Dès la première image vous êtes prévenu, ce crime ignoble appartient à la longue cohorte des homicides non résolus. La soirée du 12 à Grenoble, on fête le départ en retraite du chef de la PJ. Ce soir-là, Clara rentre d’une soirée entre copines, le cœur léger, sans se douter que la mort rôde. C’est Yohan, le nouveau patron, qui prend en main l’affaire. Commence un travail minutieux d’enquête, de pistes n’aboutissant à rien, de preuves amassées, de rapports, d’interrogatoires. Entre témoins, présumés coupables, se dessine la vie d’une jeune fille figée dans les flammes la nuit du 12.
« On fait un boulot bizarre. On interroge les gens. On fouille dans leurs affaires. On écoute leurs conversations. On écrit des rapports, des rapports… On combat le mal en rédigeant des rapports. » Marceau flic de la PJ.
Pour Yohan et son équipe, le temps devient l’ennemi à combattre pour résoudre l’affaire. Certains garderont de cette nuit le goût amer d’une enquête non résolue. Elle appartient à celles qui vous hantent tout au long de votre carrière de flic, de votre vie d’homme.
« Il est des crimes qui vous habitent ; des crimes qui font plus mal que les autres. Vous êtes cueilli par surprise, au moment où vous vous y attendiez le moins, par un détail qui vous laissera le cœur en pièces. Ils se figent en vous comme une écharde dans la chair et tout autour, la plaie ne cesse plus de s’infecter. Un jour, les tissus se reconstruisent enfin — ce mort-là fait désormais partie de vous. » Pauline Guéna Une année à la PJ (Folio).
Depuis Harry, un ami qui vous veut du bien, Dominik Moll explore nos sentiments les plus sombres au bord du gouffre de la vie. Il s’intéresse aux plus fragiles, prêts à exploser et à nous entrainer de l’autre côté de la ligne dans la nuit profonde. Cet entomologiste de l’âme utilise souvent la forme du thriller, cheminant sur une route des plus simples. La nuit du 12 nous entraine au cœur des montagnes, sur la piste d’un tueur sadique, en compagnie d’une équipe de la PJ. Dominik Moll choisit un de ces nombreux homicides jamais résolus. C’est celui d’une jeune fille ordinaire qui aimait un peu trop facilement, peut-être. C’est une ombre qui allume la mèche et une piste à suivre des plus difficiles. La première question se porte sur ce crime des plus abjects.
Il nous montre combien le monde peut basculer dans la folie. Nous suivons la longue traque des inspecteurs dans leur quête des pièces d’un puzzle trouble. Il nous rappelle L627 ou Le petit lieutenant, dans ce regard vrai, dans l’esprit du documentaire. Nous sommes loin de Maigret, de l’inspecteur Harry. Nous sommes loin de la fiction. Nous sommes au cœur de la vraie vie. C’est une reconstitution minutieuse d’une vie bien ordinaire qui bascule la nuit du 12. C’est comme un caillou jeté dans l’eau avec de longs cercles qui n’atteindront pas la berge. Chaque flic vit cette énième quête à sa façon. Marceau perd pied, Yohan tourne sur la piste, chacun évacue à sa manière un drame qui ne laisse pas indifférent. Chaque flic vous parle de cette affaire non résolue qui les hante pour toujours.
C’est cette mécanique qu’explore le réalisateur jusque dans les moindres recoins. Il choisit une mise en scène à l’image du sentiment qui envahit nos inspecteurs. C’est le gris des montagnes qui enserre la ville, l’horizon immense où se perdre, la nuit et ces lampadaires, écueils de lumière. Il nous prend de l’intérieur, sournoisement. Comme Marceau et Yohan, nous n’en sortirons pas indemnes. Vous vous demanderez peut-être pourquoi mourir dans la nuit profonde, une vengeance, un amour contrarié, au mauvais moment au mauvais endroit. Est-ce que cela vaut la mort d’une gamine ? Tous à coup, notre société nous apparaît fragile et stupide. Une fois de plus, les sentiments tombés dans le gouffre de l’existence nous dévorent. Le duo Bastien Bouillon et Bouli Lanners est remarquable, vrai, dans un jeu au cordeau s’appuyant sur l’essentiel. Ils jouent la partition simplement au plus profond de l’âme.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : La Nuit du 12
Réalisation : Dominik Moll
Scénario : Dominik Moll et Gilles Marchand, d'après le livre 18.3 - Une année à la PJ de Pauline Guéna
Musique : Olivier Marguerit
Décors : Michel Barthélémy
Costumes : Dorothée Guiraud
Photographie : Patrick Ghiringhelli
Montage : Laurent Roüan
Production : Barbara Letellier et Carole Scotta
Sociétés de production : Haut et Court, en coproduction avec Versus Production, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, RTBF, Voo, BeTV et Proximus
Sociétés de distribution : Haut et Court (France) ; O Brother Productions (Belgique)
Pays de production : France, Belgique
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : thriller, drame
Durée : 114 minutes
Dates de sortie : 20 mai 2022 (Festival de Cannes) 13 juillet 2022
Distribution
Bastien Bouillon : capitaine Yohan Vivès
Bouli Lanners : Marceau
Théo Cholbi : Willy
Johann Dionnet : Fred
Thibaut Evrard : Loïc
Julien Frison : Boris
Paul Jeanson : Jérôme
Mouna Soualem : Nadia
Pauline Serieys : Stéphanie (Nanie), la meilleure amie de Clara
Lula Cotton-Frapier : Clara Royer
Charline Paul : Mme Royer
Matthieu Rozé : M. Royer
Baptiste Perais : Wesley Fontana
Jules Porier : Jules Leroy
Nathanaël Beausivoir : Gabi Lacazette
Benjamin Blanchy : Denis Douet
Pierre Lottin : Vincent Caron
Camille Rutherford : Nathalie Bardot
David Murgia : Mats
Anouk Grinberg : la juge
Nicolas Jouhet : Tourancheau
Marc Bodnar : commissaire de la PJ