Dans un futur lointain, nous serons capables de transformer notre corps. Nous accoucherons d’organes nouveaux, parfois sans aucune utilité. Cette métamorphose biologique pousse le performeur Saul Tenser à créer, dans les arrière-cours, un spectacle artistique. Devant les yeux ébahis de favoris sélectionnés, avec sa complice Caprice, ils dévoilent en direct et sur écran, la création biologique. Celle-ci dépasse les lois de la perception et l’organisme régulateur d’Etat qui, en coulisse, assiste à l’interdit. Pour achever la composition et la transformation, il faut des outils spécifiques auxquels les techniciennes de maintenance vouent une adoration sans borne. En marge, un Docteur Moreau du futur et sa secte dépassent le point de non-retour de cette métamorphose contrôlée. Il propose à Saul Tenser une performance scandaleuse qui montrera à la société les idées folles du Docteur Lang Dotrice. Le monde de demain sera celui du corps transformable et de la souffrance dépassée pour atteindre l’inaccessible étoile.
« Le corps, c’est la réalité »
Le titre rappelle un court métrage de 1970 qui n’a aucun rapport avec le contenu. Pourtant, Les crimes du futur renvoie à l’œuvre de David Cronenberg en général et à Vidéodrome et Crash en particulier. Nous retrouvons les thématiques transgressives de l’œuvre marquée par la violence, le sexe, et le corps transformable, malléable. Il revient au genre qu’il a fait connaître, le body-horror, devenu body-art. Les Crimes du Futur peut se voir comme une carte de la psyché cronenbergienne dans ce ballet de corps que l’on ouvre, branchés à des multiprises. Le spectateur non averti sera vite perturbé par les lieux d’influence picturale, souterrains sans âme, béton froid et lisse, bateau rouillé échoué comme le monde de demain peut-être.
Dans ce décor d’apocalypse, le corps apparaît comme un nouveau territoire aux couleurs du paradis. Il est facile de se perdre dans ce labyrinthe de réflexion échappant parfois à toute analyse. Les individus semblent n’être que les porteurs, les accoucheurs d’une nouvelle humanité. Viggo Mortensen, personnage énigmatique, silencieux, devient la toile de ses créations. Il apparaît au début comme un passager en route vers l’ailleurs. C’est peut-être toucher à l’ultime métamorphose dans une extase menant à l’origine. Il existe une poésie cronenbergienne touchant à la fois de son récit et de ses décors vénéneux.
Il nous entraine dans un territoire transgressif que nous finissons par accepter alors que le corps est le centre de son monde, la chair tailladée, coupée, exhumée (voir le film). C’est l’esprit qui finit par nous perdre, dans sa réflexion, labyrinthe pour en atteindre le cœur. C’est aussi un questionnement sur l’art et le créateur, l’establishment replié sur lui-même, les institutions, l’esthétisme. C’est autant un voyage philosophique, en images au cadre particulier, de chair, et d’âme menant aux confins d’une humanité qui est peut-être plus proche que l’on ne pense. Contrairement à Crash et d’autres films du réalisateur, Les Crimes du Futur n’ont fait qu’ébranler la Croisette sans trop la perturber.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Crimes of the Future
Titre français : Les Crimes du futur
Réalisation et scénario : David Cronenberg
Musique : Howard Shore
Direction artistique : Dimitris Katsikis
Décors : Carol Spier
Costumes : Mayou Trikerioti
Photographie : Douglas Koch
Production : Robert Lantos, Panos Papahadzis et Steve Solomos
Production déléguée : Christelle Conan, Victor Hadida, Joe Iacono, Victor Loewy, Thorsten Schumacher, Aida Tannyan et Peter Touche
Sociétés de production : Argonauts, Davis Films et Serendipity Point Films, avec la participation de Téléfilm Canada, Ingenious Film Partners, Bell Média et CBC
Sociétés de distribution : MK2/Mile End (Canada), Metropolitan Filmexport (France), Argonauts (Grèce)
Pays de production : Canada, Grèce, France
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : science-fiction, thriller horrifique
Durée : 107 min
Date de sortie : 25 mai 2022 (Festival de Cannes et sortie nationale)
Interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en France
Distribution
Viggo Mortensen (VF : Bernard Gabay) : Saul Tenser
Léa Seydoux (VF : elle-même) : Caprice
Kristen Stewart (VF : Noémie Orphelin) : Timlin
Scott Speedman (VF : Jean-Pierre Michaël) : Lang Dotrice
Don McKellar : Wippet
Welket Bungué : détective Cope
Lihi Kornowski : Djuna Dotrice
Tanaya Beatty : Berst
Nadia Litz : Dani Router
Yorgos Karamihos : Brent Boss
Yorgos Pirpassopoulos : Dr. Nasatir
Sozos Sotiris : Brecken