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affiche La belle Promise

La belle Promise

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Un film de Suha Arraf ,
Avec Nisreen Faour, Cherien Dabis, Maria Zreik,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h25
Israël

En Bref

Une nouvelle occupante rejoint la villa Touma. Les trois tantes, Juliette, Violette et Antoinette, vieilles aristocrates chrétiennes palestiniennes recluses depuis longtemps accueillent leur nièce. Elles ne sortent qu’à de rares occasions pour des enterrements ou des mariages. Badia se confronte à de nouvelles règles strictes, ordonnées, précises, rythmant le temps qui passe. La vie semble abandonner l’antique demeure où les princesses n’attendent plus le prince charmant qui ne viendra pas. Elles s’engluent dans une toile de douleur et de souvenirs s’échappant de leurs cœurs meurtris. Les jours ressemblent à la langueur monotone chantée par le poète.

La promesse du mariage de Badia ramène un peu de vie et de chaos. Elles font le tour des familles, profitent de la messe, des enterrements ou des mariages pour vanter les qualités de la belle Promise. Les jours s’effilochent et aucun prince charmant ne sonne à la porte pour emporter la demoiselle. Il devient urgent de la marier, sa présence éveille trop de douleur, provoque trop de remous laissant des traces ineffables sur l’âme des dames prisonnières de leur vertu. Pendant ce temps, la jeune fille se rebelle, refuse la mort annoncée, l’enfermement dans cette tour d’ivoire. Elle décide d’une autre voie, un horizon augurant déjà la fin d’un temps et d’une jeunesse qui s’affranchit des règles et des devoirs d’hier. Elle ne sent pas que ses actes apportent le chaos et que la tempête se prépare. Elle emportera peut-être tout sur son passage, ne laissant que mort et nuit sombre comme une malédiction chevillée à la villa Touma.


La première partie ressemble à un conte, une jeune fille sort de l’orphelinat, un lieu clos pour se retrouver dans une autre prison. Elle quitte l’adolescence, la fin de l’enfance pour celui des femmes, un univers sombre, figé dans le temps. Les trois sœurs représentent une forme de sentiment  de passage de la vie. Juliette la sévère régit la maison, elle aime l’ordre. Violette la blasée, la blessée, cache ses souffrances. C’est une blessure profonde que son cri d’agonie n’arrive pas à effacer. Antoinette, la plus sympathique, arc-en-ciel endormi, devient la meilleure alliée de la demoiselle. Il reste encore, accrochés au fond de son âme, un peu de vie, de refus. Badia c’est l’innocence et le péché du frère. Il a osé aimer une femme musulmane, l’épouser par amour. Comment toutes ces femmes vouées au mariage forcé ne pourraient pas lui en vouloir, à lui et à ses descendants ?

Dans ce monde de convenances, on ignore l’amour. Les amoureux se condamnent à des fins tragiques ou comme Antoinette, à la prison à vie, à l’oubli. Badia arrive comme un vent frais dans ce monde qui, depuis la guerre des Six Jours, se fige dans le temps. C’est la notion de la guerre qui condamne une société à ne plus évoluer trop prise par la violence et la mort. La villa Touma devient l’entre-deux mondes du conte, entre les morts et les vivants et les trois femmes en sont les gardiennes. Badia l’innocente, la jeune fille en pleine transformation, devra choisir entre vivre ou mourir. En cela, la fin est pleine de signification et prend tout son sens. Je vous la laisse découvrir... Le film, dans sa deuxième partie, quitte le conte pour revenir à celui plus classique du drame. C’est peut-être là qu’il perd un peu de son originalité et retrouve dans sa mise en scène un certain classicisme.

Ce qui n’empêche pas la réalisatrice d’avoir des plans magnifiques comme Antoinette tenant son parapluie sous la pluie avec la lumière et l’eau dégoulinant comme les larmes qu’elle ne peut verser. Elle devient la promesse d’une aube nouvelle, de l’envol. C’est une société qui s’est arrêtée avec la guerre, aveugle au monde et se retranche dans la tour des contes. Dans un premier temps, la belle apprend l’art de la perfection, du maintien, de la musique, et de l’obéissance. Elles la sculptent comme elles autrefois à devenir la promesse d’un jeune homme de la Cour. L’amour est une chose qui n’existe pas, seule compte la faute à expier, la mère à oublier. Quand Juliette trouve la photo, elle la brûle, acte de purification, bûcher de la sorcière.

Toute cette première partie s’inscrit donc dans le conte, dans la faute impardonnable. La transition s’effectue avec la première sortie, pour trouver un prétendant, il faut de nouveau affronter le monde. C’est le costume qui marque la différence, le fossé entre ces trois dames patronnesses et leur protégée, vêtue selon la coutume d’un temps archaïque. Les jeunes hommes se retournent sur leur passage, autant pour la beauté de Badia que pour leurs toilettes. Le danger vient de l’extérieur, de l’autre, l’étranger à sa religion, à sa tradition, à sa classe. En bravant les interdits, la belle ouvre les portes du chaos ou du renouveau, s’il n’est pas trop tard. Le film se transforme en drame, conflit de générations, de religions et de classes, vieille histoire de Roméo et Juliette, éternelle et sans issue.

C’est aussi un monde condamné à mourir par son refus de progresser, de s’ouvrir. Il devient l’écho d’un autre conflit, comme dans les deux scénarios de la réalisatrice La fiancée syrienne et Les citronniers. En bruit de fond résonne le cri de la guerre. Elles se pensent hors du conflit, ni pour, ni contre, au cœur du no man’s land. Elles finiront par être rattrapées par le conflit et le chaos. La dernière image devient une promesse. Leur génération sacrifiée et celle de leur nièce, c’est dans les enfants à venir que se tient la réponse. La belle Promise est un beau regard. Comme les deux films scénarisés avec Eran Riklis, le cinéma de Suha Arraf s’imprègne d’un certain onirisme dans les images et du conte dans son propos. C’est une belle promise à suivre.

Patrick Van Langhenhoven

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Fiche technique

            La Belle Promise  - Villa Touma

                        Palestine - 2014

                        Réalisation: Suha Arraf

                        Scénario: Suha Arraf

                        Image: Yaron Scharf

                        Décor: Eytan Levy

                        Costume: Hamada Atallah

                        Son: Nir Alon, Gil Toren

                        Montage: Arik Lahav-Leibovich

                        Musique: Boaz Schory

                        Producteur: Suha Arraf

                        Production: Bailasan Productions

                        Distribution:

            Nisreen Faour : Juliette

            Ula Tabari : Violette

            Cherien Dabis : Antoinette

            Maria Zreik : Badia

            Nicholas Jacob : Khaled

           Hussein Yassin Mahajne : Abu Hassan

                        Distributeur: KMBO

                        Date de sortie: 10 juin 2015

                        Durée: 1h25