En thalasso à Biarritz avec sa meilleure amie, Violette, quadra parisienne travaillant dans la mode, rencontre Jean-René, un modeste informaticien fraîchement divorcé. Après des années de solitude, elle se laisse séduire. Il la rejoint à Paris, tentant de s'adapter au microcosme parisien dans lequel elle évolue. Mais c’est sans compter sur la présence de Lolo, le fils chéri de Violette, prêt à tout pour détruire le couple naissant et conserver sa place de favori.
Julie Deply nous a toujours inspiré beaucoup de sympathie, elle qui s’était donné comme exemple la comédie indépendante américaine avec les sympathiques 2 Days in Paris et 2 Days in New-York. Pour autant, notre petite française aujourd’hui expatriée à Los Angeles initiait déjà avec Le Skylab un retour à des sources très franco-françaises et le renforce aujourd’hui avec Lolo. Ici, de la distribution à l’argument en passant par les gags et même le contexte, tout fait très français, un peu trop même…
Comme point d’orgue de sa nouvelle comédie, Delpy a souhaité faire honneur à l’enfant roi et s’élance dans la dramaturgie familiale. Un genre qu’elle adopte avec un angle mi-comique mi-noir déjà aperçu en début d’année chez Papa ou maman de Martin Bourboulon. Alors que chez eux, ça officiait à coup de spaghettis au liquide vaisselle et jets de yaourt, chez Delpy, on est autrement plus machiavélique. Bien décidé à faire fuir tous les prétendants qui viennent s’immiscer entre sa mère et lui, le petit Lolo va user de toutes les ruses les plus infâmes pour éloigner Jean-René, le beauf de Biarritz que sa mère a ramené de sa dernière thalasso. Derrière un pitch qui ne fait pas vraiment dans l’originalité, Julie Delpy construit un scénario assez costaud, entre piquant indi et snobisme bobo qui fait la part belle à ses comédiens.
Plutôt bien troussé, Lolo trouve son rythme dès l’ouverture, derrière les dialogues grivois des deux copines blasées par leur vie boulot/dodo à Paris pour mieux basculer dans la romance puis dans la comédie cynique. C’est cet équilibre entre les genres qui fait aussi la force de Lolo, même si ça force la réalisatrice à rendre un objet hybride et tout public qui ne va jamais plus loin que prévu. Bref, malgré un léger manque de rythme au milieu, on ne décroche jamais de l’écran. Mais le comique n’est pas vraiment le centre de l’action, ni la romance d’ailleurs. On va même être tenté au fil du film d’esquiver les rôles féminins au profit des réels intérêts du métrages : Dany Boon et Vincent Lacoste. Alors qu’on n’aurait jamais cru croiser le premier dans le monde de Delpy, celui-ci se révèle extrêmement juste dans l’humour beauf (pas trop quand même) comme dans la romance ou dans la trahison. Assez discret (pour changer), son personnage devient alors attachant et gentillet sans être simplet. En face, on adore détester Vincent Lacoste et sa bouille machiavélique. Celui qui joue de l’étiquette de « petit con » depuis Les Beaux Gosses affiche ici une insolence sardonique qui lui colle à la peau (Delpy avait d’ailleurs écrit le rôle pour lui). Son personnage, visiblement malveillant, en arrive même à nous mettre mal à l’aise durant certaines scènes de ses manigances et même à nous faire trembler lors de cette confrontation assez dure entre sa mère et lui lorsqu’il réalise qu’elle lui file entre les doigts.
Proche du cinéma de Chatillez (Tanguy, Taty Danielle…), la dernière comédie de Julie Delpy s’offre son lot de rigolade grinçante dans son paysage toujours très snob. Entre les caméos (Beigbeder, Ramzy, Lagerfeld) et les frasques de sa BFF Karin Viard, Delpy construit une histoire qui bouscule quelques vérités au pays de l’enfant roi, véritable mal de la génération Y. Mais pour autant, Lolo reste un film qui vise un très large public qui ne se risque jamais dans les extrêmes et qui s’achève dans une fin moins féroce qu’attendu, genre success story/romcom à l’américaine. La réalisatrice n’a d’ailleurs pas vraiment souhaité se prononcer sur l’état du jeune Lolo. Une non-réconciliation plutôt audacieuse que la happy-end vient voiler. Qu’importe, on apprécie la fraicheur du cinéma de Delpy dont la couleur singulière semble s’éloigner de l’uniformise du cinéma français.
Eve Brousse
Fiche technique
Titre : Lolo
• Réalisation : Julie Delpy
• Scénario : Julie Delpy et Eugénie Grandval
• Musique : Mathieu Lamboley et Matthieu Sibony
• Montage : Virginie Bruant
• Photographie : Thierry Arbogast
• Décors : Emmanuelle Duplay
• Costumes : Pierre-Yves Gayraud
• Producteur : Michaël Gentile
• Production : The Film, France 2 Cinéma, Mars Films, Wild Bunch et Tempête sous un crâne
• Distribution : Mars Distribution
• Pays : France
• Durée : 99 minutes
• Genre : Comédie
• Dates de sortie : 20 octobre 2015
Distribution
• Dany Boon : Jean-René
• Julie Delpy : Violette
• Vincent Lacoste : Lolo
• Karin Viard : Ariane
• Antoine Lounguine : Lulu
• Christophe Vandevelde : Gérard
• Élise Larnicol : Élisabeth
• Christophe Canard : Patrick
• Nicolas Wanczycki : le médecin de l'hôpital
• China Moses : la maquilleuse de Kabuki
• Karl Lagerfeld : lui-même
• Frédéric Beigbeder : lui-même
• Ramzy Bédia : l'homme à l'Aston Martin
• Bertrand Burgalat : le médecin
• Michaël Darmon : le journaliste d'iTélé