C'est une jeune fille charmante qui possède une âme innocente, comme dans une vieille chanson. Priscilla n'a que 14 ans quand elle croise, sur une base militaire en Allemagne, le King. Il est venu faire son service comme tout bon citoyen américain. Qu'est-ce qui peut bien séduire l'Idole des jeunes filles qui se pâment chez cette gamine effacée ? C'est leur secret. Le voilà qui fait sa cour, comme au bon vieux temps, quand on demandait au papa la main de sa promise. C'est elle qui décroche l'étoile au firmament. Elvis l'aime et fait tout pour la faire venir à Memphis. La voilà princesse de Graceland, jeune femme prisonnière d'un univers doré qu'elle n'imaginait pas. Priscilla doit se conformer au désir de son amoureux et bientôt son mari. Elle l'attend sous le porche comme une bonne épouse, silencieuse et soumise. L'arrivée de Lisa-Marie ne changera rien à la cage en or de ce rossignol. Il faudra bien un jour partir ou mourir, dans l'ombre des sunlights d'un roi préférant la lumière.
Sofia Coppola continue à arpenter le même territoire de film en film. Nous retrouvons les thématiques présentes dans son premier, Virgin Suicides, l'errance, la peur de la solitude, le statut de prisonnière d'un monde souvent illusoire, la mélancolie, l'adolescence perdue, l'ennui. Ce sont aussi des thèmes plus liés à l’époque, la femme au foyer, les époux, les pères, une époque tout feu tout flamme des sixties, la célébrité destructrice, la drogue. C'est une jeune fille qui espérait l'or et qui n'a eu que l'ombre. Priscilla devient très vite une potiche, un objet, peut-être un alibi. C'est ce que certains n'hésiteront pas à dire. D’autres rétorqueront que le King aimait vraiment Priscilla. Nous pensons aux jeunes filles de Virgin suicides, mais surtout à une autre reine noyant sa mélancolie dans la fête, Marie-Antoinette. Le thème de l'adolescence revient, ce moment de grâce et d'insouciance, perdu à jamais.
C'est un époux rongé par la drogue, la célébrité, incapable d'accorder autre chose qu'une nuit à sa bien-aimée. Nous sommes loin du prince charmant des contes de fées. La solitude hante le récit, du début jusqu'à l'émancipation. La scène du caniche devant la grille en est une forte métaphore. L'errance ne se trouve pas que dans les pièces de Graceland. Comme toujours chez Sofia Coppola, elle est intérieure. C'est la jeune fille condamnée, sacrifiée, qui l'intéresse. Nous retrouvons cette image particulière, dans la lignée de son père, empreinte de mélancolie et de romantisme, avec une pointe, légère ici, d'onirisme. La symbolique se retrouve dans le décor, les barreaux, les fenêtres aux rideaux tirés, les colonnes d'un temple où enfermer la vestale, la couleur noire. Certains reprocheront le manque de présence du King et sa relation à Priscilla parfois explosive.
Le film est en apparence sage comme une image, envahi par le vide et une présence fantomatique. Pourtant, en arrière-plan, se joue un autre monde. Un monde d'hommes qui rient, bougent, s'amusent, en contraste avec l'immobilité de Priscilla. C'est la même chose avec les femmes, accrochées aux grilles, prêtes à prendre une place dont elles ignorent le poids d'une mort de l'âme. C'est dans ce silence, ce désert, ce contraste que tout se joue et que se trouve le cœur du récit. Une vie de l'ombre qui ne verra jamais la lumière des sunlights. Cette dernière ne viendra qu'à la fin, quand Priscilla choisira de partir et de quitter la nuit pour entrer dans son propre jour, pour arpenter un chemin qu'elle choisit. Une fois de plus, Sofia Coppola nous séduit par ce qu'elle dit de notre époque en évoquant le passé, et sa façon magique de saisir la profondeur des sentiments.
Patrick Van Langhenhoven
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Titre original : Priscilla
Réalisation : Sofia Coppola
Scénario : Sofia Coppola, d'après l'ouvrage Elvis and Me de Priscilla Presley et Sandra Harmon
Musique : Phoenix
Décors : Tamara Deverell
Direction artistique : Danny Haeberlin
Costumes : Stacey Battat
Monteur : Sarah Flack
Photographie : Philippe Le Sourd
Production : Sofia Coppola, Youree Henley et Lorenzo Mieli
Production déléguée : Priscilla Presley
Société de production : American Zoetrope, Stage 6 Films et The Apartment
Société de distribution : Sony Pictures Releasing France (France), A24 (États-Unis)
Pays de production : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : drame biographique
Dates de sortie : 3 janvier 20242
Distribution
Cailee Spaeny : Priscilla Presley
Jacob Elordi : Elvis Presley
Dagmara Dominczyk
Deanna Jarvis : Carol West
Luke Humphrey : Terry West
Jorja Cadence : Patsy Presley
Tim Post : Vernon Presley
Emily Mitchell : Lisa Marie Presley
Ari Cohen : le capitaine Beaulieu
R Austin Ball : Larry Geller