Allan Karlsson manie la dynamite depuis sa plus tendre enfance, sa dernière pétarade, un renard mesquin venant se servir au poulailler, l’envoie en maison pour vieux. Il ne faudrait pas laisser un tel énergumène dans la nature. Allan n’a jamais eu la réputation de rester en place bien longtemps et en plus fêter ses cent ans avec d'autres grabataires ne l’enchante pas plus que cela. C’est ainsi qu’il se retrouve à la gare centrale avec un billet pour le trou du cul de la Suède, un village que même les cartes ne connaissent plus. Comme le champ de blé attire les sauterelles Karlsson attire les ennuis et le voilà donc encombré d’une valise volée à un biker rocker barré. Dans le bout du monde il se fait un nouvel ami Jonsson, surtout quand les deux compères en ouvrant la valise découvrent une masse de billet
Commence alors un long road movie entre les souvenirs d’Allan, couvrant la période maudite des années 30 à aujourd’hui avec ses dictateurs fous, Franco, Staline, et les spécialistes de la bombe H. Notre homme avec sa manie de tout faire péter croise leur chemin, les aide même à résoudre leurs problèmes balistiques ou de guerre froide. Il faut compter avec la bande des zonards cherchant à récupérer leur valise. Les tueurs disparaissent comme la marée, de moult façons. Un mafieux russe voudrait bien récupérer son magot convoyé par les pieds nickelés du coin. La bande d’Allan s’étoffe en cours de route, d’un universitaire un peu maladroit, d’une jeune femme et d’un éléphant, le tout finira dans la tombe ou dans une île paradisiaque va savoir.
"Sa vie avait été passionnante, mais rien ne dure éternellement, à part peut-être la bêtise humaine.""Staline était poète, et même un très bon poète. Les circonstances avaient voulu qu'il devienne leader révolutionnaire, ce qui était nettement moins poétique" extrait du roman
.Dans la lignée de la littérature décalée dont le plus connu est Arto Paasilinna, Le lièvre de Vatanen, ses titres sont disponibles en folio. Félix Herngren adapte presque à la lettre le livre du même titre de Jonas Jonasson. Ce petit vieux malgré un manque de moyens et quelques effets scénaristiques tirés par la mèche du bâton de dynamite, nous entraîne dans une course foldingue. Au premier abord nous pensons à la version amoureuse et plus lumineuse de Forrest Gump, même idée de parcourir le siècle à travers un personnage central. Notre petit vieux ne nous le montre pas sous son aspect le plus généreux, mais le plus sombre celui de ses dictateurs, Franco et Staline. Ils sont bien entendu tournés en dérision, Franco dévore une énorme pizza et Staline boit comme un trou d’obus ! Toute cette partie nous dévoile les rouages de la fabrication de la bombe, la guerre froide et un frère jumeau d’Einstein encore plus barré que notre petit vieux. C’est désopilant tout en affirmant que le XXe siècle est bien celui de la bombe et de la dictature.
La partie se déroulant à notre époque nous offre une galerie de bras cassés, mais reste bien sage par rapport au reste. Le film joue la carte des petits vieux qui possèdent toujours bon pied bon œil et ne s’en laissent pas compter. Les jeunes sont quant à eux soit un étudiant assoiffé de diplômes finissant coursier ou des brutes dégénérées au cerveau primaire ayant pris les commandes de la machine. Gunilla délaissée par son abruti de mari reste bien la seule qui s’en sort avec honneur, malgré son penchant pour l’écologie et un éléphant maltraité arraché à un zoo. Le spectateur passera un bon moment dans un cinéma surréaliste propre aux pays du froid où la filmographie abonde de ses sujets traitant de la société, ou ici de son histoire, avec ironie et décalage, bon pour les zygomatiques.
« Le problème avec la politique, c'est qu'elle n'était pas seulement inutile, elle était aussi parfois inutilement compliquée. » Extrait du roman.
Patrick Van Langhenhoven