Patience Portefeux, interprète judiciaire franco-arabe, travaille pour la brigade des stups. Elle intervient sur les flags et passe son temps à écouter la prose des dealers. Elle déroule une petite vie tranquille, sans anicroche, flirtant avec Philippe, le patron de la brigade. Il aimerait bien officialiser cette idylle qui prend ses aises avec le temps. Elle aimerait bien une autre vie. A l’occasion d’un go fast, elle tombe sur une conversation entre l’aide-soignante de sa mère en EHPAD et son fils. C’est une femme aux petits soins pour sa maman qui la pousse à sauver la mise de son gamin. D’aventure en aventure, de situations improbables en situations probables, elle met la main sur la cargaison d’herbe qui fait rire. C’est un don du ciel qui l’aidera à prendre en charge les frais de sa maman, grimpant comme le thermomètre au soleil. C’est ainsi qu’elle devient la Daronne, un cador du milieu, avec deux zozos pour écouler la corne d’abondance. Il ne faut pas longtemps pour que l’équipe de son amoureux se concentre sur cette nouvelle venue que Patience connaît bien.
« La galérance elle est finie »
Jean Paul Salomé semble en osmose avec ce roman d’Hannelore Cayre, touchant juste avec sa brigade de figures sortant de l’ordinaire. Il nous entraine dans une équipée folle en compagnie de sa Daronne en chair et en os, magnifiquement campée par Isabelle Huppert. Le personnage de Patience Portefeux semble avoir été créé pour elle. C’est d’abord un polar jouissif à l’humour corrosif sur notre société, bien entendu idéale. C’est tout un système que le réalisateur, après l’auteur, passe à la loupe avec ses failles et ses excès. Comment se donner les moyens d’une vie meilleure sans aucun cadavre à la clef ou presque ? Les méchants ont des gueules patibulaires, les Pieds Nickelés se découvrent un brin d’intelligence. L’héroïne ressemble à un ange à qui on ne la fait pas.
Derrière l’action se cache une réflexion plus profonde, que l’on retrouve dans l’œuvre de Jean Paul Salomé et Hannelore Cayre. L’auteure n’a pas été trahie, au contraire. La dernière séquence, qui n’est pas dans le récit, est pourtant bien réelle. On explore plusieurs univers, celui des trafiquants en tout genre, comme la patronne de l’immeuble de Patience cachant bien son jeu. Les femmes d’ailleurs ont tendance à nous la jouer fine. Elles s’avèrent beaucoup plus malignes et moins menées par le destin que nous, les hommes. Ce qui fait dire, lors de l’interview, à mes collègues, que c’est un film féministe. La filmographie du réalisateur compte plus d’un film où la femme est l’avenir de l’homme. C’est bien plus dans la façon de saisir notre époque que La Daronne trouve son fin plaisir à nous décortiquer la société bien pensante qu’elle dénonce. C’est brillant ! On ne s’ennuie à aucun moment, emporté par cette route folle vers l’accomplissement de soi.
Comme toujours chez Hannelore Cayre, l’argent est un moyen pour s’accomplir. Il n’est pas un bien que l’on amasse pour étaler sa richesse à la face du monde. Il est la clef qui permet à Patience d’accéder à la vie rêvée des anges, en faisant le bonheur autour de soi au passage. On apprécie le personnage, plus développé que dans le roman, du commissaire Philippe. Cette comédie aux allures sociale et humaine vous emportera loin des soucis peu ordinaires pour réinventer le temps du bonheur. Au passage, elle égratigne avec subtilité notre monde et ses travers. Vous pourrez lire le nouveau roman d’Hannelore Cayre Richesse oblige aux éditions Métailié, tout aussi désopilant et profond.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : La Daronne
Réalisation : Jean-Paul Salomé
Scénario : Hannelore Cayre, Antoine Salomé et Jean-Paul Salomé
Direction artistique :
Décors : Françoise Dupertuis
Costumes : Marité Coutard
Photographie : Julien Hirsch
Montage : Valérie Deseine
Musique : Bruno Coulais
Production : Kristina Larsen et Jean-Baptiste Dupont
Sociétés de production : Les Films du Lendemain, La Boétie Films, Scope Pictures2
Sociétés de distribution : Le Pacte
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Genres : comédie policière
Durée : 104 minutes
Dates de sortie : 16 janvier 2020 (Festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez) 9 septembre 2020
Distribution
Isabelle Huppert : Patience Portefeux
Hippolyte Girardot : Philippe
Farida Ouchani : Khadidja
Liliane Rovère : la mère de Patience
Rachid Guellaz : Scotch
Mourad Boudaoud : Chocapic
Iris Bry : Hortense Portefeux
Nadja Nguyen : Colette Fo
Rebecca Marder : Gabrielle Portefeux
Abbes Zahmani : Mohamed
Yann Sundberg : Fredo
Léonore Confino : Directrice EHPAD