« J’avais peur, je crois, de l’inconnu. Tout est étrange. Je me sens modifiée. Toute cette nouveauté me bouleverse. »
Au début, Sidonie Perceval, au nom porteur de rêve et de mythe, s’enferme dans son monde. Elle semble figée dans le temps depuis la mort de son mari. Elle finit par accepter de sortir de sa grotte pour découvrir un monde nouveau, le Japon. Ailleurs, tout devient étrange, silence, absence, fantôme viennent bousculer cette princesse endormie. Il y a un petit air de conte dans Sidonie au Japon. C’est surtout le voyage inversé d’Eurydice cherchant son Orphée aux enfers. Plus que la route et le but, c’est la confrontation avec les lieux, les gens et la mutation qu’elle provoque sur Sidonie. C’est au cœur du silence qu’elle trouve une nouvelle force. Ce dernier lui permet de renouer avec son âme. Peu à peu, un lien étrange la relie à Kenzo, son éditeur silencieux. Peu à peu la parole s’installe, parcimonieuse, juste et profonde, quand le voyage les entraine dans des lieux propices à l’éveil. Ce monde bouscule en profondeur l’écrivaine, qui retrouve le goût perdu à arpenter et aimer le monde. Il y a le fantôme de son mari qui ferme une porte, celle du deuil. Il est temps d’accepter que l’on puisse vivre ailleurs, autrement. Elle partage avec Kenzo le pays des oubliés de la mort.
Elle n’a jamais voulu, dans les drames qui les frappent, les choisir pour le grand voyage. Les sentiments reprennent le chemin de l’existence, pour elle qui s’était égarée dans un chemin de douleur et de vide. Le vide prend toute son importance. Il n’est pas le même que celui de l’absence, du deuil. Au Japon, Sidonie découvre ce vide, plein de promesses, qu’il reste à combler. Les rencontres marquent un passage, un pas de plus vers la lumière. Elle quitte cette noirceur de la veuve pour le sentier de la vie et de l’espérance. Les mots s’assemblent, les phrases ne sont plus des écueils. Sidonie dit : « L’écriture, c’est ce qui reste quand on se retrouve sans rien. Il y a le désespoir, et parfois, il n’y a même plus de désespoir. Il n’y a plus rien. » Tout était là, en attente, dans le néant du cœur attendant l’espérance des jours nouveaux.
La musique ressemble à celle du koto, épurée, presque proche de la résonance de la note qui s’anime et devient sonate. La mise en scène est fragile. Parfois elle prend des chemins connus, déjà vus, mélangeant l’urbain et la nature, le vide et les chambres closes où s’anime le fantôme d’un amour perdu. Il y a le voyage dans la voiture, fait de conversations, de gestes qui peu à peu, deviennent plus profonds. L’île devient un lieu de renaissance mais aussi cette île informelle que s’est construit Sidonie pour survivre à la souffrance du deuil. La parole n’est parfois pas nécessaire, tout se dit, se joue dans un plan, un regard, un geste, un rien. Sidonie au Japon est un voyage enchanteur, au cœur de la vie, quand on abandonne enfin les morts au tombeau de la mémoire. Isabelle Huppert et Tsuyoshi Ihara forment un couple, improbable au départ, qui lui aussi se transforme et guérit. La petite taille de l’actrice et le grand corps élancé de l’acteur apportent des séquences comiques à la Tati. Sidonie au Japon appartient à ces films qui, longtemps après le mot fin, résonnent encore au fond de nos territoires intérieurs inconnus.
Patrick Van Langhenhoven
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :
Titre original : Sidonie au Japon
Réalisation : Élise Girard
Scénario : Élise Girard, Sophie Fillières et Maud Ameline
Musique : Gérard Massini
Décors : Reinhild Blaschke
Costumes : Dorothee Hohndorf
Photographie : Céline Bozon
Son : Masaki Hatsui, Nicolas van Deth
Montage : Thomas Glaser
Production : Sébastien Haguenauer
Production exécutive : Christelle Michel
Coproduction : Elena Tatti et Felix von Boehm
Sociétés de production : 10:15 Productions, Box Productions et Lupa Film
Société de distribution : Indie Sales et Art House
Pays de production : France, Suisse, Japon, Allemagne
Langue originale : français et japonais
Genre : Drame
Durée : 95 minutes
Dates de sortie : 31 août 2023 (Venise) 3 avril 2024
Distribution Isabelle Huppert : Sidonie Perceval
Tsuyoshi Ihara : Kenzo Mizoguchi
August Diehl : Antoine Perceval