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affiche Nahid

Nahid

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Un film de Ida Panahandeh ,
Avec Sareh Bayat, Pejman Bazeghi,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h44
Iran

En Bref

« Tel père, tel fils. » pourrait être la maxime du film et le combat de la protagoniste. La dualité du sens de cette phrase trouve écho dans la réitération de la société iranienne, dictée par une éternelle prééminence masculine. Pourtant certains résistent et l’obstacle semble encore plus insurmontable lorsqu’une femme s’y attaque. Nahid a tout du portrait engagé dans un paysage cinématographique iranien au savoir-faire approuvé (Panahi, Farhadi…), où sa protagoniste se confronte à l’impossibilité de faire bouger les lignes. Porté par l’énergie de son actrice, le film se contente rapidement de se reposer sur elle et l’engrenage sans fin dans lequel elle se prend. Son soulèvement face à la société iranienne patriarcale et aux figures masculines n’accouche que d’une partie de ping-pong trop lisse.

 Le film d’Ida Panahandeh se veut plein de bonne volonté. La dénonciation de sa société ne se fait pas par l’opposition au pouvoir mais par la confrontation aux hommes et ses formes allégoriques de domination. Ce premier film dispose de tous les éléments pour arriver à convaincre, explorant un cinéma de genre qu’est le drame social. Il y a une élégance à ne pas céder, néanmoins, à l’apitoiement, dans un récit construit sur des non-dits et le quotidien d’une femme contemporaine. Une femme qui vient de divorcer et se retrouve dans la nécessité de cacher son nouvel amour, sous peine de se voir retirer la garde de son fils, suite à un frauduleux accord.



Le film peine à se déployer, subissant l’enchainement des malheurs de sa protagoniste avec un point de vue unique et un montage bien mou. À la façon de Job, le sort semble s’accabler sur elle. Loin de là les références bibliques, dessinant en filigrane le monde musulman, elle évolue avec une soif d’indépendance, quitte à ce que la compensation soit exagérée – comme ses mensonges gratuits répondant à la bienveillance de Massoud. La seule surprise tient dans l’appréciation de la protagoniste, Nahid, qui alors qu’elle canalise l’intrigue finit par agacer par son goût volubile et une liberté recherchée, à bout de souffle, ne différenciant plus la bonté des maux de son pays. Une recherche puisée dans la surcompensation, qui se doit alors d’être vue avec indulgence vis-à-vis d’une situation bien différente de la nôtre. Mais jamais les personnages lui faisant face ne semblent s’incarner, ou trop sporadiquement : ils ne sont là que pour le déploiement de Nahid, de sa fougue. Son fils et ses « quatre cents coups » ne répondent qu’à une logique d’état de désespoir pour la mère.

L’argent revient à tous les étages et régit la société entière : de son manque pour payer le loyer, un monceau de conséquences toujours liées à l’argent la poussera à faire des choix toujours plus découragés. De ce point de vue, la réalisatrice capte la puissance de la désolation et l’absence de la possibilité de choix véritables, avec leurs répercussions. Le passage d’un rien à un pire. Justement « quel est le pire ? » questionne Nahid, en comparant son ancien mari. Tout ce qu’entreprend Nahid, sa folie et sa quiétude, semblables aux rouleaux de la mer, semble s’écraser sur cette plage qu’elle se plaît à écumer. Rien n’explose pourtant véritablement dans sa chute, et ce qui n’est pas attendu n’est pas à sa place – comme cette fin violente.  Seul résiste alors le caractère documentaire du pays, bien loin de l’idée que l’on pourrait s’en faire et néanmoins plus proche de l’image dépassée que le gouvernement essaye de véhiculer.

 Si l’effet scénaristique par lequel s’éclaire le secret de Nahid est attendu, ce cadre d’observation offre une idée intéressante.Nahid, constamment, revient dans le cadre de la caméra devenu lieu d’observation, de surveillance, que ce soit par son ancien ou nouveau mari. Un effet qui démontre que le changement sociétal ou familial aboutit à d’autres moyens de surveillance, à des connexions toujours plus développées : c'est l’observation par la société, l’impossibilité du dépassement de ce cadre et le renoncement à l’idée d’indépendance. Mais là encore, d’un point de mise en scène ressort une insistance qui dissipe le procédé, le musèle sous sa lourdeur. Maladroit finalement, bien que juste par intermittence, le Prix spécial du jury à Un Certain Regard l’an passé, le doit plus à son geste, à la société qu’il dépeint qu’à la puissance intrinsèque du film. Et la constante question « quel est le pire ? » qui dicte un semblant de jeu dans l’attribution de la garde du fils, offre un ton léger, bienvenu, mais qui ne cache pas une certaine lourdeur.

Clément SIMON

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