Wisi débarque à Bordeaux, espérant trouver un petit boulot qui le sortira de galère. Manque de chance, il n’existe rien à l’horizon, que la soupe populaire pour ne pas crever. C’est ici qu’il rencontre Marina, une humanitaire au grand cœur. Le petit malin s’invente un passé de sans-papiers, espérant squatter une ou deux nuits, le temps de retomber sur ses pieds. Sauf que la nuit devient presque une éternité. Jérôme vient de perdre sa mère et d’être expulsé de son appartement. Ce sale môme comprend vite l’arnaque de Wisi et décide d’en profiter à son tour. Nos deux compères, réunis par la même misère, s’incrustent chez notre bonne âme. Au bout d’un moment, il va falloir passer au-dessus de la scopophobie, le handicap au travail de Jérôme, pour bosser un peu. Les deux compères se lancent dans une entreprise de dépannage et petits travaux en tous genres. Celle-ci tourne vite court et se transforme en rôle de play-boy pour Wisi avec Jérôme comme soutien. Là encore, l’affaire tourne vite à la catastrophe. On ne peut pas dire que tout ce qu’ils touchent devient or. Il leur reste une petite arnaque qui pourrait rapporter gros, mais leur coutera cher si Marina découvre le pot aux roses. La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille.
« Je chante le chien crotté, le chien pauvre, le chien sans domicile, le chien flâneur, le chien saltimbanque, le chien dont l'instinct, comme celui du pauvre, du bohémien et de l'histrion, est merveilleusement aiguillonné par la nécessité, cette si bonne mère, cette vraie patronne des intelligences ! » Les bons Chiens Baudelaire. C’est dans l’esprit de la comédie que le duo de réalisateurs nous interpelle sur les difficultés du monde. Ils prennent le chemin du buddy movie social, dans l’esprit de Marche à l’ombre ou des Apprentis, une grande partie du cinéma de Coline Serreau. Deux types en rupture d’époque, largués par celle-ci, ont du mal à trouver leur place au sein de la société. Les deux branquignols manient l’art de la magouille pour se sortir d’affaire. Pourquoi tu souris joue sur les codes du buddy movie et de la comédie, portée par deux acteurs qui semblent en roue libre. Les rôles et les dialogues, taillés sur mesure, donnent le ton et le sens du récit humanitaire. Ils finiront par trouver leur voie quand leur petite manipulation entre amis arrivera à son terme. C’est le décalage entre la réalité et une invention de chaque instant pour échapper à une vie bien trop triste.
C’est un type au grand cœur pour Wisi, qui ne trouve plus sa place au sein du monde. Jérôme est un sale gosse qui, au départ, exploite les failles de Wisi et Marina. Cette dernière possède un cœur si grand pour le malheur des autres qu’elle ne voit pas l’arnaque des deux zigotos. La mise en scène s’amuse de situations cocasses, créant un humour décalé. Les petits boulots se transforment vite en catastrophes. On ne devient pas play-boy aussi facilement. A la fin il ne reste que la bonté d’âme des gens pour avancer et ne pas crever. Christine Paillard le dit assez bien : « L’humour n’est pas que la politesse du désespoir, il est aussi un partage, il crée des liens. » Peu à peu, ce trio apprend à se connaître, s’apprécier, s’aimer pour ne plus se quitter. C’est encore la route qui transforme le désespoir en des lendemains lumineux comme le nom Wisi.
Ce sont Les bons chiens de Baudelaire, les miséreux, les damnés de la terre qui crèvent leurs besaces affamées pour les bons bourgeois de l’époque. C’est cette métaphore du poète sur le monde ouvrier de la fin du XIXe siècle. Ces invisibles que l’on oublie, passants anonymes que l’on croise et à qui le duo Chad Chenouga et Christine Paillard donne la parole à travers le rire. Le drame s’en trouve sublimé quand le spectateur, dans cette variation, comprend que la misère n’est jamais loin. Jean-Pascal Zadi et Raphaël Quenard composent un duo de bric et de broc qui donne toute sa force au film, dans un jeu libéré, mélange de l’Auguste et du clown au nez rouge. Emmanuelle Devos oppose un personnage naïf par sa grande humanité qui finit, lui aussi, par comprendre certaines choses. Le film repose beaucoup sur ce trio sans oublier les comédiens secondaires, riches dans leur personnalité et leur humanité. C’est un film que le rire solaire sort des ténèbres de la vie.
Patrick Van Langhenhoven
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Titre original : Pourquoi tu souris ?
Réalisation : Chad Chenouga et Christine Paillard
Scénario : Chad Chenouga et Christine Paillard
Musique : Arthur Simonini
Décors : Anne-Sophie DELSERIES
Costumes : Clara RENÉ
Photographie : Jacques GIRAULT
Montage : Héloïse Pelloquet et Catherine Schwartz
Production : Sophie LIXON
Sociétés de production : TS Productions
Société de distribution : Ad Vitam
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : comédie
Durée : 95 minutes
Dates de sortie : 3 juillet 2024
Distribution Jean-Pascal Zadi : Wisi
Raphaël Quenard : Jérôme
Emmanuelle Devos : Marina
Judith Magre : Rita
Crédit Photo : ©TS Productions (photographe Michaël Crotto)