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affiche L'homme irrationnel

L'homme irrationnel

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Un film de Woody Allen,
Avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Parker Posey,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h36
États-Unis

En Bref

Professeur de philosophie, Abe Lucas est un homme dévasté sur le plan affectif, qui a perdu toute joie de vivre. Il a le sentiment que quoi qu’il ait entrepris - militantisme politique ou enseignement - n’a servi à rien. Peu de temps après son arrivée dans l’université d’une petite ville, Abe entame deux liaisons. D’abord, avec Rita Richards, collègue en manque de compagnie qui compte sur lui pour lui faire oublier son mariage désastreux. Ensuite, avec Jill Pollard, sa meilleure étudiante, qui devient aussi sa meilleure amie. Si Jill est amoureuse de son petit copain Roy, elle trouve irrésistibles le tempérament torturé et fantasque d’Abe, comme son passé exotique. Et tandis que les troubles psychologiques de ce dernier s’intensifient, Jill est de plus en plus fascinée par lui. Mais quand elle commence à lui témoigner ses sentiments, il la rejette. C’est alors que le hasard le plus total bouscule le destin de nos personnages dès lors qu’Abe et Jill surprennent la conversation d’un étranger et s’y intéressent tout particulièrement. Après avoir pris une décision cruciale, Abe est de nouveau à même de jouir pleinement de la vie. Mais ce choix déclenche une série d’événements qui le marqueront, lui, Jill et Rita à tout jamais.

Pour son 45ème long métrage – excusez du peu –, le petit cinéaste chéri des français explore encore et toujours la psychologie humaine à traves un héros torturé. Pas de révolution au programme pour ce millésime 2015 mais le plaisir de déguster un objet de cinéma sophistiqué et tourmenté qui pose quelques questions primaires sur la vie... L’amour ? C’est le cul. La vie ? C’est la prochaine mission. La philosophie ? De la masturbation cérébrale. Du Allen égal à lui-même.


En France, on cultive une certaine fascination pour ce cinéaste grisonnant qui s’amourache régulièrement de notre beau pays pour en capter les plus belles images (Minuit à Paris, Magic in the Moonlight). Presque conquis à l’avance, on lui voue une confiance quasi aveugle, ce qui a tendance par moment à court-circuiter notre jugement objectif vis-à-vis de ses œuvres. Des œuvres parfois très réussie, parfois ratées et souvent quelconques. Dans l’Homme irrationnel, le cinéaste place ses personnages à travers un éternel questionnement existentiel, qui les mèneront tous à une conclusion et à un enrichissement personnel. Il philosophie alors sur la chance et le hasard et sur la portée de ceux-ci dans nos décisions de vie. La vie est-elle affaire de morale ? De choix ? De hasard ? D’opportunités ? Toutes les problématiques alléniennes s’entrechoquent dans un scénario bavard aux dialogues toujours savoureux, mais finalement assez nébuleux.  

Au premier plan, il dépeint un homme plein de mystère, un mythe vivant pour cette province tranquille de Californie fascinée par la réputation qui le précède. A entendre tous les ragots de quartier, on a d’ailleurs du mal à croire que ce mâle exotique marqué par un drame personnel soit l’individu bedonnant et mal fagoté qui traine sa panse pleine de whisky à travers le campus. Pourtant, il fascine deux femmes qui vont tenter chacune de leur côté de l’extraire de sa torpeur. L’une, coincée dans un mariage déliquescent, espère trouver en Abe l’amant croustillant qui l’emmènera en Europe. L’autre, éternelle romantique optimiste, idéalise l’objet de ses désirs et fait de son devoir de lui apporter un peu de sa joie de vivre.

Admettant que l’existence a tout d’imprévisible et de capricieux, l’intrigue s’établit à partir d’une double narration en voix off, nous plaçant tour à tour dans la tête d’Abe et de Jill. Ces deux âmes en peine vont, le temps d’une relation passagère, puiser chez l’un l’autre une énergie pour mener à bien leurs desseins, diamétralement opposés. Dans la galerie des hommes ordinaires de Woody Allen, Abe est tourmenté, désabusé, profondément égocentrique mais loin d’être irrationnel, surtout une fois qu’il a trouvé un but excitant à poursuivre. D’ailleurs, il n’y a rien d’irrationnel dans la peinture du cinéaste, tout comme il n’y a pas trace de comédie. Le récit est enlevé et continuellement relancé, le rythme soutenu, l’ambiance noire et pourtant, il semble manquer quelque chose pour dégripper l’ensemble. Les acteurs sont pourtant très loin de démériter. Le cinéaste trouve chez Joachin Phoenix, immense acteur habitué aux rôles tourmentés (Her, The immigrant, The Master…), l’instrument idéal de variations intérieures subtiles. Excellent dans le tragi-comique, l’acteur bedonnant trouve la tonalité parfaite jusqu’à l’ultime scène, brillante. En face, Emma Stone illumine l’écran et distille toute sa légèreté, sa vivacité et sa beauté naturelle à cette étudiante idéaliste.

Bercé par des airs jazzy chéris par le cinéaste, L’homme irrationnel est à l’image de son personnage principal : d’abord fantasmé, il est ensuite savouré et incompris puis décrié et accepté, d’une certain manière, sans vraiment faire de vague. Car si l’acte d’Abe est foncièrement révoltant, le récit doux-amer du cinéaste ne lui rend jamais toute sa noirceur, préférant laisser flotter dans l’air sa désinvolture et sa mélancolie poétique.  Œuvre élégante qui n’égale jamais la suprématie d’un Match Point ou d’un Crimes et Délits, L’homme irrationnel trouve une résonnance dans des questions existentielles chères au cinéaste : Qu’est-ce que le bonheur ? Où trouve-t-on l’accomplissement personnel ? Où est la limite entre le bien et le mal ? C’est beau, bien interprété, d’un incorrect vicieux mais ça n’apporte finalement pas grand chose au cinéma de Woody Allen. Qu’en sera-t-il du cru 2016 ?

Eve Brousse

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Fiche technique

·       Titre original : Irrational Man

·       Titre français : L'Homme irrationnel

·       Réalisation : Woody Allen

·       Scénario : Woody Allen

·       Photographie : Darius Khondji

·       Pays d'origine : États-Unis

·       Date de sortie :

·       France : 15 mai 2015 (Festival de Cannes) ; 14 octobre 2015 (sortie nationale)

·       États-Unis : 17 juillet 2015

Distribution

·       Emma Stone : Jill

·       Joaquin Phoenix : Abe

·       Parker Posey : Rita

·       Jamie Blackley

·       Ethan Phillips