Le monde appartient à ceux qui agissent, aux conquérants. Et ces conquérants ce sont eux : Denis Podalydès et Mathieu Demy, deux demi-frères qu'à priori tout oppose. Le premier est acteur dans un théâtre de seconde zone, le second est entraineur sportif dans un club de CFA. Cependant, ils cultivent tout deux une malchance dans tous les domaines mais, lorsque Galaad apprend que son cancer récidive, ils décident ensemble d'entamer un étrange pèlerinage, pour remettre le graal dérobé par leur père à sa place.
Voici donc l'arène du second long métrage du réalisateur et écrivain bayonnais Xabi Molia. Comme dans 8 fois debout, nous retrouvons ici des personnages blessés socialement et qui ne veulent pas rentrer dans les cases prédéfinies par la société. Galaad (Denis Podalydès) refuse d’interpréter le rôle de Scapin comme un bouffon alors qu'il ressent le personnage comme profondément sombre et, Noé (Mathieu Demy) souhaite apporter des notions de philosophie dans les vestiaires de l'équipe de foot qu'il entraîne. Ces deux hommes décalés et solitaires sont en crise existentielle et c'est ce besoin de s'extirper de leur situation catastrophique qui va les pousser à s'aventurer dans le Pays Basque pour rendre le tant convoité Graal volé par leur père.
La célèbre quête du Graal est donc ici traitée à l'inverse. Galaad est celui qui prend la décision, non pas de partir à sa recherche mais de le restituer. Trop malade pour effectuer cette mission seul, il est accompagné de son frère Noé. Contrairement à la légende, c'est Noé qui va entrevoir dans la grotte les effets magiques du Graal, laissant présager une suite positive pour nos deux compères et peut-être la guérison prochaine de Galaad mais avant tout un nouveau départ.
Avec Les conquérants, Xabi Molia nous offre un film personnel, oscillant entre le film social dans sa première partie, et le film de « déplacement » dans sa seconde. Un glissement sur le genre, certes compréhensible par la nécessité pour ces deux personnage de s'échapper de leur condition mais toutefois perturbante. En effet, si la mise en place de l'intrigue prend son temps et en perd même parfois à nous démontrer la vie malheureuse de nos deux frères, n'offrant alors que de rares moments de comédie, la seconde partie en montagne, bien plus intéressante au niveau de la mise en scène et qui voit se rapprocher (enfin!) ces deux personnages, semble moins travaillée, se reposant plus sur des effets comiques, voir burlesques, genre qui inspire le cinéaste. Mais, cette fantaisie poétique apportée par le Graal est trop peu présente dans le film pour que l'on y adhère totalement.
Si l'on s'approche d'un peu plus près de la quête entreprise par ces deux demi-frères, nous nous rendons compte qu'au-delà de ce besoin de rendre l'objet au lieu où il a été dérobé c'est avant tout une façon pour eux de couper les ponts avec leur père. De son vivant il n'a été que très peu présent et surtout très secret puisque Galaad et Noé ont des versions différentes de sa vie, il a préféré chercher des reliques et autres objets rares plutôt que de s'occuper de ses fils. Maintenant mort, il est donc temps pour eux de l'oublier et d'apprendre à vivre loin de son ombre.
Les conquérants est une comédie française qui sort des sentiers battus même si le film reste déséquilibré dans sa forme et souffre de certaines longueurs.
Xabi Molia nous délivre un message positif : parfois partir pour profiter de l'instant présent. Dans Les conquérants, la grisaille Lilloise est remplacée par la grisaille des montagnes basques, nettement plus agréables, donnant envie de partir nous aussi loin de notre environnement quotidien.
Sarah Lehu