rien pour que tout bascule et nous emporte comme ce torrent sauvage. Catherine Frot trouve un rôle à sa mesure, soutenu par des seconds rôles forts, vrais clochards, fausse prostituée, vraie misère. Le film nous livre le même message qu’Au bord du monde, dans un récit bienveillant. Il nous rappelle qu’il faut parfois cesser d’être aveugle, que l’autre a autant à nous apprendre que nous. La vieille dame est aussi perdue que le petit garçon. Ensemble ils trouveront le chemin qui apaisera leur âme et les conduira vers l’avenir. C’est une belle tranche de vie à partager en famille.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Sous les étoiles de Paris
Réalisation : Claus Drexel
Scénario : Claus Drexel et Olivier Brunhes
Photographie : Philippe Guilbert
Montage : Anne Souriau
Décors : Pierre-François Limbosch
Costume : Karine Charpentier
Musique : Valentin Hadjadj ; Franz Schubert : Der Leiermann (Le joueur de vielle [à roue]), dernier lied du cycle Winterreise (en français Le Voyage d'hiver). Avec le baryton Thomas Quasthoff et Charles Spencer au piano
Son : Cyril Moisson, Hervé Guyader et Emmanuel de Boissieu
Producteur : Étienne Comar et Didar Domehri
Sociétés de production : Arches Films, Maneki Films et Gapbusters
Sociétés de distribution : Memento Films International et Diaphana Distribution
Pays d'origine : France et Belgique
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : comédie dramatique
Durée : 90 minutes
Dates de sortie : 28 octobre 2020
Distribution
Catherine Frot : Christine
Mahamadou Yaffa : Suli
Jean-Henri Compère : Patrick
Richna Louvet : Marna
Raphaël Thiéry : le travailleur des quais
Baptiste Amann : le jeune SDF
Farida Rahouadj : la doctoresse
Dominique Frot