Omar vit en Cisjordanie. Habitué à déjouer les
balles des soldats, il franchit quotidiennement le mur qui le sépare de Nadia,
la fille de ses rêves et de ses deux amis d'enfance, Tarek et Amjad. Les trois
garçons ont décidé de créer leur propre cellule de résistance et sont prêts à
passer à l'action. Leur première opération tourne mal.
Capturé par l'armée israélienne, Omar est
conduit en prison. Relâché contre la promesse d'une trahison, Omar
parviendra-t-il malgré tout à rester fidèle à ses amis, à la femme qu'il aime,
à sa cause?
Sélectionné à Cannes dans la catégorie Un certain regard, Omar, le nouveau film d’Hany Abu-Assad, que l’on connaît en France pour avoir réalisé le poignant Paradise Now sur le terrorisme palestinien, est un nouveau cri étouffé d’une résistance en éveil. Mais c’est avant tout le symbole d’une jeunesse qui garde espoir dans un paysage que l’on pourrait croire vaincu, au regard de ce mur, érigé en Cisjordanie en 2002 par le gouvernement israélien, qui court sur 700 km afin de se protéger des terroristes. Le « Mur de la Honte », comme l’appellent les palestiniens en référence au mur de Berlin. Un mur qui va être témoin d’injustice, d’amour, de trahison, en vain…
« On ne devient pas résistant juste en observant », lance Tarek à Amjad pour l’inciter à tirer sur le soldat israélien en joue. A travers cet acte de rébellion contre l’occupant, Hany Abu-Assad évoque le paradoxe de l’impasse israélo-palestinienne et en fond, les conséquences de l’engagement et les contradictions d’une jeunesse qui rêve d’une société sans barrière. Une société où l’on pourrait aimer librement, loin des dogmes et des manipulations. Aujourd’hui prisonnière aussi bien physiquement que moralement, cette jeunesse, en la personne d’Omar, va lutter chaque jour et escalader le mur de séparation à l’aide d’une corde. Un défi physique symboliquement très fort qui devient même vecteur de la solidarité d’un peuple pris au piège lorsque, blessé, Omar va se faire aider par un vieillard qui passe par là.
Au delà de l’aspect politique du combat que mène ce petit groupe de résistants contre l’occupant et des fulgurances documentaires de l’ensemble, Abu-Assad emprunte une narration ancrée dans le codes du thriller et de la tragédie. D’un côté, le réalisateur instaure un rythme haletant, un sentiment d’urgence étouffant, où chaque instant de la vie quotidienne peut basculer sans prévenir en fusillade, en course poursuite ou en drame… Et de l’autre, il fait émerger du récit de merveilleux moments d’intimité, d’amour et d’amitié. En mettant un point d’honneur à développer la psychologie de ses personnages, le réalisateur distille un vent doucereux dans ce paysage froid et manichéen. A ce moment du film, c’est-à-dire avant que le groupe d’amis ne soit démasqué et arrêté, l’esthétique fait fi de la fadeur du mur en béton pour déployer tous ses tons ensoleillés et ses couleurs. Ensuite, c’est la fracture aussi bien narrativement qu’esthétiquement, plus aucune amitié n’est possible, la suspicion s’installe, la paranoïa s’empare des personnages et avec elles, les couleurs s’assombrissent.
Persévérant et idéaliste, le jeune Omar est incarné par un acteur qui crève l’écran, Adam Bakri. Le naturel de son jeu (tous les acteurs débutent dans le métier d’acteur) transcende les situations du quotidien de ce jeune palestinien et véhicule un magnétisme palpable en un regard. Une révélation. De la même manière que sa partenaire Leem Lubany qui illumine l’écran à chacune de ses apparitions. Dans l’ensemble, la totalité du casting fait preuve d’une sincérité et d’une authenticité qui porte le film jusqu’au bout. Omar ne se paye pas le luxe de servir une leçon de morale ou de fournir des solutions mais arrive à saisir avec justesse, en évitant tout manichéisme, le désarroi et le chaos qui anime le peuple.
Eve BROUSSE