Cine-Region.fr
affiche La marche

La marche

___

Un film de Nabil Ben Yadir ,
Avec Olivier Gourmet, Tewfik Jallab, Vincent Rottiers , Jamel Debbouze,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 2h
France

En Bref

En 1983, dans le quartier des Minguettes, reconnu pour ses troubles dans une France où le racisme et l’intolérance, comme aujourd’hui apparaissent pour certains de bon ton, trois jeunes décident de dire « assez !» Ils partent d’une échauffourée de trop où Mohammed se retrouve blessé. Dans l’esprit de la marche pacifique du sel de Gandhi, Mohammed, Farid, Sylvain, aidés du Père Dubois de la paroisse, se lancent dans une idée folle, La marche. Des bidonvilles de Marseille en passant par Lyon et Dreux, ville sous tension, ils arriveront à Paris la capitale. Ils ignorent encore que la noble idée s’avère très difficile à monter, mais qu’importe, leur pacifisme déplacera des montagnes. Le groupe part restreint, les quatre organisateurs, Mounia et sa tante, une photographe lesbienne et Yazid. Ce dernier trouve dans la marche un point d’accroche à une vie qui se perd. Nous connaissons le résultat face à une France hostile à l’immigration, la vraie France de la tolérance lui répond !


Nabil Ben Yadir construit un film initiatique, car La marche c’est avant tout la construction de trois individus et d'autres qui les rejoindront. C’est aussi, face à cette France hostile à l’immigration, une autre plus tolérante, rattachée aux idéaux de la Révolution française, l’égalité pour tous et l’enrichissement par la différence. Le film oscille entre rire et larmes, entre acte de bravoure et odieux comme ces nazillons traçant une croix gammée dans le dos d’un personnage. Nabil Ben Yadir réalise à la fois un film profond où la réflexion nous interroge de nouveau dans un climat nauséabond sur comment je vois l’Autre. Nous sommes entre réalité et fiction, il rajoute des éléments pour souligner le discours. À l’heure où certains hésitent, La marche nous rappelle tout le chemin parcouru et celui qu’il reste encore à faire. Ne nous laissons pas berner par le chant des sirènes, un loup reste toujours un loup.    

La marche possède au moins l’avantage de nous interroger de nouveau sur cette gangrène plaçant souvent l’autre en miroir de nos désespoirs. Il est plus facile de généraliser que de poser les vraies questions. Tous les émigrants ne sont pas des terroristes et tous les Arabes, des intégristes. De la même façon, tous les Français ne sont pas des racistes. Aujourd’hui, la grande idée de libérer la parole de certains ne veut pas dire libérer la connerie. Dans la majorité des cas, nous nous entendons bien avec nos voisins, d’où qu’ils viennent. Très vite nommée « La marche des beurs », attribuée à SOS racisme, qui profite justement de celle-ci pour construire le « Touche pas à mon pote ». Il faudrait peut-être ressortir cette petite main jaune que la majorité d’entre nous arbore dans les années 80.

 La marche représente d’abord le ras-le-bol de jeunes Français d’origines diverses. Suivant l’exemple de Gandhi, ils préfèrent répondre par la non-violence. Si le racisme marque le thème principal de leur action, c’est aussi la discrimination en général qu’ils pointent du doigt. Nabil Ben Yadir, à travers les personnages historiques et ceux qu’il rajoute, montre la portée de cet exploit qui, d’une poignée de marcheurs, grandit pour en réunir plus de 100 000 à Paris, selon la légende. C’est aussi comment dans ce mouvement, trouver sa propre voie, affermir, tracer les traits des hommes qu’ils deviendront. Chacun au bout de la piste ouvre une nouvelle route. Mohammed se révèle leader dans l’âme. Farid souvent moqué pour son poids trouve le goût de l’écrit et du dépassement de soi. Mounia (Hafsia Herzi) impose son pragmatisme face à l’extrémisme de sa tante, Kheira (Lubna Azabal), et avec Sylvain accepte de construire cette rencontre des différences qui bâtira la société mélangée de demain. C’est aussi une vision utopique du meilleur des mondes possibles imaginée par le réalisateur et les enfants d’après mai 68. Au-delà de l’aspect vérité, La marche représente la métaphore d’un avenir sublimé encore à construire.

La caméra de Nabil Ben Yadir évite les défauts du cinéma documentaire, caméra à l’épaule qui bouge sans cesse, couleurs misérables et larmoyantes. Elle prend le ton du récit, joue sur l’émotion et les sentiments, même si parfois l’auteur frôle la caricature. Dans d’autres instants, il rappelle que le film n’est pas manichéen, d’un côté la France sombre et fasciste et de l’autre, celle des babas cool. Quand Monia refuse sa liaison avec Sylvain sous prétexte qu’il n’est pas arabe, le film pose une question délicate en y répondant à sa façon. La musique commence avec Hexagone de Renaud et surfe sur la vague des années 80. Elle est aussi une métaphore à sa manière. Le personnage de Jamel Debbouze représente des jeunes délinquants sans grande envergure, voleurs, magouilleurs à qui on ne confierait pas son portefeuille. Il finit par comprendre que sa route n’est pas forcément la bonne. En s’associant au projet, il permet à celui-ci de trouver son financement et n’étouffe pas les autres acteurs par sa présence. Le film traite aussi d’autres thématiques liées à leur identité, à la fois ethniques, culturelles et sociales. La marche est un film de divertissement, au partis pris émotionnel assumé. Il n’oublie pas de nous livrer un message toujours aussi crucial.

Patrick Van Langhenhoven

Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :