La jeune Christine est arrachée au cadavre momifié de son père Gustave II par le conseiller Oxenstierna. Il l’enlève à l’emprise d’une mère folle d’amour au point de conserver depuis deux ans le corps de son mari. Gustave l’éleva comme un garçon, la nommant héritière de la couronne. C’est le début pour la jeune fille de six ans de l’apprentissage du pouvoir sous la coupe d’Oxenstierna et du rigoureux Luther. Elle découvre un royaume sous l’influence des théories du puritain, interdisant presque tout. Cela ne l’empêche pas de se nourrir des écrits des philosophes grâce aux livres. Elle invite Descartes à la Cour, avec l’aide de l’ambassadeur de France, Pierre Hector Chanut. Ce dernier œuvre dans l’ombre pour convertir la jeune reine au catholicisme. Cette prise serait un grand pas en avant dans la lutte contre le protestantisme. C’est ainsi que Christine, qui n’est pas dupe, doit osciller dans ce labyrinthe de pouvoir aux pièges nombreux. Elle milite pour un changement des idées, en avance sur son temps. Elle tombe sous le charme de la comtesse Ebba Sparre et découvre avec elle le grand amour. Cela coûtera cher à la jeune femme qui, sous le poids des idées archaïques, de l’obscurantisme du luthéranisme austère, abdiquera. Elle se convertit au catholicisme et achèvera sa vie au Vatican Elle fonde l’académie d’Arcadie et devient une des rares femmes enterrée avec les papes.
Mika Kaurismäki retrace, dans une mise en scène classique, le règne de Christine de Suède jusqu’à son abdication en 1654. C’est le portrait d’une femme à l’esprit vif et curieux qui s’entretiendra avec les penseurs de l’époque, à l’aube du siècle des Lumières. Comment une jeune fille de six ans quitte une ambiance mortifère pour devenir reine ? C’est le long cheminement de la construction d’une pensée à travers la littérature de René Descartes et des grands courants de l’époque. Elle accueillera son mentor en Suède, le philosophe y finira ses jours. Elle lutte contre le luthéranisme, prônant un retour plus littéral à la Bible dans laquelle se trouvent toutes les réponses dont l’homme a besoin. Grâce à Gutenberg et l’invention de l’imprimerie, le livre connaît un essor important.
La pensée de Christine doit beaucoup à ses lectures et ses échanges avec Descartes et les autres philosophes annonçant le siècle des Lumières. C’est une femme de caractère, opiniâtre, qui n’hésite pas à aller contre les idées archaïques de son temps. Elle ne se cache pas de son amour pour la Comtesse Sparre. La jeune Malin Buska lui donne vie dans ses excès et sa lutte avec la noblesse de l’époque. Cette dernière voudrait bien ne voir en la jeune femme qu’un ventre pour un héritier mâle. Le film nous montre les colères, les cris et chuchotements, dans les couloirs du château pour vivre une vie choisie et non imposée.
C’est un beau portrait féministe au cœur d’une époque des grandes idées qui changeront bientôt la face du monde. Elle choisira la voie de la paix à celle de la guerre tout en agrandissant son pays. Elle continue en cela l’œuvre de son père. Plus que le faste d’une Christine de Suède dépensière, les idées représentent le cœur du film. C’est une bonne façon de découvrir l’histoire de l’Europe.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
- Christine de Suède : Une Reine Libre, Un documentaire inédit sur cette reine qui aura marqué l'histoire.
- Dressing the girl king, Making-of centré sur la conception des costumes de cette production historique.
Titre international : The Girl King / Queen Kristina
Titre original : Tyttökuningas
Réalisation : Mika Kaurismäki
Scénario : Michel Marc Bouchard, d'après sa pièce Christine, la reine-garçon
Producteur : Mika Kaurismäki, Rainer Kölmel, Wasiliki Bleser, Anna Stratton, Arnie Gelbart, Martin Persson
Production : Marianna Films, Triptych Media, Starhaus Filmproduktion, Galafilm Productions
Distribution : K-Films Amérique (Québec)
Musique : Anssi Tikanmäki
Pays d'origine : Finlande
Langue d'origine : anglais, français, allemand
Lieux de tournage : Turku, Finlande
Genre : Drame
Durée : 106 minutes
Date de sortie vidéo : 26 mai 2021
Distribution
Malin Buska : Kristina
Sarah Gadon : comtesse Ebba Sparre
Michael Nyqvist : chancelier Axel Oxenstierna
Lucas Bryant : comte Johan Oxenstierna
Laura Birn : comtesse Erika Erksein
Hippolyte Girardot : l'ambassadeur Pierre Hector Chanut
Peter Lohmeyer : l'évêque de Stockholm
François Arnaud : Karl Gustav Kasimir
Martina Gedeck : Marie-Éléonore
Patrick Bauchau : René Descartes
Jannis Niewöhner : Comte de la Gardie
Petri Aulin : le garde
Janina Berman : l'infirmière
Samuli Edelmann : roi Gustave II Adolphe
Gabriele Goria : le second jésuite italien