C’est au cœur des forêts que sommeillent nos démons ancestraux. Ils gémissent et s’avancent sur terre. Ils marchent au cœur des vertes collines, aux horizons rougeoyants de la colère d’un volcan. La vague hurlante se fracasse sur la pierre des rochers, mémoire du monde. C’est un jeune enfant, un prince déchu de son royaume par son oncle. Amleth avance solitaire au cœur de la multitude, paré des couleurs de la nuit et du sang de ses ennemis. La colère et la peur l’accompagnent comme deux chiens fidèles. C’est l’heure de la vengeance, cri perçant la nuit comme un hurlement de loup meurtri réclamant son royaume. La lueur de la lune et une sorcière des bois de bouleaux le réveillent d’un sommeil profond aux rêves de vengeance. Il y eut un premier jour sous les flocons de neige. Un enfant innocent assiste à la mort de son père et à la destruction de son village. Amleth devient un prince sans royaume, un héritier volé par son oncle.
Il pleure la mère prisonnière de cet homme rustre et sans âme. Amleth grandit dans un monde de violence, un chant ancien né des paysages torturés du Nord. Il se transforme en Berserk, guerrier fauve nourri d’une fureur sacrée, abreuvé de sang et de mort. Il surgit des entrailles de la nuit, esclave prisonnier de sa propre violence qui l’inonde d’un chant divin remontant aux origines, sous l’arbre Yggdrasil. Amleth devient esclave pour rejoindre les terres islandaises de son oncle. Il s’éprend d’Olga, une autre esclave, aux pouvoirs de sorcière. Ils reconstruisent un semblant de famille. Sa vengeance est bien plus tenace, comme une plaie encore saignante. C’est ici qu’il croise la voix profonde d’un chamane lui rappelant son destin. Il devra trouver l’épée sacrée, son Excalibur, guidant son bras. La nuit devient son royaume et la lune, sa torche de feu argentée. C’est l’heure de la terreur et de l’expiation. Il ignore encore que son âme ne sortira peut-être pas indemne du brasier qu’il vient d’allumer.
Avec la fin de la série Viking dans une cinquième saison brillante, les guerriers du Nord ont le vent en poupe. Après Witch, la sorcellerie au cœur de la colonisation confrontée à la sorcellerie qu’elle transporte dans ses bagages. On n’échappe pas à son destin. The Lighthouse est une variation lovecraftienne, sur une île perdue et deux gardiens de phare confrontés aux créatures marines. On n’échappe pas à son destin. Ces deux films racontent le combat de l’homme contre la nature, nourri par les mythes des origines et la sorcellerie. C’est dans le boisseau du premier arbre éclairé par le premier feu que naissent les projets de Robert Eggers. Il trace une ligne des profondeurs de la nuit ou gît notre inconscient nourri aux sons des légendes d’autrefois. La sorcière, femme mythique, revient, fille du diable, de la nature, en osmose avec l’univers. Les rois et leurs guerriers ouvrent une voie nouvelle, pensant échapper à sa nature profonde. Une fois de plus, nous retrouvons la colonisation et les mythes confrontés à un monde moderne.
Dans The Northman, ce sont ces colons en quête d’un autre territoire vierge. Les Berserks, nourrissant la terre du sang des victimes. Ils sont fils d’Odin, chamans, guerriers en extase de violence, souvent considérés comme des demi-dieux vêtus d’une unique peau d’ours ou de loup. Ils vivent à la frontière de la vie et de la mort. Les traditions nordiques et russes se rencontrent pour enfanter le nouveau monde. Le mythe imprègne tout le film avec la volonté de rester fidèle à l’histoire. C’est un univers de violence et de vengeance, le fils du dieu unique sacrifié sur la croix n’a pas encore fait son apparition. C’est la nature sauvage qui reste encore la meneuse du destin des hommes. L’histoire commence au cœur des forêts profondes pour éclater dans les paysages des débuts, épousailles du feu et de la glace sur les vertes prairies. La mer se fracasse sur la terre, hurle dans les voiles des marins audacieux, parfois avalés par l’océan.
Tout est à l’état pur, sans décorum, sans ors et vermeille pour orner aucun temple. Les maisons se noient dans la terre dans une volonté de retourner au premier souffle du monde. La première séquence résume ce qui suivra, la violence d’un roi et d’un frère jaloux. C’est l’innocence de l’enfance avalant la neige blanche qui tombe, découvrant la mort des siens. C’est la vengeance si profonde que même l’amour ne peut la guérir. Les corps se couvrent de sang, étalent leur nudité, les loups hurlent et le volcan gronde. La mise en scène ressemble à son contenu, rude, sans décorum ni baroque flamboyant, pour épouser la tragédie. C’est le souffle du premier dragon aux images sans concession éclaboussant l’écran.
Nous retrouvons les mêmes thématiques, la nature confrontée à l’humain, les éléments sauvages, tempêtes, forêts profondes, montagnes de feu, prairies et glaciers. Feu, glace, bois des navires, métal des épées, terre des tombeaux, grotte des esprits anciens, pierres qui nourrissent le récit de leur symbolique. La nuit est souvent la compagne de la saga. Le jour dévoile les malheurs apportés par les créatures des ténèbres. Cette histoire inspira plus tard un certain William Shakespeare et les mythes, un certain Lovecraft. Il est à noter que le jeune Robert Eggers a lui aussi foulé les territoires de la Nouvelle-Angleterre. The Northman est un récit magnifique, à l’état brut, dans sa mise en scène et sa narration.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : The Northman
Titre québécois : L’Homme du Nord
Réalisation : Robert Eggers
Scénario : Robert Eggers et Sjón
Musique : Robin Carolan et Sebastian Gainsborough
Direction artistique : Robert Cowper, Paul Ghirardani, Christine McDonagh, John Merry et Hauke Richter
Décors : Craig Lathrop
Costumes : Linda Muir
Montage : Louise Ford
Photographie : Jarin Blaschke
Production : Robert Eggers, Mark Huffam, Lars Knudsen, Arnon Milchan et Alexander Skarsgård
Production déléguée : Thomas Benski, Sam Hanson, Yariv Milchan et Michael Schaefer
Société de production : New Regency Pictures
Sociétés de distribution : Focus Features (États-Unis) ; Universal Pictures (France)
Pays de production : États-Unis / Royaume-Uni
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genres : aventure, historique, action
Durée : 136 minutes
Dates de sortie : 11 mai 2022
Classification : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement lors de sa sortie en salle.
Distribution
Alexander Skarsgård (VF : Gilduin Tissier) : Amleth
Nicole Kidman (VF : Danièle Douet) : la reine Gudrun, mère de Amleth
Anya Taylor-Joy (VF : Audrey Sourdive) : Olga
Willem Dafoe (VF : Éric Herson-Macarel) : Heimir le fou
Ethan Hawke (VF : Jean-Pierre Michaël) : le roi Horwendil, père de Amleth
Björk (VF : Nathalie Homs) : Seeress, la sorcière slave
Claes Bang (VF : Julien Meunier) : Fjölnir, le frère du roi Horwendil
Gustav Lindh (VF : Gauthier Battoue) : Thorir, le fier
Kate Dickie : Halldora le Picte
Ian Gerard Whyte : Thorvaldr
Murray McArthur : Hakon
Olwen Fouéré : Ashildur Hofgythja
Ísadóra Bjarkardóttir Barney
Rebecca Ineson : Halla the Maiden
Tadhg Murphy (VF : Philippe Bozo) : Eirikr Blaze-Eye
Ian Whyte : habitant de la butte
Gustav Lindh : Thorir
Ingvar Sigurdsson : le sorcier
Jon Campling : porte-étendard
Katie Pattinson : une skjaldmö
Murray McArthur : Hákon Iron-Beard
Phill Martin (VF : Raphaël Anciaux) : Hallgrimr, le demi-troll
Olwen Fouéré (VF : Cathy Cerda) : Ashildur Hofgythja
Eldar Skar (VF : Laurent Maurel) : Finnr
James Harper-Jones : Vasill
Ian Gerard Whyte : Thorvaldr
Luca Evans : Ivan
Magne Osnes : Berserker Priest
Faoileann Cunningham : Kormlöth
Jonas Lorentzen : Eysteinn
Lily Bird : Maiden King
Jack Walsh : Hallur Freymundur
Elliott Rose (VF : Lucille Boudonnat) : Gunnar
Seamus O'Hara (VF : Günther Germain) : Audunn
Oscar Novak (VF : Adrien Dussaiwoir) : Amleth, jeune
Ralph Ineson (VF : Michel Vigné) : le capitaine Volodymyr
Jack Gassmann : Hjalti
Kevin Horsham : Völundur the Smith
Edgar Abram : Hersveinn Battle-Hard