Romain a 23 ans. Il aimerait être écrivain mais, pour l'instant, il est veilleur de nuit dans un hôtel. Son père a 62 ans. Il part à la retraite et fait semblant de s'en foutre. Son colocataire a 24 ans. Il ne pense qu'à une chose : séduire une fille, n'importe laquelle et par tous les moyens. Sa grand-mère a 85 ans. Elle se retrouve en maison de retraite et se demande ce qu'elle fait avec tous ces vieux. Un jour son père débarque en catastrophe. Sa grand-mère a disparu. Elle s'est évadée en quelque sorte. Romain part à sa recherche, quelque part dans ses souvenirs…
Pour son troisième roman adapté au cinéma – après Un heureux événement par Rémi Bezançon et La Délicatesse coréalisé avec son frère Stéphane – David Foenkinos a fait appel à Jean-Paul Rouve (Sans arme, ni haine, ni violence, Quand je serai petit), connu pour ses frasques dans la troupe comique des Robins des Bois. Grand bien lui a pris car l’acteur/réalisateur signe une chronique douce/amère pudique qui brille de sobriété et de sincérité. On retrouve la retenue et la légère mélancolie aperçue dans Quand je serai petit et le piquant de l’humour noir de son cru. On ne passe pas à côté de quelques apartés sentimentaux un peu cucu mais le scénario et le casting arrivent à l’emporter. Un joli film qui renoue avec la simplicité et les sentiments au moment où ça venait à manquer.
Trois générations s’affrontent et s’épaulent dans Les Souvenirs, chacune à un tournant de sa vie : l’un, dans la fleur de l’âge, cherche à établir sa vie incertaine dans un boulot et auprès d’une femme, l’autre, fraichement retraité est en manque de repaires et perd pied tandis que la dernière, vieillissante, sent pointer la fin de sa vie et, dans un élan nostalgique, fuit vers la région de son enfance. Trois portraits authentiques qui laissent une grande place à l’identification. Mais c’est aussi et surtout parce que ces personnages sont si proches de nous que la mayonnaise prend. Le scénario concocté par David Foenkinos et Jean-Paul Rouve se retrouve délesté de la fin du bouquin, consacré à Romain, et préfère renforcer le rôle du père et ajouter des personnages aux ressorts comiques comme le colocataire de Romain, qui recherche désespérément une “meuf“ ou le peintre peu doué dont les œuvres jonchent les murs de la maison de retraite. Ces personnages, hauts en couleurs, apportent certes un peu de légèreté à l’ensemble mais font plus effet de gimmick, comme pour combler un vide scénaristique. Il en est de même pour les frères Esnard ou le tenancier de l’hôtel où bosse Romain (interprété par Jean-Paul Rouve lui-même) qui auraient pu largement passer à la trappe lors de l’adaptation. On s’éparpille, la plupart du temps, alors que les quatre personnages centraux avaient vraisemblablement assez de profondeur pour tenir la barre à eux seuls.
Quoi qu’il en soit, on ne va pas s’attarder sur la qualité du scénario ou de la mise en scène, somme toute assez sobre, mais plutôt sur la réelle valeur ajoutée de la besogne : le casting. On peut reconnaître ça à Jean-Paul Rouve, d’avoir saisi la valeur primordiale de son film et d’en faire un atout. Il rassemble un casting de choix autour d’Annie Cordy, bluffante, dont on lit dans le regard toute l’amplitude de ses souvenirs. Autour d’elle gravitent un Michel Blanc bourru, un peu à contre-emploi mais non moins sympathique en jeune retraité déphasé, Chantal Lauby, en retrait mais toujours charismatique et Mathieu Spinosi plutôt crédible en fils sensible plein de rêves. Tout ce petit monde s’affère alors à faire ronronner la machine sous l’œil bienveillant de Rouve.
Un Jean-Paul Rouve vraisemblablement à l’aise pour soulever quelques questions de société, notamment la place de nos “vieux“ et l’accompagnement de la fin de vie. Sans échapper à quelques fadaises (attendez de voir ce caissier de station essence transformé en thérapeute), on ne boude pas son plaisir devant Les Souvenirs, qui, sans prétendre exploser le box office, saura nous rappeler à nos bons souvenirs.
Eve BROUSSE
Titre : Les Souvenirs
Réalisation : Jean-Paul Rouve
Scénario : David Foenkinos et Jean-Paul Rouve
Producteurs : Maxime Delauney, Romain Rousseau
Production : Nolita Cinema et Nexus Factory
Musique : Alexis Rault
Photographie : Christophe Offenstein
Montage : Christel de Wynter
Pays d'origine : France
Langue : français
Format : couleur
Genre : Comédie dramatique
Distribution
Mathieu Spinosi : Romain
Annie Cordy : Madeleine, la grand-mère de Romain 4,5
Michel Blanc : Michel, le père de Romain
Chantal Lauby : Nathalie, la mère de Romain
Audrey Lamy6 : la directrice de la maison de retraite
William Lebghil : Karim, le colocataire de Romain
Flore Bonaventura7 : Louise
Jean-Paul Rouve : le patron de l'hôtel
Jacques Boudet : le peintre
Xavier Brière : Pierre Esnard
Yvan Garouel : Patrick Esnard
Daniel Morin : le caissier de la station-service
Blanche Gardin : la femme de l'office de tourisme
Laurent Cléry : le réceptionniste "Hôtel des Falaises"
Arthur Benzaquen : le professeur de yoga
Philippe Dusseau : le voisin
Zohra Benali : la mère de Karim
Arnaud Henriet : le policier commissariat
Pierre Diot : le préposé au transport hôpital
Aurore Broutin : la serveuse café noir