La ville s'éclate sous les néons de couleurs des centres commerciaux, danse sur les toits, chante la vie ordinaire. Les passants, les fêtards, les retardataires du dernier achat ignorent que l'apocalypse s'abattra bientôt comme un vol de sauterelles. Les tirs muets touchent leurs cibles innocentes, insouciantes. Elles s'écroulent et sèment la panique. Un tueur de masse est à l'œuvre dans l'ombre de l'humanité, loin des néons de carton. C'est le branle-bas de combat des institutions de la ville indépendante. Le tueur semble difficile à cerner, les motifs énoncés ressemblent aux prédictions de Madame Irma. On préfère imaginer que c'est un seul et unique coup de Trafalgar. On nomme Geoffrey Lammark pour mener la traque d'un invisible qui ne tarde pas à recommencer. Pour chasser le diable, il faut une équipe aux limites de la frontière, capable de chercher le petit rien dans les décharges de nos sociétés. Une jeune enquêtrice, Eleanor Falco, maligne et régissant rapidement, rejoint l'équipe. Lammark voit dans son instabilité psychologique comme un miroir, un lien au tueur qu'il chasse. Très vite elle émet l'hypothèse d'un misanthrope, autant dire une bonne partie de la population. Leur traque les conduira jusqu'en enfer sans être sûrs d'en revenir intègres.
Damián Szifrón aime traquer le fond de notre humanité, que ce soit dans un duo particulier, un flic et un psychologue dans Tiempo de valientes. Les nouveaux sauvages franchissent la barrière de la civilisation pour la barbarie. Il n'est pas étonnant qu'Hollywood le choisisse pour mettre en scène la traque d'un misanthrope. C'est une plongée au cœur de l'humanité qui n'a plus grand-chose à offrir pour son rachat. Le nouveau tueur ne suit pas les signes du zodiaque, les péchés capitaux, ni la peau des autres et autres troubles de l'individu. Il déteste l'humanité dans son ensemble, tout simplement, sans aucun signe de distinction. La recherche du tireur fou devient difficile, aucune piste ne se détache d'une longue liste de mauvaises personnes. C'est ce que comprend l'inspecteur du FBI chargé de mener l'enquête avec, derrière lui, la meute prête à le bouffer au moindre faux pas.
C'est une galerie de figures qui s'intéressent peu aux autres et plus à leur petite carrière. Lammark et son équipe avancent comme ils peuvent dans ce bourbier qui risque de les détruire à la moindre erreur. La mise en scène se montre inventive dans le choix de certains cadres et classique dans sa forme. Face au misanthrope, Damián Szifrón s'attache aux figures particulières des enquêteurs qui le cherchent. Lammark ressemble à Jack Crawford dans Le silence des agneaux. Entre lui et Eleanor se tisse le même lien de confiance et la certitude qu'elle détient un don. Le film nous fait penser aux grands opus du genre comme Psychose, Le silence des agneaux, Seven, Zodiac. C'est sa fin mémorable qui l'inscrit comme un nouvel épisode des tueurs en série, ici de masse. C'est son enquêtrice que l'on espère retrouver, marquée par son instabilité psychologique, proche du tueur. Tous les misanthropes ne massacrent pas l'humanité. Solitaire, Eleanor possède une confiance limitée dans l'humanité qu'elle ne déteste pas forcément.
C'est dans ses dialogues que le film trouve son ton, particulièrement dans la dernière séquence sur sa réflexion sur le monde. Il nous interroge sur la place que nous souhaitons prendre dans le chant des planètes. Quelle humanité, quels humains souhaitons-nous être ? Les lieux deviennent une métaphore, une réponse, un questionnement. Plus que la forme, ce sont eux et le discours qu'ils éveillent qui nous intéresse. C'est le choix de Baltimore, ville portuaire, ouverte sur l'horizon, porte d'entrée sur le continent. L'humanité limitée en quête de nouvelles frontières, face à l'océan infini. L'abattoir et le traitement que nous faisons aux autres sont un moment clé. La petite maison perdue au fond des bois, coupée du monde pour retourner à l'essentiel. Nous pensons à Thoreau et sa philosophie. Les lieux et les acteurs du drame sont peut-être les clefs qui nous interrogent sur notre humanité, dans la symbolique qu'ils évoquent. La caméra est souvent en plongée pour saisir le monde dans son ensemble, puis elle bascule au sol et sur les visages. C'est un voyage qui ne vous laissera pas indemne.
Patrick Van Langhenhoven
Support vidéo : 16:9 compatible 4/3 format d'origine respecté 2.35
Langues Audio : français - Dolby Digital 5.1 / anglais - Dolby Digital 5.1
Sous-titres : audiodescription / français pour malentendants
Edition : Métropolitan Film Export
Titre original : To Catch a Killer
Titre français : Misanthrope
Titre québécois : Chasse au tueur
Réalisation : Damián Szifrón
Scénario : Damián Szifrón et Jonathan Wakeham
Musique : Carter Burwell
Direction artistique : David Pelletier
Décors : Jason Kisvarday
Costumes : Aieisha Li
Photographie : Javier Julia
Montage : Damián Szifrón
Production : Stuart Manashil, Aaron Ryder et Shailene Woodley (producteurs) ; Glen Basner, Alison Cohen, Russell Geyser, Jane Oster Sinisi, Clay Pecorin, Milan Popelka et Russ Posternak (producteurs délégués)
Sociétés de production : FilmNation Entertainment et RainMaker Films
Sociétés de distribution : Metropolitan Filmexport (France), Vertical Entertainment (États-Unis)
Pays de production : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : thriller, policier, drame
Durée : 119 minutes
Dates de sortie : 26 avril 2023
Distribution Shailene Woodley : Eleanor Falco
Ben Mendelsohn : l'agent Geoffrey Lammark
Jovan Adepo : l'agent fédéral Mackenzie
Ralph Ineson : Dean Possey
Rosemary Dunsmore : Mme Possey
Michael Cram : Gavin
Jason Cavalier : Marquand
Mark Camacho : le chef Karl Jackson
Arthur Holden : le médecin légiste en chef