Après An Education, drame subtil sur l’éveil culturel et sexuel d’une jeune fille (Carey Mulligan) par un homme plus âgé (Peter Sarsgaard), Lone Scherfig ne déroge pas de son thème de prédilection : le passage délicat à l’âge adulte et ses embûches, en décidant de s’attaquer à l’élite Oxfordienne et à son club très privé et très borderline : Le Riot Club. Réservé à l’élite de la nation, ce cercle très secret d’Oxford fait de la débauche et de l’excès son modèle depuis 3 siècles. Miles et Alistair, deux étudiants en première année, ne reculeront devant rien pour avoir l’honneur d’en faire partie... Dans un portrait de cette élite qui frôle parfois le manichéisme, la réalisatrice danoise institue un huis-clos fiévreux et signe quelques scènes d’exception mais n’arrive finalement pas à saisir son sujet à bras le corps. Tantôt démonstratif, tantôt dissimulé, The Riot Club n’arrive jamais vraiment à trouver son rythme de croisière malgré un sujet passionnant (mais peut-être un peu trop rabâché ?)
The Riot Club, c’est d’abord une pièce de théâtre connue sous le nom de “Posh“ (littéralement « la haute ») écrite par Laura Wade. Impliquée dans le projet de film dès le début, l’auteure va en écrire le scénario et en suivre la réalisation, confiée à la danoise Lone Scherfig, toujours captivée par la culture britannique et par la jeunesse locale. Ici, on retourne au campus pour scruter un peu plus le monde charmant et séduisant des érudits de ce monde mais aussi et surtout, leurs instincts les plus bas et leurs agissements les plus vils. Nous placer face à un œil fasciné par le faste de cette jeunesse pour mieux les égratigner ensuite. En cela, on adhère. Le film est construit simplement en deux parties distinctes. Dans la première, qui suit l’introduction de deux nouveaux étudiants au sein du club, on boit du petit lait. On retrouve le petit gars sympa, beau gosse, intelligent mais qui n’a rien demandé, qui craque pour une boursière et qui ne connaît rien à la hiérarchie du club d’élite. Et en face, le “fils et frère de“, énième de son nom à passer dans la célèbre université, pressé par la famille, machiavélique, mignon aussi, qui va convoiter un peu plus sérieusement le club. Entre beuveries généralisées et bizutages carabinés, le Riot Club assoit son autorité sur le campus et suscite autant de convoitise qu’il amuse et indiffère. Composé de l’élite, race de seigneurs qui seront bientôt à la tête du pays, le club interpelle par sa volonté d’imposer un joug bêta sur autrui, et ce à travers un profond mépris pour la société et des jeux bourrins et cyniques qui consistent à dominer le plus faible. A ce moment, on applaudit la mise en scène juste de Scherfig et sa bonne direction d’acteurs. On se réjouit également à détester ces têtes à claques fils à papa.
Dans un seconde partie, l’intrigue va prendre un virage insoupçonné et nous installer dans un huis-clos éprouvant pour les nerfs. Pour leur repas annuel, en grande pompe, le club se réunit dans un restaurant de la banlieue et fait ce qu’il sait faire, des rites, des jeux de boisson, des jeux de bouffe et d’autres jeux qui vont les mener plus loin que prévu… Dès que la pièce du restaurant se referme derrière eux, le spectateur est presque pris au piège avec cette canaille, témoin de leur immoralité et de leur impudeur. En cela, Scherfig parvient sans mal à nous embringuer dans la tourmente qui se trame au sein du club malgré une mise en scène, si ce n’est soignée et rigoureuse, mais très basique dans son traitement du suspense. Mais là où ça pêche un peu plus, c’est au niveau du traitement des personnages, en surface. On regrette notamment le manque d’humanité flagrant des membres du club, dont la cruauté exagérée grossit les trais de l’immoralité, à outrance. En face, on nous dresse des personnages qui sont censés faire pencher la balance : Lauren, la soupirante et la famille gérante du restaurant chez qui l’humanité est à l’inverse bien trop évidente. D’un côté, on a ces monstres sans gêne qui dévastent sans ciller, violentent et abrutissent d’injures et de l’autre, ces pauvres gens qui ont tout à perdre mais qui essaient quand même. Cette vision manichéenne vient largement entacher le tableau et amputer le film de Scherfig. D’autant que la réalisatrice va également peiner à justifier son point de vue. Le cul entre deux chaises, on voit le film hésiter entre plonger tête baissée dans la cruauté et la noirceur de ces personnages sombres et se concentrer sur la confrontation entre les deux héros sans jamais s’affirmer.
A l’arrivée, on est donc généralement sur notre faim, à la fois révolté par ces êtres abjects mais déçu de ne pas en avoir vu davantage. Du coup, le film peine à trouver un aboutissement et ne parvient pas à susciter une émotion, au delà du simple dégoût. Malgré tout, la mise en scène est efficace et les acteurs plutôt bons. Mais force est de constater qu’il manque à The Riot Club un petit quelque chose en plus pour dénoncer quoi que ce soit. Pour l’instant, on se contente d’assister sans bouger.
Eve Brousse
Fiche technique
· Titre original : The Riot Club
· Titre français :
· Titre québécois :
· Réalisation : Lone Scherfig
· Scénario : Laura Wade d'après sa pièce de théâtre
· Direction artistique : Alice Normington
· Décors : Andrea Matheson et Julian Nix
· Costumes : Steven Noble
· Photographie : Sebastian Blenkov
· Son : Glenn Freemantle
· Montage : Jake Roberts
· Musique : Kasper Winding
· Production : Graham Broadbent et Peter Czernin
· Société(s) de production : Blueprint Pictures
· Société(s) de distribution : Universal Pictures
· Pays d’origine : Royaume-Uni
· Langue originale : Anglais
· Genre : drame
· Durée : 106 minutes
Distribution
· Natalie Dormer : Charlie
· Sam Claflin : Alistair Ryle
· Douglas Booth : Harry Villiers
· Jessica Brown Findlay : Rachel
· Max Irons : Miles Richards
· Holliday Grainger : Lauren
· Tom Hollander
· Ben Schnetzer : Dimitri Mitropoulos
· Sam Reid : Hugo Fraser-Tyrwhitt
· Olly Alexander : Toby Maitland
· Freddie Fox : James Leighton-Masters